Article : Analyse des données de l'Observatoire des dérogations 2022

Tout usager souhaitant accéder à des archives publiques qui ne sont pas encore librement communicables peut formuler une demande d'accès anticipé par dérogation aux délais de communicabilité au titre de l'article L. 213-3 du code du patrimoine. L'examen de cette demande fait la balance entre l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents (motivations et qualité du demandeur, par exemple) et celui qui s'attache à la protection des secrets contenus dans les documents. Après avis de l'autorité ou du service qui a produit les documents, l'administration des archives délivre ou non l'autorisation d'accès à l'usager. 

L'objectif de cette page est de mettre en évidence, à partir de l'analyse des données relatives aux demandes instruites en 2022 (à l'exception des demandes instruites par les services relevant du ministère des Armées et du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères), les principales caractéristiques de ces demandes : le volume qu'elles représentent, les démarches dans lesquelles elles s'inscrivent, les fonds d'archives sur lesquels elles portent ou encore les réponses qui leur ont été apportées.

L'analyse des données pour l'année 2021 est également disponible, ainsi que les données sur lesquelles elle s'appuie.

Le volume des demandes

Une hausse du nombre de demandes s'observe depuis plusieurs années, avec un chiffre total de 3 083 demandes pour 2022, soit une augmentation de 12 % par rapport à 2021. Le volume de demandes traitées est à sa valeur la plus haute depuis 2008 (figure 1).

Figure 1 : évolution du nombre de demandes instruites entre 2008 et 2022
Figure 1 : évolution du nombre de demandes instruites entre 2008 et 2022

Le volume global d'articles auquel l'accès est demandé décroît en revanche en 2022, malgré une courbe globalement ascendante depuis 2010 (figure 2).

Figure 2 : évolution du nombre d'articles demandés entre 2010 et 2022 (un article correspond à une unité matérielle)
Figure 2 : évolution du nombre d'articles demandés entre 2010 et 2022 (un article correspond à une unité matérielle)

La croissance du nombre de demandes continue majoritairement en raison d'un accroissement des demandes instruites par les archives départementales (+13 %), ainsi que, dans une moindre mesure, par les services à compétence nationale des Archives nationales (figure 3).

Figure 3 : évolution du volume des demandes et de la répartition entre services instructeurs entre 2018 et 2022
Figure 3 : évolution du volume des demandes et de la répartition entre services instructeurs entre 2018 et 2022

L'instruction des 3 083 demandes traitées en 2022 se répartit de la manière suivante :

  • 1 623 demandes ont été instruites par les archives départementales ;
  • 1 085 demandes par les services à compétence nationale, en l'occurrence les Archives nationales (906 demandes) et les Archives nationales d'outre-mer (26) ;
  • 322 demandes par différents opérateurs nationaux (OFPRA, SNCF, Service des archives économiques et financières, etc.) ou locaux (universités, centres hospitaliers, etc.) ;
  • 34 demandes par des services d'archives municipales ;
  • 19 demandes par des services qui n'entrent pas dans les précédentes catégories (les missions et services ministériels d'archives, par exemple).
Figure 4 : répartition des demandes par service instructeur en 2022
Figure 4 : répartition des demandes par service instructeur en 2022

On constate que la part des archives départementales constitue un peu plus de la moitié des demandes instruites en 2022 (figure 4). En revanche, si l'on examine la répartition du volume sous l'angle du nombre d'articles auxquels l'accès est demandé, la part des archives départementales est écrasante (figure 5). 

Figure 5 : répartition des articles demandés par service instructeur en 2022
Figure 5 : répartition des articles demandés par service instructeur en 2022

 

Les réponses apportées

Les réponses apportées aux demandes instruites en 2022 se répartissent de la manière suivante (figure 6) :

  • 82 % de demandes ont reçu un accord complet ;
  • 10 % de demandes ont reçu un accord partiel ;
  • 8 % de demandes ont reçu un refus.
Figure 6 : répartition des réponses apportées aux demandes instruites en 2022
Figure 6 : répartition des réponses apportées aux demandes instruites en 2022

 

On peut souligner la constance de cette répartition dans le temps (figure 7).

Figure 7 : évolution de la répartition entre demandes accordées, accordées partiellement et refusées entre 2019 et 2022
Figure 7 : évolution de la répartition entre demandes accordées, accordées partiellement et refusées entre 2019 et 2022

On constate toutefois un contraste assez fort entre les demandes instruites par les services à compétence nationale des Archives nationales, qui n'aboutissent à un accord complet que dans 62 % des cas, et celles qui le sont par les autres catégories de services, pour lesquelles l'issue est, dans plus de 90 % des cas, entièrement positive (figure 8). La nature des recherches (voir ci-après) explique cet écart.

Figure 8 : répartition des réponses apportées aux demandes instruites en 2022 selon la catégorie de service instructeur
Figure 8 : répartition des réponses apportées aux demandes instruites en 2022 selon la catégorie de service instructeur

 

La motivation des demandes

Les motifs avancés par les usagers à l'appui de leur demande d'accès anticipé se répartissent, en 2022, de la manière suivante (figure 9) : 

  • 25 % (772 demandes) pour une démarche administrative ou judiciaire ; 
  • 22 % (677 demandes) pour l'obtention d'un diplôme universitaire (mémoire de master, thèse de doctorat, etc.) ;
  • 20 % (594 demandes) pour une recherche scientifique ayant une finalité autre qu'un diplôme universitaire (livre, article, enquête collective, etc.) ;
  • 19 % (583 demandes) pour une recherche portant sur l'histoire de leur famille ; 
  • 10 % (333 demandes) pour une recherche réalisée par un généalogiste professionnel, la plupart du temps à des fins de recherche successorale ; 
  • 4 % (124 demandes) pour une recherche historique personnelle (recherche historique sans objectif de diffusion ou recherche portant sur son propre parcours).
Figure 9 : répartition des demandes instruites en 2022 par type de recherche
Figure 9 : répartition des demandes instruites en 2022 par type de recherche

Reflet des fonds conservés, le profil des demandeurs n'est pas le même selon le type de service qui a instruit la demande d'accès anticipé. 

On peut souligner ainsi la prépondérance des recherches de type universitaire et scientifique dans les demandes instruites par les services à compétence nationale des Archives nationales, où elles constituent plus des deux tiers des demandes. Les dossiers individuels récents (dossiers de naturalisation, dossiers de carrière) constituent néanmoins des sources fréquemment demandées pour les recherches de type généalogique ou administratif aux Archives nationales (figure 10).

Figure 10 : répartition des demandes instruites par les services à compétence nationale en 2022 par type de recherche
Figure 10 : répartition des demandes instruites par les services à compétence nationale en 2022 par type de recherche

 

La part des demandes liées à des recherches de type universitaire ou scientifique est proportionnellement plus faible dans les archives départementales, où elles ne constituent que 20 % des demandes. L'instruction par les archives départementales des demandes d'accès à des documents récents qui ne leur ont pas encore été versés (en particulier aux dossiers de tutelle ou de curatelle, fréquemment demandés dans le cadre de démarches successorales ou contentieuses) explique pour partie l'importance qu'y représentent les recherches de type administratif (44 % des demandes). Un quart environ des demandes se rapportent à des recherches d'ordre familial ou personnel. La part relativement faible des demandeseffectuées par les généalogistes professionnels peut s'expliquer par le fait que les recherches qu'ils effectuent dans le cadre de leur autorisation de consultation de l'état civil de moins de 75 ans ne sont pas comptabilisées ici (figure 11). 

Figure 11 : répartition des demandes instruites par les archives départementales en 2022 par type de recherche
Figure 11 : répartition des demandes instruites par les archives départementales en 2022 par type de recherche

 

Focus : les périodes étudiées

Les données de l'Observatoire des dérogations incluent, pour les demandes effectuées à des fins scientifiques ou universitaires, certaines des périodes étudiées. Il peut s'agir de recherches portant sur la période historique elle-même ou sur ses répercussions ultérieures. Ne sont toutefois comptabilisées que les périodes qui suscitent le plus de demandes, ou pour lesquelles l'administration des archives souhaite assurer un suivi. 

On compte ainsi, en 2022 :

  • 67 demandes liées à la Seconde Guerre mondiale ; 
  • 68 demandes liées à la guerre d'Algérie ; 
  • 10 demandes liées à la guerre civile d'Espagne ; 
  • 3 demandes liées aux événements de Mai 68 ;
  • 15 demandes liées à la guerre froide. 

Les fonds demandés

Les demandes instruites en 2022 portent, pour plus d'un tiers, sur des fonds judiciaires (figure 12). Cette proportion s'explique, d'une part, par le délai de communicabilité de 75 ou 100 ans auxquels sont soumis les documents judiciaires, l'un des plus longs prévus pour les archives publiques, et, d'autre part, par l'intérêt des sources judiciaires pour les démarches administratives et généalogiques. Suivent ensuite, du point de vue du nombre de demandes, les documents produits par les services relevant du domaine de l'intérieur et de la police (plus d'un cinquième des demandes), qui comprennent les services en charge de la nationalité et de l'accueil des réfugiés. Les fonds produits par les services rattachés au domaine de l'équipement, de l'environnement, de l'aménagement du territoire et des transports représentent un dixième des demandes, notamment en raison du nombre important de demandes portant sur les archives de grands opérateurs du domaine, au premier rang desquels la SNCF. Viennent ensuite, dans une plus faible proportion, le domaine des affaires sociales et de la santé (7 %) et le domaine de la culture, de la jeunesse et des sports (4 %). Le reste des demandes, qui représente 20 % du total, est fractionné entre les dix autres catégories : agriculture (0,4 %), fonds des cabinets (5,8 %), défense et anciens combattants (1,7 %), économie et industrie (1,4 %), éducation et recherche (4,2 %), finances et fiscalité (4,2 %), fonctions transverses (0,6 %), outre-mer (0,9 %), travail et emploi (0,1 %) et autre (0,4 %).

Figure 12 : répartition des demandes instruites en 2022 par domaine d'activité du service producteur
Figure 12 : répartition des demandes instruites en 2022 par domaine d'activité du service producteur

Si l'on considère cette répartition selon le type de service d'archives instructeur, on constate que la prédominance des fonds judiciaires est beaucoup moins nette dans les demandes instruites par les services à compétence nationale des Archives nationales (12 % des demandes). Ces derniers reçoivent en majorité des demandes portant sur les fonds du ministère de l'Intérieur, au sein desquels se trouvent les dossiers de naturalisation (figure 13). La part des fonds produits par les cabinets du Premier ministre et du Président de la République et par le Secrétariat général du Gouvernement (15 %) est relativement importante parmi les demandes présentées en 2022. On note ensuite, à parts quasi égales, des demandes portant sur les fonds relevant des domaines de la culture, de la jeunesse et des sports (8 %) et sur les fonds relevant des domaines de l'éducation et de la recherche (8 %). Le reste des demandes est ensuite dispersé entre les domaines suivants : affaires sociales et santé (2,1 %), agriculture (0,4 %), défense et anciens combattants (0,4 %), économie et industrie (1,6 %), équipement, environnement, aménagement du territoire et transports (3,9 %), fonctions transverses (0,9 %), outre-mer (2,4 %) et autre (0,6 %).

Figure 13 : répartition des demandes instruites par les services à compétence nationale en 2022, par domaine d'activité du service producteur
Figure 13 : répartition des demandes instruites par les services à compétence nationale en 2022, par domaine d'activité du service producteur

En archives départementales (figure 14), les demandes portent, pour près des deux tiers, sur des documents relevant du domaine judiciaire, dont une partie se trouve encore conservée par les juridictions. La répartition des demandes entre les services relevant du domaine de la police et de l'intérieur, du domaine de l'équipement, de l'environnement, de l'aménagement du territoire et des transports, du domaine des finances et de la fiscalité, ainsi que du domaine des affaires sociales et de la santé est ensuite quasiment équivalente, entre 6 et 9 % chacun. Les demandes portant sur les autres domaines d'activité (défense et anciens combattants, éducation et recherche, etc.) représentent 8 % du total.

Figure 14 : répartition des demandes instruites par les archives départementales en 2022, par domaine d'activité du service producteur
Figure 14 : répartition des demandes instruites par les archives départementales en 2022, par domaine d'activité du service producteur

 

Focus : le domaine de la Justice

Parmi les demandes qui portent sur les archives judiciaires, on relève pour l'année 2022 : 

  • 486 demandes portant sur des décisions de justice (jugement) ; 
  • 264 demandes portant sur des dossiers de majeurs ou mineurs protégés (tutelle ou curatelle) ;
  • 135 demandes portant sur des dossiers de procédure judiciaire ;
  • 31 demandes portant sur des dossiers d'assistance éducative.

Les délais de traitement des demandes

Le délai maximal d'instruction d'une demande d'accès anticipé à des documents non librement communicables est fixé par le code du patrimoine à deux mois à compter de son dépôt.

En pratique, on constate qu'en 2022 le délai moyen d'instruction d'une demande est de 174 jours, soit plus de 5 mois. Toutefois, si l'on prend en compte la durée médiane de traitement, afin d'éviter le biais introduit par la présence, au sein de l'échantillon, d'un nombre réduit de demandes dont l'instruction s'est prolongée au-delà de plusieurs mois voire, dans certains cas exceptionnels, de plusieurs années, le délai médian de traitement d'une demande est de 56 jours.

Les demandes d'accès examinées par le Comité du secret statistique

En application de la loi du 7 juin 1951, les demandes d'accès à des documents protégés au titre du secret statistique font l'objet d'un avis du Comité du secret statistique, préalable à la décision du Service interministériel des Archives de France. Le nombre de demandes instruites après examen par ce Comité s'est élevé en 2022 à 1 356, contre 1 523 en 2021 et 1 216 en 2020.

Ces demandes ont toutes donné lieu à accord. En raison de leur spécificité, elles font l'objet d'une comptabilisation à part.

Les recours devant la Commission d'accès aux documents administratifs

La Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) a examiné, en 2022, 56 demandes d'avis, à la suite de refus opposés par le Service interministériel des Archives de France à des demandes d'accès anticipé par dérogation aux délais de communicabilité. Le nombre de demandes d'avis pour 2021 était de 27, et pour 2020, 28.

Elle a émis : 

  • 27 avis favorables ; 
  • 2 avis partiellement favorables ; 
  • 18 avis défavorables. 

Neuf demandes ont par ailleurs été considérées comme sans objet.

Les demandes d'autorisation d'accès à l'état civil formulées par les généalogistes professionnels

L'autorisation de consulter l’état civil de moins de 75 ans a été délivrée à 411 généalogistes professionnels en 2022, contre 294 en 2021, 402 en 2020, 178 en 2019 et 368 en 2018 (figure 15). Cette cadence s’explique par des demandes de renouvellement plus nombreuses les années paires, le dispositif ayant été mis en place en 2010 et les autorisations étant valables deux ans. Ce rythme sera amené à évoluer dans les prochaines années, une nouvelle circulaire ayant été publiée le 4 janvier 2023, qui fait passer la durée de l'autorisation à quatre ans.

Figure 15 : évolution du nombre d'autorisations délivrées aux généalogistes professionnels entre 2017 et 2022
Figure 15 : évolution du nombre d'autorisations délivrées aux généalogistes professionnels entre 2017 et 2022

 

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