Article : Analyse des données de l'Observatoire des dérogations 2021
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Date : 15 avril 2022
Tout usager souhaitant accéder à des archives publiques qui ne sont pas encore librement communicables peut formuler une demande d'accès anticipé par dérogation aux délais de communicabilité au titre de l'article L. 213-3 du code du patrimoine. L'examen de cette demande fait la balance entre l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents (motivations et qualité du demandeur, par exemple) et celui qui s'attache à la protection des secrets contenus dans les documents. Après avis de l'autorité ou du service qui a produit les documents, l'administration des archives délivre ou non l'autorisation d'accès à l'usager.
L'objectif de cette page est de mettre en évidence, à partir de l'analyse des données relatives aux demandes instruites en 2021 (à l'exception des demandes instruites par les services relevant du ministère des Armées et du ministère de l'Europe et des affaires étrangères), les principales caractéristiques de ces demandes : le volume qu'elles représentent, les démarches dans lesquelles elles s'inscrivent, les fonds d'archives sur lesquels elles portent ou encore les réponses qui leur ont été apportées.
Le volume des demandes
Après un léger recul en 2020 dû à la crise sanitaire, le nombre total des demandes instruites s'élève en 2021 à 2 716 demandes, augmentant de 24 % par rapport à l'année 2019. Confirmant la progression entamée depuis plusieurs années, le volume de demandes traitées atteint sa valeur la plus haute depuis 2008 (figure 1).
Figure 1 : évolution du nombre de demandes instruites entre 2008 et 2021.
Le volume global d'articles auquel l'accès est demandé connaît également une croissance depuis 2010, bien que sa courbe de progression soit moins linéaire (figure 2).
Figure 2 : évolution du nombre d'articles demandés en 2010 et 2021 (un article correspond à une unité matérielle).
La croissance du nombre de demandes est due à l’augmentation des demandes instruites par les archives départementales (+47 %) et, dans une moindre mesure, des services à compétence nationale des Archives nationales (figure 3).
Figure 3 : évolution du volume des demandes et de la répartition entre services instructeurs entre 2018 et 2021.
L'instruction des 2 716 demandes traitées en 2021 s'est répartie de la manière suivante :
1 407 demandes ont été instruites par les archives départementales ;
932 demandes par les services à compétence nationale, en l'occurrence les Archives nationales (906 demandes), les Archives nationales d'outre-mer (26) ;
306 demandes par différents opérateurs nationaux (OFPRA, SNCF, Service des archives économiques et financières, etc.) ou locaux (universités, centres hospitaliers, etc.) ;
32 demandes par des services d'archives municipales ;
3 demandes par un service d'archives régional ;
36 demandes par des services qui n'entrent pas dans les précédentes catégories (les services d'archives implantés dans les ministères, par exemple).
Figure 4 : répartition des demandes par service instructeur en 2021.
On constate que la part des archives départementales constitue un peu plus de la moitié des demandes intruites en 2021 (figure 4). En revanche, si l'on examine la répartition du volume sous l'angle du nombre d'articles auxquels l'accès est demandé, la part des archives départementales est écrasante (figure 5).
Figure 5 : répartition des articles demandés par service instructeur en 2021.
Les réponses apportées
Les réponses apportées aux demandes instruites en 2021 se répartissent de la manière suivante (figure 6) :
81 % de demandes ont reçu un accord complet ;
11 % de demandes ont reçu un accord partiel ;
8 % de demandes ont reçu un refus.
Figure 6 : répartition des réponses apportées aux demandes instruites en 2021.
On peut souligner la constance de cette répartition dans le temps (figure 7).
Figure 7 : évolution de la répartition entre demandes accordées, accordées partiellement et refusées en 2019 et 2021.
On constate toutefois un contraste assez fort entre les demandes instruites par les services à compétence nationale des Archives nationales, qui n'aboutissent à un accord complet que dans 62 % des cas, et celles instruites par les autres catégories de services pour lesquelles l'issue est, dans plus de 90 % des cas, entièrement positive (figure 8). La nature des recherches (voir ci-après) explique cet écart.
Figure 8 : répartition des réponses apportées aux demandes instruites en 2021 selon la catégorie de service instructeur.
La motivation des demandes
Les motifs avancés par les usagers à l'appui de leur demande d'accès anticipé se répartissent, en 2021, de la manière suivante (figure 9) :
24 % (662 demandes) pour une démarche administrative ou judiciaire ;
22 % (600 demandes) pour l'obtention d'un diplôme universitaire (mémoire de master, thèse de doctorat, etc.) ;
21 % (563 demandes) pour une recherche scientifique ayant une finalité autre qu'un diplôme universitaire (livre, article, enquête collective, etc.) ;
19 % (519 demandes) pour une recherche portant sur l'histoire de leur famille ;
10 % (256 demandes) pour une recherche réalisée par un généalogiste professionnel, la plupart du temps à des fins de recherche successorale ;
4 % (116 demandes) pour une recherche historique personnelle (recherche historique sans objectif de diffusion ou recherche portant sur son propre parcours).
Figure 9 : répartition des demandes instruites en 2021 par type de recherche.
Reflet des fonds conservés, le profil des demandeurs n'est pas le même selon le type de service qui a instruit la demande d'accès anticipé.
On peut souligner ainsi la prépondérance des recherches de type universitaire et scientifique pour les demandes instruites par les services à compétence nationale des Archives nationales, où elles constituent plus des deux tiers des demandes. Les dossiers individuels récents (dossiers de naturalisation, dossiers de carrière) constituent néanmoins des sources fréquemment demandées pour les recherches de type généalogique ou administratif (figure 10).
Figure 10 : répartition des demandes instruites par les services à compétence nationale en 2021 par type de recherche.
La part des demandes liées à des recherches de type universitaire ou scientifique est proportionnellement plus faible aux archives départementales, où elles ne constituent que 25 % des demandes. L'instruction par les archives départementales des demandes d'accès à des documents récents qui ne leur ont pas encore été versés (en particulier aux dossiers de tutelle ou de curatelle, fréquemment demandés dans le cadre de démarches successorales ou contentieuses) explique pour partie l'importance qu'y représentent les recherches de type administratif (42 % des demandes). Un quart environ des demandes se rapportent à des recherches d'ordre familial ou personnel. La part relativement faible des demandes effectuées par les généalogistes professionnels peut s'expliquer par le fait que les recherches qu'ils effectuent dans le cadre de leur autorisation de consultation de l'état civil de moins de 75 ans ne sont pas comptabilisées ici (figure 11).
Figure 11 : répartition des demandes instruites par les archives départementales en 2021 par type de recherche.
Focus : les périodes étudiées
Lors d'une demande effectuée à des fins scientifiques ou universitaires, on relève, dans certains cas, la période historique étudiée par le chercheur. Il peut s'agit d'une recherche portant sur la période historique elle-même ou sur ses répercussions ultérieures. Ne font toutefois l'objet d'un recensement que les périodes qui suscitent le plus de demandes, ou pour lesquelles l'administration des archives souhaite assurer un suivi.
On compte ainsi, en 2021 :
78 demandes liées à la Seconde Guerre mondiale ;
63 demandes liées à la guerre d'Algérie ;
16 demandes liées à la guerre civile d'Espagne ;
12 demandes liées aux événements de Mai 68 ;
10 demandes liées à la guerre froide.
Les fonds demandés
Les demandes instruites en 2021 portent, pour plus d'un tiers, sur les fonds judiciaires (figure 12). Cette proportion s'explique, d'une part, par le délai de communicabilité de 75 ou 100 ans auxquels sont soumis les documents judiciaires, l'un des plus longs prévus pour les archives publiques et, d'autre part, par l'intérêt des sources judiciaires pour les démarches administratives et généalogiques. Suivent ensuite, du point de vue du nombre de demandes, les documents produits par les services relevant de l'intérieur et de la police (environ un cinquième des demandes), qui comprennent les services en charge de la nationalité et de l'accueil des réfugiés. Les fonds produits par les services rattachés au domaine de l'équipement, de l'environnement, de l'aménagement du territoire et des transports représentent plus d'un dixième des demandes, notamment en raison du nombre important de demandes portant sur les archives de grands opérateurs du domaine, au premier rang desquels la SNCF. Viennent ensuite, dans une plus faible proportion, le domaine des affaires sociales et de la santé (7 %) et le domaine de la culture, de la jeunesse et des sports (6 %). Le reste des demandes, qui représente moins de 20 % du total, est fractionné entre les dix autres catégories : agriculture (0,4 %), fonds des cabinets (4.6 %), défense et anciens combattants (1,9 %), économie et industrie (1,3 %), éducation et recherche (4,2 %), finances et fiscalité (3,3 %), fonctions transverses (1,2 %), outre-mer (1,3 %), travail et emploi (0,2 %) et autre (1,2 %).
Figure 12 : répartition des demandes instruites en 2021 par domaine d'activité du service producteur.
Si l'on considère cette répartition selon le type de service d'archives instructeur, on constate que la prédominance des fonds judiciaires est beaucoup moins nette dans les demandes instruites par les services à compétence nationale des Archives nationales (11 % des demandes). Ces derniers reçoivent en majorité des demandes portant sur les fonds du ministère de l'Intérieur, au sein desquels se trouvent les dossiers de naturalisation (figure 13). La part des fonds relevant des domaines de la culture, de la jeunesse et des sports (15 %) est également plus importante que dans les autres types de services d'archives. On rencontre ensuite, à part quasi égale, les demandes portant sur les fonds produits par les cabinets du Premier ministre et du Président de la République et par le Secrétariat général de la Présidence de la République (9 %) et les fonds relevant des domaines de l'éducation et de la recherche (8 %). Le reste des demandes est ensuite dispersé entre les domaines suivants : affaires sociales et santé (5,7 %), agriculture (0,4 %), défense et anciens combattants (1,5 %), économie et industrie (1,1 %), équipement, environnement, aménagement du territoire et transports (2,7 %), fonctions transverses (1,4 %), outre-mer (3,6 %), travail et emploi (0,4 %) et autre (2,3 %).
Figure 13 : répartition des demandes instruites par les services à compétence nationale en 2021, par domaine d'activité du service producteur.
En archives départementales (figure 14), les demandes portent, pour plus des deux tiers, sur des documents relevant du domaine judiciaire, dont une partie se trouve encore conservée par les juridictions. La répartition des demandes entre les services relevant du domaine de la police et de l'intérieur, du domaine de l'équipement, de l'environnement, de l'aménagement du territoire et des transports ainsi que du domaine des affaires sociales et de la santé est ensuite quasiment équivalente, entre 8 et 9 % chacun. 5 % des demandes portent ensuite sur les fonds des services fiscaux. Les demandes portant sur les autres domaines d'activité (défense et anciens combattants, éducation et recherche, etc.) représentent moins de 10 % du total.
Figure 14 : répartition des demandes instruites par les archives départementales en 2021, par domaine d'activité du service producteur.
Focus : le domaine de la Justice
Parmi les demandes qui portent sur les archives judiciaires, on relève pour l'année 2021 :
299 demandes portant sur des décisions de justice (jugement) ;
299 demandes portant sur des dossiers de majeurs ou mineurs protégés (tutelle ou curatelle) ;
176 demandes portant sur des dossiers de procédure judiciaire ;
41 demandes portant sur des dossiers d'assistance éducative.
Les délais de traitement des demandes
Le délai maximal d'instruction d'une demande d'accès anticipé à des documents non librement communicables est fixé par le code du patrimoine à deux mois à compter de son dépôt.
En pratique, on constate qu'en 2021 le délai moyen d'instruction d'une demande est de 118 jours, soit près de 4 mois. Toutefois, si l'on prend en compte la durée médiane de traitement, afin d'éviter le biais introduit par la présence, au sein de l'échantillon, du nombre réduit de demandes dont l'instruction s'est prolongée au-delà de plusieurs mois voire, dans certains cas exceptionnels, de plusieurs années, le délai médian de traitement d'une demande est alors de 67 jours.
Les demandes d'accès examinées par le Comité du secret statistique
En application de la loi du 7 juin 1951, les demandes d'accès à des documents protégés au titre du secret statistique font l'objet d'un avis du Comité du secret statistique, préalable à la décision du Service interministériel des Archives de France. Le nombre de demandes instruites après examen par le Comité s'est élevé en 2021 à 1523, contre 1216 en 2020 et 938 en 2019.
Ces demandes ont toutes donné lieu à accord. En raison de leur spécificité, elles font l'objet d'une comptabilisation à part.
Les recours devant la Commission d'accès aux documents administratifs
La Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) a examiné, en 2021, 27 demandes d'avis, à la suite de refus opposés par le Service interministériel des Archives de France à des demandes d'accès anticipé à des documents non librement communicables.
Elle a émis :
15 avis favorables ;
2 avis partiellement favorables ;
8 avis défavorables.
Deux demandes ont par ailleurs été considérées comme sans objet.
Les demandes d'autorisation d'accès à l'état civil formulées par les généalogistes professionnels
L'autorisation de consulter l’état civil de moins de 75 ans a été délivrée à 294 généalogistes professionnels en 2021, contre 402 en 2020, 178 en 2019 et 368 en 2018 (figure 15). Cette cadence s’explique par des demandes de renouvellement plus nombreuses les années paires, le dispositif actuel ayant été mis en place en 2010 et les autorisations étant valables deux ans.
Figure 15 : évolution du nombre d'autorisations délivrées aux généalogistes professionnels entre 2017 et 2021.