Page d'histoire : Début du chantier de Notre-Dame de Paris avril 1163

Selon une affirmation qui repose sur un texte rédigé au XIVe siècle par le moine Jean de Saint-Victor, le pape Alexandre III, qui présidait alors à Paris la cérémonie de dédicace du chevet de Saint-Germain-des-Prés le 21 avril 1163, aurait également posé la première pierre de la cathédrale de Paris, à l’instigation de l’évêque Maurice de Sully (1120-1196). Cette supputation, qui ne repose sur aucune source précise, est d’autant moins crédible que le souverain pontife avait pris parti pour les moines de Saint-Germain-des-Prés dans leur conflit avec le pouvoir épiscopal. Cette date reste néanmoins probable : l’accord scellé entre le 24 mars 1163 et le 11 avril 1164, qui concerne un échange de maisons pour le percement de la rue Neuve-Notre-Dame en direction du futur parvis, indique en effet que le chantier débutait.

L’abbé du Mont-Saint-Michel, Robert de Thorigny, rapporte qu’en 1177 le chevet était terminé à l’exception des voûtes hautes : « il y a longtemps que Maurice, évêque de Paris, travaille et avance beaucoup à élever la cathédrale de ladite cité, dont le chevet est déjà achevé, à l’exception du grand couvrement ». La nef doit avoir été commencée vers 1175 et l’essentiel du monument paraît terminé à la mort de Maurice de Sully, en 1196 ; celui-ci légua 100 livres pour la couverture de plomb de la cathédrale. On doit excepter des parties achevées en 1196 les deux premières travées occidentales et la façade, élevées au début du XIIIe siècle.

Pour relever ce défi, on fit peut-être appel à un certain Richard le maçon, mentionné dans une charte de 1164. L’architecte imagina le plus ambitieux projet du temps, non seulement par ses proportions (122 m de longueur et 32 m de hauteur), mais également pour son parti architectural alliant modernité (élévation à quatre niveaux avec grandes arcades, tribunes, roses ouvrant sous les combles et fenêtres hautes ; systématisation de la voûte sur croisées d’ogives ; recours aux arcs-boutants dès le début du chantier) et références historiques – ainsi du plan à cinq vaisseaux qui reprend celui de la cathédrale précédente, élevée à l’époque paléochrétienne.

Peu après son achèvement au XIIIe siècle, l’édifice fut profondément modifié par l’adjonction de chapelles entre les contreforts, la transformation de l’élévation (avec suppression du troisième étage afin d’agrandir les fenêtres hautes) et l’allongement des bras du transept par les plus célèbres architectes du moment : Jean de Chelles pour le bras nord (vers 1245) et Pierre de Montreuil pour le bras sud (1258). Mais l’aspect actuel de ce fleuron parmi les plus beaux et le plus prestigieux de la première architecture gothique a tout autant été façonné par l’importante restauration réalisée à partir de 1844 par Jean-Baptiste Lassus et Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc.

Philippe Plagnieux
professeur à l’université de Franche-Comté
et à l’École nationale des chartes

Source: Commemorations Collection 2013

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