Page d'histoire : Tristan Tzara Moinesti (Roumanie), 16 avril 1896 - Paris, 24 décembre 1963

Samy Rosenstock (1896-1963), dit Tristan Tzara, en 1926
Photographie d'Andor Kertész, dit André Kertész (1894-1985) - Tirage de 1977
Paris, musée national d'Art moderne - Centre Georges Pompidou
© Société des Gens de Lettres, Paris - © RMN-Grand Palais - Gestion droit d'auteur
© Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Philippe Migeat
 

Le nom de Tzara se confond souvent avec Dada, cette nébuleuse d’activistes et de comploteurs surgie au milieu des décombres de la Première Guerre mondiale. Il est l’homme au monocle, le dandy sans foi ni loi, un « barbare auto stylé » pour reprendre l’expression de l’un de ses amis. Propagandiste infatigable, il incarne Dada, il en est le porte-voix.

Le jeune homme énigmatique est né en 1896 à Moinesti, au milieu des Carpates sous le nom de Samuel Rosenstock. Après des études à Bucarest où il s’ennuie, il file à Zurich en 1915. L’Europe est en flammes et la Suisse est le carrefour de tous ceux qui refusent de mourir au pas cadencé. Dans les cafés et les dancings, on rêve de révolutions et on refait le monde. Le jeune roumain mélancolique, féru de littérature symboliste, est devenu un rebelle. Rien ne semble l’arrêter. Sa légende commence vraiment là, dans sa petite chambre d’hôtel d’où il inonde la planète avec ses brûlots et ses appels vengeurs dont le fameux Manifeste Dada. On peut y lire cette profession de foi : « Que chaque homme crie, il y a un grand travail destructif, négatif à accomplir. Balayer, nettoyer. »

En 1920, il débarque à Paris où il est accueilli comme le messie par quelques jeunes gens fascinés par le nihilisme Dada. Ils sont arrogants et talentueux. Ils s’appellent Aragon, Breton et Soupault. Véritable imprésario de lui-même, Tzara a balisé le terrain. Avec la caution d’Apollinaire, il multiplie les coups d’éclat, les scandales, tout en dynamitant le langage poétique. Dada est une ivresse collective et un emballement de la jeunesse avec bagarres, insultes et provocations en tous genres. C’est Breton qui siffle la fin de la récréation. Le sabotage en règle, c’est bien, mais il faut essayer de construire quelque chose. Ce sera le mouvement surréaliste. Tzara, lui, s’éloigne et choisit les frivolités du Paris des Années folles. Il épouse une femme riche et se fait construire un hôtel particulier avenue Junot. Sa poésie se fait lyrique, sombre, prophétique, sous influence rimbaldienne. Discrètement, il se réconcilie avec Breton et devient vite l’un des théoriciens du surréalisme à son apogée. Réagissant au péril totalitaire à la fin des années trente, il prône une morale de l’urgence. Il devient un militant antifasciste et soutient activement le combat des républicains espagnols.

Pendant l’Occupation, il rejoint la Résistance et se rapproche du Parti Communiste. Il s’en éloigne dès 1956, au moment de l’insurrection hongroise. Discret, il s’enferme souvent dans son appartement de la rue de Lille au milieu de ses livres et de ses fétiches africains. Il y meurt le 24 décembre 1963.

François Buot enseignant, écrivain
docteur en sciences humaines

Source: Commemorations Collection 2013

Liens