Page d'histoire : Sébastien Le Prestre de Vauban Saint-Léger de Foucheret (auj. Saint-Léger-Vauban), 15 mai 1633 - Paris, 30 mars 1707

Il est mort il y a trois cents ans, à la fin du règne de Louis XIV. Il est célèbre : on ne compte pas les places, les rues, les avenues, les lycées qui portent son nom. Dans l’esprit du public, il apparaît avant tout comme un bâtisseur. Si on distingue les remparts du Moyen Âge des architectures bastionnées, toutes les architectures militaires de défense du XVIe siècle au XIXe siècle lui sont attribuées.

Voici comme il se présente lui-même à la fin de sa vie : « Mon nom est Sébastien Le Prestre, chevalier, seigneur de Vauban, qui est une maison de noblesse du Nivernais, dans lequel est située la petite seigneurie de Vauban appartenant à cette famille depuis deux cents ans et plus. Il a commencé à servir dès l’année 1651, âgé de dix-sept ans. Il a été assez heureux pour continuer depuis ce temps-là jusqu’à aujourd’hui sans aucune interruption et sans avoir été une seule année, soit en paix soit en guerre, qu’il n’ait été employé utilement hiver comme été ».

Morvandiau de naissance, il restera très attaché à sa terre natale. Il y passera ses premières années. Par la suite, ce sera avant tout un voyageur. La plus grande partie de son existence, il la passera à sillonner le royaume d’un siège à l’autre, d‘une place à l’autre, restant parfois plusieurs années sans pouvoir revenir voir son épouse, ses deux filles et le château de Bazoches qu’il a acquis.

Il est de petite noblesse. Par sa naissance, il ne fait pas partie des grands du royaume. Bien vite, on décèlera chez lui des capacités exceptionnelles. Mais, pour franchir les étapes de la carrière militaire jusqu’au sommet, il lui faudra attendre plus que d’autres, qui n’avaient ni son talent ni son mérite. Il est ingénieur militaire. Son activité est double : en été, il participe, voire dirige, des sièges ; c’est l’attaquant, le preneur de places qui n’a pas son égal pour analyser le terrain, les faiblesses des défenses adverses et qui met au point, avec les tranchées parallèles, un système efficace pour obtenir la chute de la place au moindre coût humain. Tandis que la campagne d’été terminée les militaires vont se reposer, Vauban va être occupé tout l’hiver à concevoir, diriger et contrôler les travaux de fortifications ; c’est le défenseur qui est d’autant plus savant pour améliorer les systèmes de défense qu’il connaît parfaitement les défauts qui ont permis de faire céder l’adversaire.

Intelligence des lieux, pragmatisme (certes on a parlé de ses systèmes, mais Vauban n’a pas l’esprit de système, il s’adapte au terrain. Au fil des ans et de l’expérience, il améliore ses méthodes), bravoure sans témérité (l’ingénieur militaire est à cette époque très exposé dans le combat et Vauban sera blessé à plusieurs reprises), indépendance d’esprit. Avant tout, il se montre humain dans la préparation et la conduite des campagnes militaires avec le souci permanent d’économiser le sang des troupes.

Serviteur fidèle, il respecte l’autorité mais il sait que le grand commis n’est pas celui qui attend et applique des instructions mais qui suggère, propose, défend ses idées parfois âprement et applique loyalement les décisions lorsqu’elles sont prises. Heureux lorsqu’il a su convaincre.

Il est aussi un homme intègre. Sans cesse en contact avec des entrepreneurs sur des chantiers, il défend les seuls intérêts de l’État. Il pourra écrire : « La Fortune m’a fait naître le plus pauvre gentilhomme de France ; mais en récompense elle m’a honoré d’un coeur sincère, si exempt de toutes friponneries qu’il n’en peut même souffrir l’imagination sans horreur ».

Vauban, c’est aussi un homme curieux de tout. Au cours de ses longs périples, il observe la société, il réfléchit. Au risque de déplaire, il n’hésitera pas à faire connaître ses désaccords sur la révocation de l’édit de Nantes, il appellera l’attention du Roi sur la misère du peuple et proposera des solutions pour améliorer et rendre plus équitable la recette fiscale.

Il est à l’origine de multiples inventions dans les domaines civil et militaire et peut traiter de sujets aussi divers que la démographie, l’économie, l’horticulture...

De ce qu’il appellera avec humour « ses oisivetés », douze volumes de mémoires sur les sujets les plus divers, qui en font un précurseur des Encyclopédistes (Michel Parent), il écrira « mes oisivetés, un ramas de plusieurs mémoires sur des sujets divers... Pensées d’un homme qui n’avait pas grandchose à faire ».

Christian Pattyn
vice-président du Comité d’histoire du ministère de la Culture

Source: Commemorations Collection 2007

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