Page d'histoire : La loi Engerand, première loi sur la protection de la maternité 27 novembre 1909

Fernand Engerand (1867-1938), député conservateur du Calvados, dépose en 1906 une proposition de loi sur la protection des femmes avant et après l’accouchement. Trois ans s’écoulent avant que cette loi soit votée. Elle comprend un unique article : « La suspension du travail de la femme, pendant huit semaines consécutives, dans la période qui précède et suit l’accouchement, ne peut être une cause de rupture, par l’employeur, du contrat de louage de services et ce à peine de dommages-intérêts au profit de la femme. Celle-ci devra avertir l’employeur du motif de son absence. Toute convention contraire est nulle de plein droit. L’assistance judiciaire sera de droit pour la femme devant la juridiction du premier degré ».

Dès 1886, Albert de Mun, une des grandes figures du catholicisme social, avait défendu sans succès l’idée d’un congé maternité qui fut inclus dans la loi de 1892 sur la protection des enfants, des filles mineures et des femmes dans les établissements industriels.

Aussi, la loi de 1909, même si elle propose uniquement un congé non rémunéré, est-elle accueillie avec soulagement, comme un premier pas.

À la fin du XIXe siècle, la santé des travailleuses et des nouveaux-nés suscite débats et initiatives, dont deux propositions de loi en 1892, examinées par la Chambre des députés. Le rapporteur, médecin lui-même, s’appuie sur les arguments des « puériculteurs », accoucheurs et spécialistes du nouveau-né. Ces spécialités médicales en plein essor érigent, pour la première fois, la naissance et la santé de la mère et du nourrisson comme objets de sciences. Les recherches se multiplient, ainsi que les recommandations comme l’allaitement maternel. Des associations se créent, destinées à accueillir des femmes enceintes, à mener des études et à diffuser de nouvelles pratiques auprès des mères. Les résultats des observations menées par des médecins de renom comme Adolphe Pinard (sur le bienfait du repos des mères sur la santé du nourrisson par exemple), à l’hôpital, mais aussi dans des associations contribuent à alimenter les débats de société.

À peine la loi Engerand votée, Paul Strauss, élu au Sénat en 1897 et bien connu pour son action contre la mortalité infantile, dépose une autre proposition de loi, intégrant des indemnités destinées aux femmes salariées en couche. Elle sera adoptée en 1913. Son argumentation s’appuie largement sur les travaux scientifiques des médecins puériculteurs et recourt à une rhétorique bien rodée sur les risques encourus par le pays du fait de la baisse de la population française face à la puissance allemande. La loi de 1913 accorde aux femmes enceintes le droit à un congé assorti d’une indemnité. Le congé prénatal est facultatif, le congé postnatal de quatre semaines obligatoire pour les femmes qui travaillent hors de chez elles contre un salaire. Peu de temps après, la loi est étendue aux femmes salariées à domicile.

Ce ne sera qu’en 1928 que le droit à la gratuité des soins médicaux et à des indemnités compensatrices entre dans le cadre de la loi sur les assurances sociales, faisant des allocations de maternité un droit lié à l’exercice du travail.

 

Françoise Battagliola
directrice de recherche au CNRS
cultures et sociétés urbaines

Source: Commemorations Collection 2009

Liens