Article : L'Épuration après la Seconde Guerre mondiale
La volonté de purifier la Nation en châtiant ceux qui l'ont trahie apparaît dès les premiers mois de l’Occupation avec l’engagement du gouvernement de Vichy et d’une partie des Français dans la collaboration. Aux lois antisémites, à la surveillance des populations, à l'instauration du Service du travail obligatoire (STO) et aux difficultés du quotidien comme le rationnement, s'ajoutent les crimes et les exactions commis par les troupes nazies et leurs supplétifs français sur l'ensemble du territoire jusqu'à la Libération : meurtres, attentats et agressions dans les Landes, dénonciations à Perpignan et à Paris auprès de l'État-major allemand, tortures menées par la Milice à Poitiers, massacre d'Oradour-sur-Glane, rafles de zazous dans l'Hérault et de Juifs dans tout l'Hexagone, exécutions d'otages en représailles à Rouen, vols, pillages et marché noir dans le Rhône ou trafic de cartes d'alimentation à Montpellier.
Certains s'engagent dans la Résistance ; dès 1940, d'autres, pour manifester leur hostilité aux autorités allemandes et à la politique collaborationniste de Vichy, injurient et ostracisent les familles des ouvriers partis travailler en Allemagne, inscrivent "À mort Darlan" sur une vespasienne, conservent chez eux une chanson intitulée "Pierre Laval, nous voilà" ou expriment leur "dégoût et profond mépris" à l'égard des troupes d'occupation auprès du préfet de l'Hérault.
L'Épuration sauvage
En 1944, le désordre induit par le recul des troupes allemandes et le délitement des autorités vichyssoises face à la progression des Alliés après les débarquements de Normandie et de Provence favorise l'émergence d'une justice populaire et la multiplication des règlements de comptes. Des membres de la Milice sont exécutés sommairement en Haute-Saône, des bombes explosent dans les locaux de la Légion des Volontaires Français contre le bolchévisme (LVF) à Besançon, un commissaire de police est lynché par la foule à Dijon, des collaborateurs sont arrêtés, pendus ou fusillés ; des femmes, accusées ou suspectées de "collaboration horizontale", sont humiliées et tondues, et parfois marquées au fer rouge comme la célèbre tondue de Chartres par une foule haineuse.
L'Épuration légale
Dès sa création en Alger en 1943, le Comité français de libération nationale (CFLN), co-dirigé par les généraux de Gaulle et Giraud et constitué notamment de résistants comme Emmanuel d’Astier de la Vigerie ou Henri Frenay, instaure une Commission d’épuration, chargée d’enquêter sur les faits de collaboration. Présidée par François de Menthon, l'un des responsables du mouvement de résistance Combat, elle est chargée de "traduire en justice, dès que les circonstances le permettront, le maréchal Pétain et ses ministres, ceux qui avaient capitulé ou porté atteinte à la Constitution, ceux qui ont collaboré avec l’ennemi".
En 1944, le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF), qui succède au CFLN, précise le cadre de la future épuration légale : une série d'ordonnances définit le crime d'indignité nationale sanctionné par une nouvelle peine, la dégradation nationale, substitue la Haute Cour de justice à la Commision d'épuration pour juger les membres du gouvernement et les hauts fonctionnaires de l'État français et crée les cours de justice, chargées de juger des crimes d’intelligence avec l’ennemi, et les chambres civiques pour juger du crime d’indignité nationale.
Les affaires traitées, dont les dossiers sont préparés par les commissions d'épuration des Comités départementaux de libération (CDL), en lien avec les Comités cantonaux de libération (CCL) et le Commissaire régional de la République, sont diverses : intelligence avec l'ennemi, adhésion à la Milice ou à un parti collaborationniste comme le Parti populaire français (PPF), engagement dans la LVF ou la Waffen SS, départs volontaires pour le travail en Allemagne, délations, marché noir, "relations avec les troupes allemandes", fréquentation de membres de la Sipo-SD, propos injurieux envers les Alliés etc.
L'ensemble de la société et tous les secteurs d'activité sont concernés : la vie politique, parlementaires, conseillers généraux et maires, l'armée et l'administration, préfets ou agents des collectivités locales, policiers et enseignants, postiers ou magistrats ; les professions libérales, médecins, pharmaciens ou architectes ; l'économie, banques, personnels de la SNCF, mineurs, entreprises ou dirigeants d'entreprise ; les médias, presse, radio et cinéma, les écrivains et les artistes. Arrêtés, les suspects sont enfermés dans des centres de détention, comme dans le Rhône ou à Mont-de-Marsan. En fuite, ils sont recherchés, même à l'étranger.
Les accusés, selon la gravité de leur condamnation, peuvent encourir la peine de mort comme Pierre Laval, Robert Brasillach, Jean Luchaire ou le milicien Jean Reynaud en Ardèche, qui sont exécutés, contrairement au maréchal Pétain, emprisonné à perpétuité sur l'île d'Yeu ; l'indignité nationale, les travaux forcés comme le dessinateur Ralph Soupault, la réclusion criminelle à perpétuité et à la dégradation nationale comme Charles Maurras, l'inégibilité ou l'emprisonnement. Des comptes en banque sont bloqués, des entreprises mises sous séquestre et des biens confisqués ; des fonctionnaires mis à la retraite, radiés, rétrogradés ou mutés d'office. D'autres accusés peuvent être finalement amnistiés, relaxés ou acquittés et des affaires classées sans suite par les tribunaux.
Les procès se poursuivent dans les années d'après-guerre et des enquêtes sont menées sur le comportement patriotique de certains pendant l'Occupation, notamment pour des postes d'agents communaux ou l'attribution de permis de chasse.
Néanmoins, dès 1947, une première loi amnistie les délits mineurs commis pendant l'Occupation, complétée par trois autres en 1949, 1951 et 1953. Les deux dernières, les plus importantes, bénéficient aux condamnés à la dégradation nationale et annulent les peines prononcées précédemment : l'épuration n'est plus au centre des débats publics.
Cette page s'inscrit dans le cadre des travaux du groupement d’intérêt public "Mission du 80e anniversaire des débarquements de la Libération de la France et de la Victoire" créé en 2023 et dont est membre le ministère de la Culture.
Retrouver sur FranceArchives l'actualité du 80e anniversaire de la Libération dans les services d'archives
Les sources
Les sources proposées ci-dessous proviennent d'une sélection qui reflète la variété et la richesse des fonds mais ne vise pas à l'exhaustivité.
Archives nationales
- Archives nationales Paris-Pierrefitte-sur-Seine
- Archives des assemblées nationales. Assemblée consultative provisoire (1943-1945)
- Commission d'épuration du ministère du Travail et de la Sécurité sociale : Organisation de l'épuration administrative et dossiers individuels d'épuration (1942-1953)
- Archives du Comité d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale et fonds d'origine privée (1815-2023)
- Cour de justice du département de la Seine, dossiers d'affaires jugées (1944-1951)
- Fonds du ministère de l'Intérieur
- Ministère des PTT. Épuration administrative (1944-1947)
- Secrétariat général du ministère de la Justice, commissariat à la Justice à Alger, cabinet du garde des Sceaux, service de recherches des crimes de guerre (1940-1954)
- Archives nationales d'outre-mer
- Archives nationales du monde du travail
- Archives des biens placés sous séquestre par la Direction des domaines de la Seine (1824-1951)
- Compagnie des mines de Béthune (puis Houillères des bassins du Nord et du Pas-de-Calais. Groupe de Béthune) : entrée 1994 26 (1752-1971)
- Compagnie du chemin de fer du Nord : entrée 202 AQ (secrétariat d'exploitation et compléments) (1819-1989)
- Dossiers relatifs aux conflits sociaux, constitués par les sociétés de chemin de fer (1921-1966)
- Fédération nationale de la presse française (FNPF) (1921-2007)
- Menet (Jean), directeur administratif des établissements Paindavoine, dossier de défense devant le comité d'épuration et la justice (1940-1948)
- Paindavoine (Élisée), gérant des établissements Paindavoine, dossier de défense devant le comité d'épuration et la justice (1940-1948)
- Union des coopérateurs de Sin-Le-Noble et Denain (et anciennes sociétés absorbées) (1901-1986)
- Archives des biens placés sous séquestre par la Direction des domaines de la Seine (1824-1951)
Archives départementales
- Série M (administration générale et économie, 1790-1940), comme par exemple les Archives de la Côte-d'Or : Commissariat central de police de Dijon (1930 - 1963)
- Série U (justice, 1790-1940), comme par exemple les Archives des Hautes-Pyrénées : Tribunaux d'exception (1944-1947)
- Série W (archives de toutes les administrations de l'État et du Département, postérieures au 10 juillet 1940)
- Archives de la Creuse : Comité départemental de libération (1944-1946)
- Archives du Doubs : Chambres civiques (1944-1945)
- Archives de l'Hérault :
- Archives des Landes : Surveillance du territoire et des personnes (1940-1981)
- Archives du Maine-et-Loire : Préfecture régionale et commissariat régional de la République (1940-1946)
- Archives du Rhône et de la métropole de Lyon
- 3490W - Service régional de police judiciaire (SRPJ) de Lyon - Crimes commis durant la guerre 1939-1945
- 3769W - Service régional de police judiciaire (SRPJ) de Lyon - Affaires criminelles (1911-2000)
- 3571W - Service régional de police judiciaire (SRPJ) de Lyon - Affaires criminelles (1927-1982)
- 3849W - Service régional de police judiciaire (SRPJ) de Lyon - Affaires criminelles (1936-1983)
- Archives de la Savoie : Cabinet du Préfet - Seconde Guerre mondiale (1922-1966)
- Archives de la Vendée : Comptes rendus numérisés des séances du Comité départemental de Libération de la Vendée (1945)
- Archives de la Vienne : Comité départemental de Libération de la Vienne
- Série J : archives privées (toutes périodes)
- Archives de la Côte-d'Or : Fonds Jean Vieillard-Baron, avocat à Dijon entre 1913-1952 (1897-1973)
- Archives de la Haute-Garonne : Fonds Philippe Join-Lambert (s.d.)
- Archives de la Lozère : Fonds Henri Cordesse - Émile Peytavin (1943-s.d.)
- Archives de la Haute-Savoie : Fonds François de Menthon (s.d.)
- Archives de la Vienne : Comité d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale. Correspondants locaux pour la Vienne (1929-2010)
- Archives de la Côte-d'Or : Fonds Jean Vieillard-Baron, avocat à Dijon entre 1913-1952 (1897-1973)
Archives municipales
- Série H (Affaires militaires), comme par exemple les Archives de Dunkerque : Mesures d'exception et faits de guerre (1792-1967)
- Série K (Élections, personnel municipal), comme par exemple les Archives de Cannes : Élections (1790-1946)
- Série W (Archives contemporaines), comme par exemple les Archives de Lyon : Défense du territoire et conflits (s.d.)
Ministère des Armées
Service historique de la Défense (SHD)
- Archives de la section contre-espionnage du BCRA (1940 - 1944) - GR 28P 2
- SHDAC_INV_27P_Criminels de guerre (1935-1962)
Ministère de l'Économie et des Finances - Service des archives économiques et financières (SAEF)
Séquestres des biens des groupements antinationaux (1943-1957)
Préfecture de police
- Direction de la police judiciaire et Section spéciale des Forces françaises de l'intérieur (FFI) : archives relatives aux périodes de l'Occupation, de la Libération de Paris et de l'épuration de la police parisienne (1942-1958)
- Épuration administrative : dossiers individuels.Affaires disciplinaires ne concernant pas l'épuration administrative : dossiers individuels. (1922-1989)
- Épuration : suivi de l'épuration par la Commission d'épuration, par la Commission consultative de révision des sanctions d'épuration, par la Direction générale du personnel, du budget, du matériel et du contentieux et par le Service documentation de l'Inspection générale des services (1943-1970)
- Fonds de la Section d'épuration (1941-1946)
- Problèmes statutaires généraux. - Mesures d'exception, conséquences de la Seconde Guerre mondiale (1936-2000)
Pour aller plus loin
- Les Archives de l'Aisne consacrent un dossier à un document très précieux, un référendum clandestin contre la politique de collaboration de Vichy, distribué en 1941 dans le département ;
- Les Archives du Calvados, sur l'Épuration, comme les Archives du Finistère ;
- Les Archives du Cher, sur l'Épuration légale à la Libération ;
- Les Archives de la Collectivité d'Alsace publient un état des sources sur l'Épuration après la Seconde Guerre mondiale ;
- Les Archives de la Loire-Atlantique, une fiche d'aide à la recherche dans les archives de l’Épuration ;
- Les Archives du Puy-de-Dôme, aux Affiches et tracts : des vecteurs de propagande du régime de Vichy ;
- Les Archives de Cannes, une exposition virtuelle à la Fin de la guerre, bilan, épuration.