Article : Gérer une contamination par les moisissures
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Date : 25 mai 2022
Parmi les organismes vivants ayant une appétence pour les papiers, colles, cuirs ou parchemins, les moisissures sont particulièrement redoutées par les professionnels et sont probablement la première cause de dégradation des collections d’archives. Lorsqu’une contamination par les moisissures apparaît, il est important d’agir rapidement et de prendre ensuite les mesures qui permettront de la traiter efficacement et éviter sa récidive.
Que faire en cas de contamination par les moisissures ? Les mesures d’urgence
Dès que des moisissures apparaissent, il importe de prendre rapidement des mesures pour éviter qu’elles prolifèrent et s’étendent.
Épisode 1. Connaître et prévenir - Cet épisode décrit succinctement ce qu’est une moisissure, son cycle de développement, les conditions favorables à sa germination et sa croissance, et les actions de conservation préventive à mettre en place pour éviter son apparition sur les collections d’archives et de bibliothèques.
Les moisissures : Connaître et prévenir (épisode 1/3)
L’un des ennemis les plus redouté du patrimoine conservé dans les archives et les bibliothèques est la moisissure.
Qu’est-ce qu’une moisissure ?
Friande du papier, du cuir et du parchemin, elle s’en nourrit pour croître et se multiplier. Une moisissure au départ, c’est une spore, petite graine microscopique qui se confond avec la poussière la plus fine. Elle profite du moindre mouvement d’air pour se soulever et se déposer parfois très loin de l’endroit où elle a été produite. Puis, elle se met dans un état de dormance et attend ; des mois, voire des dizaines d’années parfois. Dès que l’air est stagnant que les conditions sont chaudes et humides, elle reprend son activité biologique et se met à germer. Elle puise ensuite l’eau naturellement contenue dans le matériau sur lequel elle pousse pour se développer. L’humidité relative de l’air peut donc redescendre à 50%, cela ne l’empêche pas de s’étendre puis de se ramifier. Au bout de quelques jours, la moisissure produit des conidiophores, petits arbres branchus qui porteront chacun, des milliers de spores, prêtes à s’envoler et coloniser d’autres supports. Les moisissures se nourrissent de leur substrat en libérant sur ce dernier des enzymes et des métabolites, généralement colorés. Le support se fragilise et se couvre de taches pigmentées.
Comment éviter une contamination
Pour éviter une contamination fongique, il faut donc :
maintenir des conditions saines : les locaux et le mobilier doivent être propres, l’état sanitaire des collections doit être vérifié au moment de leur collecte. Elles doivent être dépoussiérées avant d’être placées sur les rayonnages des magasins.
maintenir l’humidité relative ambiante à des niveaux inférieurs à 60%. En cas de pics incontrôlés d’hygrométrie, ventiler constamment le magasin à l’aide de ventilateurs/brasseurs d’air de façon à éviter la germination des spores.
éviter l’utilisation de matériaux hygroscopiques et poreux comme les toiles pour les reliures ou les boîtes, les panneaux de particule bruts pour le mobilier.
surveiller le bâtiment et en particulier les murs donnant sur l’extérieur, éviter de placer des étagères le long de ces derniers.
surveiller l’état des canalisations et autres gaines susceptibles de contenir des liquides.
Dans la mesure du possible, éviter leur présence dans les magasins de conservation.
Générique de fin
Crédits :
Production : Service interministériel des Archives de France
Direction scientifique : Thi-Phuong Nguyen
Réalisation, image et montage : Momoko Seto
Design graphique et animation : gattigraphie
Voix : Anne Steffens
Musique : Yann Olivier Leguay
Image : Simon Garette
Étalonnage : Yanning Wilmann
Remerciements
Archives nationales, Marie Courselaud (responsable du service de conservation préventive), Olivier Maugé (adjoint technique, ASM au département de l'exécutif et du législatif), Djemel Chares (adjoint technique ASM au service de conservation préventive), Roseline Salmon (responsable du pôle assemblées parlementaires et consultatives DEL)
ECCE film : Emmanuel chaumet, Julien Graff
Épisode 2. Comment gérer une contamination par les moisissures ? Les mesures d’urgence - Lorsque des moisissures apparaissent sur les collections d’archives et de bibliothèques, il est important de prendre rapidement les mesures adéquates pour enrayer leur développement et éviter qu’elles ne se propagent. Dans cet épisode, des conseils sont donnés pour une prise en charge rapide et efficace des collections et des locaux moisis.
Les moisissures : les mesures d’urgence (épisode 2/3)
Malgré les mesures préventives qui peuvent être mises en place pour l’éviter, aucune institution patrimoniale n’est à l’abri d’une contamination par les moisissures. Afin d’éviter qu’elle ne s’étende et se généralise à l’ensemble d’un fonds, il importe de la prendre en charge le plus rapidement possible.
Identifier les causes de la contamination
Lorsque des moisissures apparaissent, il faut avant tout, identifier les causes de la contamination, qui est toujours due à la présence d’humidité :
Parois humides
Canalisations qui fuient
Dérèglement de la climatisation
Porter des équipements de protection
Il est ensuite important de se protéger de la poussière et des moisissures en s’équipant de gants en plastique jetables, d’un masque anti-poussière de qualité FFP2 ou FFP3, de lunettes de protection et d’une blouse ou d’une combinaison.
Les documents moisis sont ensuite isolés :
s’il s’agit de quelques documents, ceux-ci sont placés dans des pochettes en papier puis évacués,
s’il s’agit d’une contamination de plus grande ampleur, la zone est bâchée à l’aide d’un film en plastique.
Déshumidifier à 40-45% d’humidité relative et ventiler
En cas d’humidité relative ambiante élevée, des déshumidificateurs réglés à 40-45% d’humidité relative doivent être installés. Après isolement et évacuation des ouvrages moisis, il est recommandé de brasser l’air autour des collections encore saines grâce à des ventilateurs placés devant les allées des rayonnages. Ceci, afin d’éviter qu’elles ne moisissent à leur tour. Pendant toutes ces opérations, la climatisation doit être arrêtée et les ouvertures vers l’extérieur obturées afin d’éviter la propagation des spores et la pénétration d’air humide dans le magasin.
Conduite à tenir en cas de contamination faible
Si la contamination est faible et n’affecte qu’un nombre restreint de documents, ceux-ci peuvent être placés dans un local isolé, propre et dont l'humidité relative se situe aux alentours de 40%. Ils seront mis à sécher dans ce local pendant au moins 2 mois puis minutieusement dépoussiérés à l’aide d’un aspirateur. Les surfaces moisies et celles sur lesquelles étaient déposés les documents sont nettoyées à l’aide d’un aspirateur muni d’un filtre HEPA puis d’un chiffon microfibre éventuellement imprégné d’un liquide fongicide et sporicide. Ce liquide est rincé et séché si nécessaire, et ne doit en aucun cas être mis en contact direct avec les collections.
Conduite à tenir en cas de contamination sévère
S’il s’agit d’une contamination sévère ou touchant un plus grand nombre de documents, ceux-ci sont placés dans des cartons, évacués puis désinfectés à l’oxyde d’éthylène ou aux rayons gamma. Les surfaces moisies et celles sur lesquelles étaient déposés les documents sont également dépoussiérées et nettoyées et pour assainir l’air du local, il est possible d’installer des appareils mobiles de décontamination de l’air.
Générique de fin
Crédits :
Production : Service interministériel des Archives de France
Direction scientifique : Thi-Phuong Nguyen
Réalisation, image et montage : Momoko Seto
Design graphique et animation : gattigraphie
Voix : Anne Steffens
Musique : Yann Olivier Leguay
Image : Simon Garette
Étalonnage : Yanning Wilmann
Remerciements
Bibliothèque nationale de France, Stéphane Bouvet (responsable du laboratoire scientifique et technique), Valentin Rottier (microbiologiste au laboratoire scientifique et technique), Olivier Piffault (directeur du département de la conservation), Philippe Vallas (directeur adjoint du département de la conservation)
ECCE film : Emmanuel chaumet, Julien Graff
Épisode 3. Comment gérer une contamination par les moisissures ? Les procédés de décontamination des collections - Dans cet épisode, sont décrits les procédés à utiliser ou à proscrire pour désinfecter des collections d’archives et de bibliothèques contaminées par les moisissures.
Les moisissures : Les procédés de décontamination des collections (épisode 3/3)
Les moisissures comptent parmi les ennemis les plus délétères pour le patrimoine écrit. Il est donc important lorsqu’elles apparaissent, de les éradiquer aussi rapidement et efficacement que possible. Mais, parce que ce patrimoine est généralement composé de documents historiques, précieux et fragiles, une attention particulière doit être portée sur le choix du traitement, qui sera sans risque pour les matériaux qui les constituent, et efficace sur moisissures et leurs spores. Pour la désinfection du patrimoine écrit, trois traitements sont aujourd’hui conseillés.
Dépoussiérage par aspiration
Le dépoussiérage par aspiration, que l’on réserve aux documents poussiéreux et anciennement contaminés. Il s’effectue à l’aide d’un aspirateur muni d’un filtre HEPA et, le cas échéant, avec des outils complémentaires : chiffon microfibres, brosse et pinceau. Les agents qui réalisent ce dépoussiérage doivent être équipés de gants en plastique jetable, blouse ou combinaison, masque anti-poussière de qualité FFP2 minimum, et lunettes de protection. Il est très important de ne pas dépoussiérer des documents présentant des moisissures actives et en pleine croissance. Cette opération peut en effet aggraver la contamination en étalant et en faisant adhérer les spores à la surface du document. Le dépoussiérage ne doit donc être réalisé que sur des documents faiblement contaminés ayant été préalablement séchés pendant au moins 2 mois dans un local sain dont l’humidité relative se situe autour de 40%.
Fumigation à l’oxyde d’éthylène
La fumigation à l’oxyde d’éthylène, que l’on réserve aux fonds fortement contaminés ou de gros volume, reste le seul traitement chimique connu qui soit à la fois sans risque pour les papiers, les cuirs et les parchemins, et totalement efficace sur les moisissures et leurs spores. Parce que l’oxyde d’éthylène est un gaz toxique, son utilisation est soumise à des protocoles extrêmement stricts et encadrés qui comprennent une phase de désorption de 3 semaines au minimum. A l’issue de cette période, les documents, ne contiennent plus d’oxyde d’éthylène et peuvent à nouveau être manipulés sans risque pour la santé des personnes.
Irradiations par rayons gamma
Pour les fonds fortement contaminés et de gros volume, il est également possible de recourir à l’irradiation par rayons gamma. Ce procédé permet une mise à disposition rapide des documents mais il entraine une légère dégradation de la cellulose du papier, et ne convient pas aux matériaux transparents tels que les négatifs photographiques. On le déconseille également pour la désinfection des documents audiovisuels.
Recommandations finales
Les traitements à l’oxyde d’éthylène et aux rayons gamma ne protègent pas les collections d’une recontamination. Ces dernières ne doivent donc pas réintégrer leur local de conservation initial si toutes les mesures n'ont pas été prises pour éviter qu’elles se contaminent à nouveau. Les traitements de désinfection n'éliminent pas les spores de moisissures qui, bien que mortes, restent allergènes. Il est donc fortement conseillé de dépoussiérer les documents avant de les replacer dans le local de conservation. En raison de leur inefficacité sur les moisissures et les spores, mais également de leur potentielle dangerosité pour les matériaux du patrimoine, les traitements suivants sont fortement déconseillés :
La congélation
L’anoxie
L’ozonation
L’utilisation de produits biocides sous forme de poudre fumigènes ou de liquides dispersés dans l’air.
En cas de contamination sévère d’un local de conservation, il peut être nécessaire de recourir à un traitement global de l’air et des surfaces. Dans ce cas, le local traité doit être préalablement vidé.
Générique de fin
Crédits :
Production : Service interministériel des Archives de France
Direction scientifique : Thi-Phuong Nguyen
Réalisation, image et montage : Momoko Seto
Design graphique et animation : gattigraphie
Voix : Anne Steffens
Musique : Yann Olivier Leguay
Image : Simon Garette
Étalonnage : Yanning Wilmann
Remerciements
Archives nationales : Marie Courselaud (responsable du service de conservation préventive) Bibliothèque nationale de France : Stéphane Bouvet (responsable du laboratoire scientifique et technique), Anne Baranowski, magasinier au département de la conservation, Olivier Piffault (directeur du département de la conservation), Philippe Vallas (directeur adjoint du département de la conservation) Bibliothèque de Genève : Nellie Cauliez, conservatrice responsable de unité régie ARC-Nucléart : Laurent Cortella, ingénieur chercheur, responsable des irradiations
Lorsque des traces s'apparentant à des moisissures sont visibles sur des documents, il importe de vérifier qu'il s'agit bien de moisissures actives avant d'envisager tout traitement, notamment avec un produit biocide. Pour ce faire, il est possible de faire appel à un laboratoire spécialisé qui saura dénombrer et identifier la (les) souche(s) de moisissure(s), informations utiles pour évaluer la virulence de la contamination. Tous les laboratoires d’analyse spécialisés dans la détection, le dénombrement et l’identification des moisissures environnementales, sont capables de réaliser ce type d’étude, mais les protocoles de prélèvement et de mise en culture doivent être adaptés à la nature des souches recherchées (cellulolytiques, protéolytiques…) et aux objectifs visés (évaluation de la contamination de documents d’archives).
Un laboratoire d'analyses environnementales peut également être sollicité lors d’une contamination de grande ampleur pour évaluer le risque qu’elle peut présenter pour la santé des personnes, et mettre en place des mesures de prévention et de protection adaptées.
S’il s’agit uniquement de s'assurer qu’une ancienne trace de moisissure à présent sèche ne se réactivera pas en cas de dérèglement climatique, ou bien de vérifier l’efficacité d’une opération de dépoussiérage, un auto-diagnostic peut être réalisé. Il ne nécessite pas d'équipement de laboratoire spécifique et fournit des résultats rapides, mais ne permet pas d’identifier la souche de moisissure.
Désinfecter les archives et leur environnement
Les documents d’archives sont fragiles et particulièrement sensibles aux procédés physiques et chimiques utilisés pour éliminer les moisissures et les spores qui les colonisent. Il n’existe de ce fait que très peu de traitements de désinfection qui aient une réelle efficacité sur ces dernières et qui soient inoffensifs pour les matériaux qui composent les documents.
Le traitement de désinfection choisi dépendra de l’ampleur et de la virulence de la contamination, mais en cas de contamination sévère et/ou de grande ampleur, seules la fumigation à l’oxyde d’éthylène et l’irradiation aux rayons gamma sont recommandées aujourd’hui.
L’utilisation d’ozone et de poudres fumigènes, parce qu’ils sont peu efficaces et potentiellement dangereux pour les matériaux qui constituent les documents sont fortement déconseillés. Les poudres fumigènes, liquides biocides pulvérisés ou nébulisés peuvent être utilisés pour traiter les locaux et le mobilier à condition qu’ils soient préalablement vidés de leurs collections.