Page d'histoire : Vincent van Gogh Zundert (Pays-Bas), 30 mars 1853 - Auvers- sur-Oise, 29 juillet 1890

L'église d'Auvers sur Oise, huile sur toile, juin 1890
Musée d'Orsay, Paris
© RMN / Hervé Lewandowski

Autoportrait huile sur toile
Musée d'Orsay, Paris
s © RMN / Gérard Blot

Né le 30 mars 1853 à Zundert dans le Brabant du Nord, Vincent van Gogh est néerlandais ; mais les années pas-sées à peindre en France entre mars 1886 et le 29 juillet 1890, date de sa mort, à trente-sept ans, dans une auberge d’Auvers-sur-Oise, le petit village d’Île-de-France où il est enterré, l’ont définitivement lié àcette « école française » qui domine la scène artistique internationale à la fin du XIXe siècle.

Van Gogh ne fut pas un génie précoce : il a vingt-sept ans lorsqu’au cours de l’été 1880, sans dessein vraiment affirmé,il réclame à son frère Theo des estampes d’après Millet pour les copier ; il s’exerce seul à dessiner alors que, simple amateur, il n’avait, jusque-là, montré aucune aptitude particulière pour l’art ; ni pour le reste d’ailleurs, car les dix années précédentes l’avaient vu tour à tour employé d’un marchand de tableaux important, Goupil, à La Haye, Londres et Paris, entre 1869 et 1876, grâce à la protection d’un oncle, instituteur en Angleterre, employé d’un libraire à Dordrecht, étudiant en théologie à Amsterdam puis à Bruxelles alors qu’il croyait pouvoir suivre les traces de son père lui-même pasteur ; il avait obtenu un emploi temporaire comme évangéliste dans la région minière du Borinage ; mais, en juillet 1879, sa mission n’avait pas été renouvelée ; en désespoir de cause, sa famille lui suggéra de se faire ouvrier litho-graphe et même boulanger. Il se mit à dessiner.

En octobre 1880, Vincent van Gogh s’installe à Bruxelles où, pour la première fois, il établit des contacts avec d’autres artistes débutants. Après un bref retour chez ses parents à Etten, il séjourne dès l’automne 1881 à La Haye, alors capitale artistique des Pays-Bas, où il bénéficie des conseils d’un peintre reconnu qui est aussi son cousin, Anton Mauve (1838-1888) ; Mauve l’aide de son mieux mais finit par se lasser de ses excentricités ; seul son frère Theo, lui aussi employé de la Maison Goupil depuis 1873 et qui entretient une correspondance suivie avec Vincent, lui continue son aide matérielle.

Vincent van Gogh peint ses premières peintures à l’huile, des natures mortes sombres, dès lafin de juin 1881 puis il s’essaie au paysage lors d’un séjour dans la région de la Drenthe (fin 1883), avant de se fixer plus longuement à Nuenen où résident alors ses parents. C’est là que se conforte définitivement sa vocation de peintre et qu’il entreprend une série d’études d’après des tisserands, puis des paysans, études de types plutôt que véritables portraits, qui culminent dans la réalisation de sa première composition d’importance, Les Mangeurs de pommes de terre, terminée fin avril 1885. La peinture est de tonalité sombre, exploitant avec force la richesse d’une matière à la touche accentuée, les effets de clair-obscur d’une scène réaliste ordonnant simplement cinq figures. La mort de son père, l’interdiction faite par le pasteur de l’endroit à ses ouailles de poser pour le peintre incitent Vincent à partir pour Anvers à la fin du mois de novembre 1885 ; là,il s’inscrit à l’Académie où sa manière de peindre provoque des esclandres ; Anvers lui permet surtout de se familiariser avec la peinture de Rubens et de découvrir, dans les échoppes du port, les estampes japonaises qu’il ne cessera d’admirer et d’utiliser. Brusquement, vers le 1 er mars 1886, Vincent van Gogh part pour Paris : dans un billet non daté (rédigé en français comme le sera désormais l’essentiel de sa correspondance), il fixe à son frère Theo un rendez-vous au Louvre et s’installe chez lui, 25, rue de Laval puis, un peu plus tard, 54, rue Lepic sur les pentes de la Butte-Montmartre.

Au gré des expositions, Van Gogh se trouve confronté simultanément à l’impressionnisme de Degas, de Monet ou de Renoir à peu près reconnus, au néo-impressionnisme de Seurat et de ses amis, mais aussi aux cadences épurées de Puvis de Chavannes ou aux « Noirs » de Redon. Van Gogh participe d’autant plus à cette vie artistique que son frère Theo est un professionnel du marché de l’art. Vincent fait aussi rapidement connaissance tant dans l’atelier du très officiel Cormon, qu’il fréquente probablement peu après son arrivée à Paris, que dans la boutique du marchand de fournitures pour artistes, Julien Tanguy, de jeunes peintres comme Toulouse-Lautrec, Émile Bernard, Anquetin, Signac ou Seurat auxquels il faut ajouter Gauguin, à peine entrevu alors. Au cours des deux ans que passe Van Gogh à Paris, sa peinture, beaucoup de paysages pris à Montmartre, Clichy ou Asnières, des natures mortes, quelques portraits d’amis et une série d’autoportraits, subit une mutation profonde : Van Gogh adopte une palette aux couleurs de plus en plus vives, une touche menue, vibrante. Son intérêt pour les estampes et les crépons japonais ne se dément pas et, organisant lui-même une exposition dans un restaurant, « Au Tambourin », tenu par Agostina Segatori avec laquelle il semble avoir eu une brève liaison, il s’en fait le propagateur auprès de ses camarades. À plusieurs reprises enfin, il est en mesure d’exposer ses propres œuvres. Pourtant, à la fin du mois de février 1888, il décide de partir pour Arles.

En pleine possession de ses moyens artistiques, le peintre peut enfin entrevoir la réalisation de son idéal de confraternité artistique, d’un art porteur d’espoir et de consolation ; pour quelques semaines, à compter de l’arrivée tant attendue de Paul Gauguin à Arles, le 23 octobre 1888, les petites pièces de la « Maison jaune » de la Place Lamartine à Arles, pour lesquelles sont peints les fameux Tournesols et La Berceuse, deviennent cet « Atelier du Midi » rêvé par Vincent ; pourtant, à la suite d’une altercation avec Gauguin, le 23 décembre 1888, Vincent se mutile l’oreille ; d’hospitalisation en internement volontaire à l’hospice de Saint-Rémy à la fin du mois d’avril 1889 jusqu’à son séjour à Auvers-sur-Oise, de mai à juillet 1890, où on lui a recommandé le docteur Paul Gachet, et à son suicide, le peintre ne sortira plus du cycle récurrent des crises de démence, si douloureusement décrit dans sa correspondance. Il peint pourtant à Saint-Rémy et à Auvers quelques-unes de ses plus belles toiles et recueille enfin les premiers signes de l’approbation admirative de son entourage de peintres ou de critiques (Albert Aurier notamment lui consacre un article dans Le Mercure de France en janvier 1890). La gloire de Van Gogh, vite universelle, commence très rapidement après sa mort, la force des images qu’il a créées hantant le public tout autant que la détresse de l’homme clamée dans des lettres poignantes ; sujet rêvé de toutes les exégèses et de toutes les appropriations, celui qui ne signait que de son prénom, Vincent, est devenu un mythe.

Anne Distel
conservateur général du patrimoine musée d’Orsay

Source: Commemorations Collection 2003

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