Article : Une autre mémoire de l’esclavage. Fortunes et infortunes dunkerquoises à Saint-Domingue au XVIIIe siècle

Une publication des Archives de Dunkerque, 2016, 66 pages

 

Les pages que vous allez découvrir résonnent de façon violente, comme toutes les histoires dans lesquelles les hommes se méprisent et s’affrontent au profit de leur intérêt particulier et sans considération sur ce qui pourrait les unir.

L’histoire de l’humanité est parsemée de ces épisodes noirs, et ses plus grandes pages s’écrivent quand, renversant l’ordre des choses, elle fait succéder l’intelligence et la démocratie à l’obscurantisme, au profit du plus grand nombre.

C’est précisément l’un de ses renversements que les archives de Dunkerque permettent de suivre dans la correspondance d’un homme du XVIIIe siècle que le Centre de la Mémoire a pu acquérir en 2015 en vu de sa conservation et de sa mise à disposition de ceux qui voudront l’étudier.

Cette correspondance est celle d’un Dunkerquois, Dominique Lemaire, né dans une famille de négociants et qui choisit en 1763 de s’installer dans la très lucrative colonie de Saint-Domingue. Alors qu’il s’y était rendu pour gérer la succession d’un oncle défunt, il choisit de construire sa fortune sur les exceptionnels rendements économiques de l’île. Investir dans les plantations tout en disposant du réseau commercial familial en Europe garantissait des profits de grande envergure avec des produits « exotiques » tels que le coton, le café, le sucre… et à l’aide d’une main d’œuvre en esclavage qui ne pouvait revendiquer ni droit, ni salaire et qu’il n’était nécessaire que de nourrir.

Dans cette « petite » Histoire, la grande vient s’immiscer : le choix de vie de Dominique Lemaire fut entravé à la fin du siècle par la lutte pour l’émancipation qui enflammait plus de 400 000 esclaves noirs et mulâtres à Saint-Domingue. La Révolution qui renversait l’ordre social en France stimulait ainsi l’appel à la liberté de ses populations captives et sans avenir. La progression inexorable des idées de liberté et de démocratie, l’unité de destin et la supériorité numérique déterminèrent en 1791 les premières révoltes d’esclaves.

Dominique Lemaire ne se désavoue jamais au fil des années de révolte et de révolution. Il garde espoir aussi longtemps que possible et n’abandonne finalement son domaine que pour sauver sa vie, refusant même l’idée de rejoindre Dunkerque où sa famille avait préparé son retour.

À deux siècles de distance, ces lettres documentent la fin d’un monde, celui des plantations esclavagistes, et l’aube d’un autre par la conquête de la Liberté. Elles ont pour cela une place de haut rang au sein des archives de notre Nation. Mais au-delà de cette valeur emblématique, elles restituent la violence extrême cette conquête et ses haines, en correspondance étroite avec la longue infamie qui les a déterminées. C’est pour cette raison surtout qu’elles sont un objet précieux et important de notre histoire.

 

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