Page d'histoire : Jacques Necker Genève, 30 septembre 1732 - Coppet, 9 avril 1804

Portrait à mi-corps
Joseph Siffred Duplessis, huile sur toile
Châteaux de Versailles et de Trianon
© RMN

Jacques Necker naît à Genève, d’un père professeur de droit d’origine irlandaise et d’une mère d’origine française. À 16 ans il vient à Paris, y reçoit une formation de banquier avant de développer une banque genevoise puissante et une considérable fortune. En 1764, il épouse la belle Suzanne Curchod qui tiendra l’un des grands salons parisiens et donnera le jour, en 1766, à Anne Louise Germaine promise à la postérité sous le nom de Germaine de Staël.

Necker a 36 ans quand il est nommé ministre de la République de Genève à Paris et présenté au Roi de France. Il aime écrire, croit à la puissance de l’opinion, et publie en 1769 un libelle qui connaît aussitôt un grand succès. En 1773, l’Académie française couronne son éloge de Colbert. Après la disgrâce de Turgot en 1776, le Roi pense à Necker dont on dit tant de bien ; pour ce banquier suisse et protestant on crée un poste de directeur du Trésor royal. Necker multiplie les mesures afin d’alléger les dépenses inutiles de l’État et vante sa politique, en février 1781, par un « compte rendu au Roi » rendu public, qui lui nuit beaucoup à la Cour. Necker démissionne le 19 mai 1781 et se retire dans son château de Saint-Ouen.

Bientôt, partageant son temps entre la France et la Suisse où il a acheté, au bord du lac, le château de Coppet, il travaille à son grand ouvrage, De l’importance des opinions religieuses. En 1787, l’archevêque de Toulouse, Loménie de Brienne, devenu principal ministre de Louis XVI, s’engage à réunir les États généraux et à promouvoir une nouvelle politique. Ne faudrait-il pas rappeler Necker ? Le 24 août 1787, il est nommé directeur général des finances, ministre, membre du conseil du roi. Le 5 mai 1789, c’est l’ouverture des États généraux. Après qu’eurent parlé le roi et le garde des Sceaux, Necker commence un discours – long de trois heures – qui ennuie et déçoit. Viennent bientôt la fameuse journée du 17 juin 1789 où les représentants du Tiers État proclament l’Assemblée nationale, puis la séance du 23 juin où Louis XVI entend signifier ses décisions à cette assemblée usurpatrice. Necker constate que le roi, influencé par ses proches, ne suit pas ses conseils. Alors, sans même prévenir Louis XVI, il décide de ne pas assister à la séance royale. Son fauteuil restera vide !

Revenu à Versailles, le Roi trouve la lettre de démission de son ministre mais la refuse. « Ce fut, écrira Necker, dans ce moment où je pouvais tout exiger du roi que je me trouvais sans force pour rien demander ». Le 11 juillet, Necker recevra la lettre de Louis XVI le congédiant brutalement. Aussitôt il prendra la route. Mais à Bâle lui parviendront deux lettres, datées du 16 juillet, la lettre du roi le suppliant de rentrer, la lettre de l’Assemblée nationale lui disant sa confiance. « La nation, son roi et ses représentants vous attendent ». Entre-temps, Paris a vécu le 14 juillet, tumultueuse journée dont le premier objectif avait été d’exiger le retour du ministre exilé ! Commence le triomphal voyage de retour …

Appelé au pouvoir pour la troisième fois, Necker gouverne difficilement, déplaisant à tous. Le 3 septembre 1790, il adresse aux députés la lettre qui annonce son départ. Cet homme qui semblait tant aimé s’en va dans l’indifférence générale.

Il vivra désormais à Genève et à Coppet, veillant sur sa femme et sur sa fille, ne cessant d’écrire, de justifier son action, composant la statue idéale que l’histoire devra garder de lui. Il publiera en 1802 ses Dernières vues de politique et de finance offertes à la nation française. Il meurt à Genève, dans la nuit du 9 avril 1804.

 

Jean-Denis Bredin
de l'Académie française

Source: Commemorations Collection 2004

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