Page d'histoire : Promulgation de la loi Duruy sur l’enseignement primaire 10 avril 1867

La Classe manuelle, école de petites filles (Finistère), huile sur toile de Richard Hall, 1889, Rennes, musée des Beaux-Arts (dépôt de l’État).
© Musée des Beaux-Arts de Rennes / Photo Adélaïde Beaudoin
Dans l’historiographie de l’école primaire, Victor Duruy (1811-1894) occupe une place de choix. Ministre de l’Instruction publique de 1863 à 1869, Duruy tient à « organiser l’éducation des filles » et, devant les progrès rapides des écoles congréganistes, estime « qu’une partie des embarras actuels proviennent de ce qu’on a laissé cette éducation aux mains de gens qui ne sont ni de leur temps ni de leur pays ». La politique libérale qu’il met en oeuvre va permettre à l’école primaire française de combler ses lacunes tout en consolidant ses acquis.
Est alors promulguée la loi sur l’enseignement primaire du 10 avril 1867. Cette loi représente la dernière étape avant la série des grandes lois républicaines et apparaît comme une mise à jour de la loi Falloux de 1850, avec la correction des insuffisances apparues à l’usage.
Elle exprime en même temps de nouvelles exigences traduisant une tout autre attitude vis-à-vis de l’école. Tout d’abord, en stipulant que les instituteurs ne pourront plus être remplacés par des congréganistes dans les écoles publiques, la loi Duruy prône une laïcisation partielle. Elle donne ensuite des facilités supplémentaires aux communes qui voudraient instaurer la gratuité notamment en donnant la possibilité, dans certains cas, de subvention du département et même de l’État.
Disposition majeure, la loi Duruy abaisse le seuil d’ouverture des écoles de filles à 500 habitants, ce dernier étant de 800 avec la loi Falloux. Par ailleurs, des garanties de traitement sont assurées aux institutrices. En sortant ainsi de la misère féminine précédente, on espère se procurer plus facilement les institutrices laïques qui font cruellement défaut. Enfin pour terminer ce rapide tour d’horizon, la loi introduit l’histoire et la géographie parmi les disciplines obligatoires de l’enseignement élémentaire. Le ministre Duruy se montre soucieux d’une exécution rapide des mesures édictées. Il demande aux préfets de dresser la liste des communes astreintes par la loi à la création d’une école de filles et « de reconnaître celles d’entre elles qui peuvent s’y soumettre sans trop de difficultés ». Une circulaire ministérielle enjoint aux préfets, lorsque l’école reste commune aux deux sexes, de veiller à la désignation d’une femme chargée de l’enseignement des travaux d’aiguille. Les préfets sont par ailleurs priés de pourvoir à l’amélioration du recrutement du personnel féminin, notamment par l’ouverture d’écoles normales d’institutrices. Jules Ferry (1832-1893) n’aura plus qu’à confirmer ces dispositions.
Marc Loison
maître de conférences honoraire en histoire contemporaine
docteur en histoire de l’éducation
Pour aller plus loin...
Nommé en 1863 ministre de l'Instruction publique, Victor Duruy s'emploie à moderniser le système éducatif :
- Cette modernisation était engagée depuis l'ordonnance de 1816 sur l'instruction primaire et les lois Guizot et Falloux.
- Gallica, la bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France, consacre un dossier à l'anniversaire de la loi de 1867 et diffuse une carte comparative de l'instruction primaire dans les départements dressée en 1865.
- La revue Histoire de l'Éducation présente une étude sur les instituteurs en 1861 réalisée à partir des mémoires rendus pas les instituteurs de l'académie de Rennes lors du concours national des instituteurs de 1860-1861.
- Le musée national de l'Éducation (MUNAÉ) conserve une collection de livres scolaires contemporains ou légèrement postérieurs à la promulgation de la loi.
Dès 1865, il dépose un vaste projet de loi destiné à rendre l'école primaire gratuite et obligatoire qui sera combattu et en partie vidé de sa substance. La loi est néanmoins votée le 10 avril 1867 :
- Son texte, dont l'original est conservé par les Archives nationales, a été mis en ligne par le ministère de l'Éducation nationale.
- L'Instruction générale pour l'exécution de la loi et la circulaire sur l'application de son article 8 envoyées aux préfets et parues au Bulletin administratif de l'Instruction publique sont disponibles sur la Bibliothèque historique de l'Éducation (BHE) et son partenaire Persée.
La loi Duruy fait partie de la série de lois promulguées au XIXe siècle qui ont permis la généralisation de la scolarisation en France :
- Les Archives départementales du Lot-et-Garonne proposent un dossier pédagogique, À l'École de la République, constitué notamment d'études sur l'évolution des effectifs des écoles primaires de la petite commune de Cancon entre 1855 et 1910 et du département entre 1870 et 1906.
- L'Histoire par l'image étudie les progrès de la scolarisation au XIXe siècle : le développement des écoles primaires à la fin du siècle, la construction des écoles dans la Somme, un modèle de l'instruction républicaine et l'École républicaine en Bretagne.
- Les Archives départementales des Alpes-de-Haute-Provence ont organisé une exposition sur Les Maisons d'école, qui se sont multipliées après la promulgation de la loi.
Mais aussi...
- Les Archives nationales conservent le fonds Duruy ;
- Les archives de l'enseignement primaire sont conservées dans les séries T ou W du cadre de classement des archives départementales. Par exemple,
- les fonds relatifs aux écoles communales et aux écoles normales d'instituteurs du Doubs aux Archives départementales du Doubs ;
- ceux des écoles communales de la Drôme aux Archives départementales de la Drôme ;
- ceux des écoles primaires de Vaucluse aux Archives départementales de Vaucluse ;
- ceux de la préfecture relatif à l'Instruction publique dans le département au moment de la promulgation de la loi aux Archives départementales de la Vendée.
- Le musée national de l'Éducation (MUNAÉ) conserve les enquêtes orales menées par Jacques Ozouf au début des années 1960 auprès d'instituteurs ayant exercé avant 1914, à l'origine de son ouvrage La République des instituteurs.
- La fondation Napoléon, en partenariat avec Gallica, propose une bibliographie consacrée à la loi.
Source: Commemorations Collection 2017