Document d'archives : Les Folles de la place Vendôme

Contenu :

Reportage.
Fiche technique :
- Réalisation : Mogniss H. Abdallah et Naguib Allam.
- Images et son : Samir Abdallah et Saïd Bakhtaoui.
- Images d'archives : Agence IM'média.
- Musique : Chanson « Nationalité immigrée » - troupe de théâtre des Flamants (Marseille).
- Montage : Christine Huteau et Julien Teruel.
- Production : Agence IM'média – Automne 1985 / 2017.
Reportage réalisé dans le cadre du magazine Vidéo News spécial Justice réalisé à l'automne 1985, réactualisé avec un apport d'images additionnelles en 2017.
Le 28 octobre 1982, Wahid Hachichi, lycéen de Vaulx-en-Velin, 18 ans, est tué à coups de fusil à Lyon.
Le 6 novembre, Abdennbi Guemiah, lycéen habitant la cité de transit Gutenberg à Nanterre, décède suite à un tir de 22 long riffle par un pavillonnaire voisin.
Les familles et amis de Wahid et d'Abdennbi se mobilisent à la mémoire des disparus, pour réclamer justice. Elles se rencontrent et décident de faire cause commune.
Naguib Allam, l'oncle de Wahid, mène une contre-enquête sur les faits, conteste la version officielle d'une tentative de vol de BMW, voire d'un auto-radio, et fonde Wahid association.
Mme Hachichi évoque les aspirations de son fils disparu, et lance un appel au ministre de la justice Robert Badinter : « A chaque fenêtre je vois un 22 long riffle. Il faut que ces crimes cessent ». L'oncle de Wahid s'intéresse aussi aux mobilisations ailleurs en France.
Fortement marqué par un appel des mères à Marseille au lendemain de la mort de Lahouari Ben Mohamed, tué par un CRS le 18 octobre 1980, il s'en inspire au printemps 1983 pour lancer l'Association Nationale des familles victimes de crimes racistes ou sécuritaires. Leur moyen d'action est l'empowerment des familles : aucune organisation politique, syndicale ou associative, aucun avocat ne doit s'imposer ni agir en leur nom sans un accord direct préalable et explicite, cela afin que les différentes affaires ne soient instrumentalisées à d'autres fins.
Lors de forums justice et de réunions publiques organisés dans plusieurs villes (Vénissieux, Vaulx-en-Velin, Nanterre, Marseille, Paris...) l'association réclame notamment le respect de la mémoire des victimes, un soutien moral et financier des familles, la reconnaissance officielle de leurs associations comme des structures d'aide aux victimes, et l'instauration d'une commission d'enquête indépendante sur la police et la justice. L'association formule aussi sa volonté d'une extension de la loi du 1er juillet 1972 aux violences à caractère raciste, la possibilité de se constituer partie civile.
Les familles réclament également de « désarmer les beaufs » et autres « Dupont-Lajoie », « des sanctions exemplaires contre ceux qui pratiquent le tir à l'homme et une réglementation sévère des armes », à l'instar des parents de Marc Pinkert, un garçon de 20 ans tué lui aussi par un pavillonnaire au 22 long riffle le 25 mai 1984 à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine).
Le 21 mars 1984, les « Folles de la place Vendôme » accompagnées par environ 200 personnes entament leur première ronde sous les fenêtres du Ministère de la Justice dans l'espoir d'être entendu par le Garde des Sceaux, Robert Badinter.
Dans la foulée, une quarantaine de familles rejoindront l'association. S'y côtoient désormais Arabes, Noirs antillais ou africains, Espagnols ou Portugais, Turcs, Gitans et Français blancs.
Lors d'un deuxième rassemblement place Vendôme le 27 octobre 1984, Mr. Pinkert se définit comme tel, avant d'apporter toute sa solidarité à l'ensemble des familles, les conjurant de ne pas céder à la déception. « On nous a dit qu'au ministère on ne pouvait pas faire grand chose, à part donner des instructions aux parquets », relate Abdelghani Guemiah, frère aîné d'Abdennbi, « mais pour les juges on est impuissants », indépendance de la justice oblige. Mr. Pinkert insiste: « Le Ministre de la Justice, Robert Badinter, peut donner des instructions fermes aux parquets. De notre côté, nous devons faire notre travail pour alerter les médias. Il faut continuer », conclut-il sous les applaudissements.
Parmi les « Folles de la place Vendôme»  (en référence aux mères de la place de Mai qui ont attiré l'attention de l'opinion publique internationale sur le sort des disparus victimes de la dictature en Argentine), on rencontre Mme Melyon, la mère de Lucien originaire de Guadeloupe, tué par des « videurs » lors d'un concert le 30 octobre 1977 à l'hippodrome de Pantin, ou encore Colette Aubourg, la mère de François-Michel, 21 ans, mort suite à des violences au bal des pompiers à Vitry-sur-Seine le 14 juillet 1983. Ces mères, tout en rappelant les faits, racontent aussi combien le drame vécu bouleverse les relations intra-familiales et leurs incidences sur le rapport au boulot, leurs difficultés financières et l'indifférence ambiante une fois l'émotion retombée. Et lancent un appel pour « que d'autres mères se joignent à nous... car il y a d'autres enfants qu'il faut protéger.».

Cote :

NUMAUD/0013/34

Conditions d'accès :

Document numérisé disponible en ligne dans l'Argonnaute.

Description physique :

Importance matérielle :
Durée : (00:11:52)

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