Page d'histoire : Fondation de l'université de Nantes 4 avril 1460

Charte papale créant l’université Archives départementales de Loire-Atlantique (série E)
© Conseil général de Loire-Atlantique
 

Le XVe siècle a vu se multiplier en France les universités provinciales, pratiquement une dans chaque grand fief ou principauté (Aix-en-Provence en 1409, Dole dans les États bourguignons en 1422, Caen en Normandie en 1432, Bordeaux en Guyenne en 1441, Valence en Dauphiné en 1452). Le duché de Bretagne n’a pas échappé à la règle. Dès 1414, le duc Jean V envisagea de créer une université dans sa capitale, Nantes, et sollicita l’appui pontifical pour ce projet, qui demeura sans suite. L’idée fut relancée sans plus de succès en 1423 et 1449. Les Bretons ne dédaignaient pas les études universitaires mais, depuis le XIIIe siècle, les écoles de Paris pour les arts libéraux et la théologie, celles d’Orléans et d’Angers pour le droit, suffisaient à leurs besoins. Une quatrième tentative eut cependant lieu dix ans plus tard, qui s’avéra la bonne. Le nouveau duc François II (1458-1488) voulait dans tous les domaines affirmer la pleine autonomie de son duché vis-à-vis du royaume de France. Il était désireux de renforcer l’éclat de sa capitale, il souhaitait créer un véritable « État breton » disposant d’un personnel de juristes compétents, pourvus de grades universitaires.

Une supplique préparée par le Conseil ducal fut donc adressée en 1459 au nouveau pape Pie II (1458-1464) ; celui-ci, d’autant mieux disposé à cette époque envers la Bretagne que le gallicanisme du roi de France l’irritait, agréa la demande et, par la bulle Inter ceteras felicitates datée du 4 avril 1460, il confirma son accord pour la fondation à Nantes d’un studium generale, c’est-à-dire d’une université complète, pourvue de toutes les facultés (arts, médecine, droit civil et canonique, théologie). La bulle fut publiée par l’évêque de Nantes, promu chancelier de l’université, le 21 juillet 1460 et les cours durent commencer en octobre de la même année. Le 22 avril 1461, le duc octroya à la nouvelle fondation de multiples privilèges de nature fiscale et judiciaire. Enfin, celle-ci se dota en 1461 et 1462 de statuts détaillés largement inspirés de ceux de Paris.

Soutenue par le duc et son entourage, pourvue aux frais du trésor ducal d’une quinzaine de professeurs diplômés de Paris et Angers, l’université de Nantes semble avoir connu des débuts assez brillants ; son rayonnement était surtout local, mais les officiers ducaux y envoyaient volontiers leurs fils. Les années 1480 furent plus difficiles du fait de la guerre avec la France et de la perte de l’indépendance du duché. Par lettres de 1491 et 1493, le roi de France Charles VIII, devenu maître du duché par son mariage avec la duchesse Anne, plaça cependant l’université de Nantes sous sa sauvegarde spéciale et en 1494 la ville de Nantes fit venir à grands frais un célèbre docteur en droit d’Angers, Jacques Clates, pour relancer l’enseignement.

L’université de Nantes conserva un certain rôle de formation des élites bretonnes jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, même si ses facultés de droit furent transférées à Rennes en 1735.

Jacques Verger
professeur à l’université de Paris IV–Sorbonne

Source: Commemorations Collection 2010

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