Document d'archives : Commerce des juifs ; contestations avec les marchands de Toulouse. - Mémoire par lequel Baurans, prieur, Prévost, consul et...

Titre :

Commerce des juifs ; contestations avec les marchands de Toulouse. - Mémoire par lequel Baurans, prieur, Prévost, consul et Joseph Durand, Duserre et Dupuy, députés de la bourse de Toulouse, protestent contre la présence à la foire de la Saint-Barthélemy qui se tient dans cette ville, de marchands juifs qui se disent autorisés par l'intendant ; « pourtant, par différents règlements de police, il est défendu aux juifs d'habiter ni vendre leurs marchandises dans cette ville ; il leur est seulement permis d'y séjourner, à la charge de faire leur soumissions au greffe de la police, qu'ils ne s'arrêtent pour faire aucune sorte de commerce. » Ces marchands se plaignent également des capitouls, lesquels requis par le corps des fripiers de faire exécuter les arrêts qui s'opposent au commerce des juifs, n'ont pas donné suite à cette mise en demeure : « par l'autorité qu'ils ont sur le corps des métiers. » 24 août 1744. - État dressé par Carget, inspecteur des manufactures à Toulouse, de la quantité de pièces d'étoffes que Nathan, Astruc père et fils et Moïse Lange, ont déposées au bureau de la visite le 21 août 1744 pour être vendues pendant la foire Saint-Barthélemy : « Elles se sont trouvées, après l'examen, dans les règles prescrites. » Ce mémoire mentionne : « 11 pièces gros de tour brochés en soye : 1 jupe en lait fond blanc et or et argent : 7 pièces gros tour en or et en argent ; 14 vestes brochées en or et argent ; 13 pièces droguet de soye ; 3 pièces velours ; 13 pièces taffetas brochés ; 8 pièces damas en différentes couleurs ; 2 pièces drap d'or ; 7 pièces bas de Sicile, de Lion et de Tours ; 1 pièce persienne blanche en or ; 6 pièces satin en or et en argent ; 15 pièces satin en deux ou trois lots ; 2 pièces serge de soye ; 13 pièces taffetas façonnés chinés et rayés ; 25 pièces satin en florentine ; 2 pièces moire en soye ; 2 pièces moire en argent ; 1 veste brochée en soye ; 1 pièce persienne blanche brochée en soye ; 2 vestes en broderie d'or et d'argent ; 1 coupon de 3 aunes de damas couleur de rose et argent. » 24 août 1744. - Lettre de l'intendant aux prieurs et consuls de la bourse et à l'inspecteur des manufactures, pour leur notifier qu'ils ne doivent pas s'opposer au trafic des marchands juifs, le Conseil ayant jugé important pour l'avantage du public de leur donner la liberté de vendre dans les foires du royaume. 27 août 1744. - Placet des députés du commerce de Toulouse au contrôleur général par lequel ils font connaître le préjudice que les juifs porteraient au négoce de cette ville s'ils étaient autorisés à continuer leurs ventes pendant le temps des foires : « Le dommage que le commerce de cette ville a déjà souffert des ventes qu'ils sont venus y faire les mois d'août et novembre dernier, est très considérable. Toulouse n'a point l'avantage des villes voisines de la mer ou situées sur les frontières du royaume, ou a portée de faire un commerce étendu : sa situation est dans une pleine ou les grains font le principal objet du commerce en gros, de sorte que les marchands sont réduits a un simple détail pour la vente des marchandises fabriquées. Autrefois les marchands aux environs de Toulouse, venaient y faire leurs assortiments, mais devenus plus industrieux, ils tirent depuis longtemps des fabriques mêmes, les marchandises dont ils ont besoin, ce qui a borné, pour ainsi dire, les marchands de cette ville a ne faire plus que le détail nécessaire à l'entretien de ses habitants. Ça esté en vue de maintenir le détail comme la seule ressource qui reste aux marchands de cette ville, que le parlement chassa par divers arrêts les juifs qui s'y etoient introduits. Il paroit que le temps des foires, est un temps privilégié, pendant lequel le commerce doit être entièrement libre pour toute sorte de personnes ; votre grandeur a donc jugé à propos, d'accorder aux juifs, la permission pour les grandes foires franches, comme par exemple, la foire de Beaucaire en Languedoc ; mais nous ne pensons point qu'elle ait entendu l'étendre pour toutes les petites foires et marchés qui se tiennent dans les villes et villages du royaume. Souffrez que nous observions ici la subtibilité, l'ambition et la mauvaise foi des juifs. Le trait le plus hardy de leur subtibilité, part de la permission même qu'ils ont obtenu, par l'usage qu'ils prétendent en faire ; car il n'y a peut être point de jour, qu'il n'y ait de petites foires dans un endroit, ou autre du royaume ; et sous le prétexte qu'ils seront libres d'y venir dans ces temps là, ils seront toujours en mouvement et pourront se flater, en parcourant tous les endroits du royaume, d'y faire eux seuls, pendant l'espace que durent ces petites foires, autant des ventes que les marchands domiciliés pourront en faire pendant le reste de l'année. Leur ambition n'est méconnue de personne ; cette nation répandue dans tout l'univers ne semble remper, que pour s'élever et s'enrichir ; trop heureux d'être soufferts dans les villes ou ils sont domiciliés, il veulent encore s'introduire dans tous les endroits du royaume et profiter du peu de séjour qu'ils y feront au préjudice des marchands qui y sont établis. Quelle que soit l'ambition des juifs, on convient qu'elle ne seroit point absolument dangereuse, si elle étoit soutenue de la bonne foi essentielle au commerce ; ils pourroient opposer, qu'on ne doit point condamner en eux, une émulation qui se trouve louable dans les autres négociants, il seroit même hors d'apparence que ces étrangers, odieux par eux mêmes, vendissent au public, par préférence aux marchands domiciliés, les marchandises qui seroient d'une qualité égale et du même prix ; mais leur mauvaise foi seconde leur ambition demezurée ; s'ils connaissent des négociants en besoin d'argent, ou d'assés mauvaise foi, pour vouloir faire tort a ses créanciers, ils saisissent l'occasion avec empressement ; ils ne cherchent qu'a les surprendre, en achetant de l'œil et à forfait ; en quoi par l'habitude qu'ils en ont, ils trouvent bien même leur compte, que s'ils achetoient les marchandises à l'aune ou au poids. » 28 décembre 1744. - Lettre du subdélégué de Toulouse relative au précédent placet qu'elle analyse pour l'appuyer : « Les foires de Toulouse ne sont qu'une assemblée des fabriquants et marchands des petites étoffes de draperies ou autres de laine qui font déposer leurs marchandises dans le bureau de la bourse commune des marchands, ou elles sont débitées, mais il ne paroit aucun marchand de soyrie dans ce bureau ni pour vendre ni pour acheter : il est vrai que ces trois foires qui se tiennent, l'une à la Saint-Jean, l'autre à la Saint-Barthélemy, et l'autre à la Saint-André dure huit jours, mais elles n'ont ni privilège ni franchise, et je ne doute pas que si les juifs etoient autorisés à venir annuellement à ces trois foires pour y vendre en détail toutes sortes de marchandises et étoffes de soyrie les marchands de Toulouse qui font ce commerce n'en souffrissent un dommage aussi essentiel que les marchands de soye de Montpellier en souffrent de celle du Pont Juvenal près Montpellier. Tout le monde court aux marchands juifs et les marchands de la ville se trouvent abandonnés. » 2 mai 1745. - Correspondance entre l'intendant et le contrôleur-général relative aux précédentes observations. Ils s'accordent à reconnaître que les nouvelles représentations des marchands de Toulouse ne sont pas mieux fondées « que celles qu'ils ont ci devant faites, que le meilleur parti que ces marchands puissent prendre pour parvenir a dégoûter les juifs de se rendre à leurs foires, est celui d'assortir leurs magasins des mêmes qualités de marchandises que les juifs y aportent et de se contenter dans la vente d'un profit moindre que celui qu'ils font, ce qui paroist d'autant plus aisé et raisonnable que les juifs sont obligés de vendre sur un bon pied par rapport aux frais considérables que leurs voyages leur occasionnent. » Mai-juillet 1745. - Lettre de l'inspecteur du commerce et des jurés-gardes de Toulouse, par laquelle il se plaignent de ce que les capitouls ont prolongé de trois jours la dernière foire, sous le prétexte que pendant la durée de celle-ci il s'est trouvé plusieurs jours de fête. Cette prolongation a permis aux juifs de débiter beaucoup plus de marchandises qu'il n'auraient fait si la foire avait été limitée à ses délais légaux. 5 juillet 1747. - Procès-verbal de saisie des étoffes mises en vente à Toulouse, par les marchands juifs, après la clôture de la foire de Saint-Jean. Leur dépôt étoit situé dans la maison de Rozier, parfumeur, devant la Croix-Baraignon, faubourg Saint-Étienne, et était signalé par un tapis exposé sur la porte. Ces marchands furent surpris remettant au chevalier de Clary une doublure de veste qu'il avait acheté. » - Supplique des juifs Astruc, Abraham Roger et Salomon Del Puget exposant à l'intendant les faits dont ils ont été victimes à la dernière foire Saint-Jean, à Toulouse. « Après avoir fait porter leurs marchandises au bureau destiné a cet effet les suppliants furent chez les srs Picot et Delpech marchands qui sont jurés-gardes pour les supplier de vouloir prendre la peine de visiter les marchandises des suppliants pour qu'ils peussent les exposer en vente, mais lesd. jurés-gardes, au lieu de vouloir faire ladite visite, ils eurent toute sorte de mauvaise manière envers les suppliants, les insultant, ce qui les obligea d'y revenir, et enfin ayant persisté, les suppliants alloint leur faire des actes, ce qui fait voir que le procédé desdits gardes-jurés ai autre chose que pour faire perdre le temps aux suppliants, pour que ceux-cy ne peussent jouir de tous les jours de la foire qui commençoit, et enfin étant allés les visiter ils déplièrent en entier toutes leurs pièces de marchandises soit en soye, or, argent et velour, ce qui est d'un grand préjudice aux suppliants parce que cela gatte les marchandises, tandisque pour en faire la visite on n'a qu'a ouvrir les pièces sans les déplier en entier n'ayant qu'a examiner le plomb de la facture et celui du contrôle comme on en uze avec tous les marchands, ne devant pas y avoir pour les suppliants de règles différentes a celles qu'on a pour les autres marchands, et pour faire connaître la haine et l'animosité qu'ils ont contre les suppliants par raport a ce que le public va acheter chez eux, l'inspecteur avec les jurés-gardes furent lundi troisième juillet courant dans le magasin ou les suppliants avoint et debitoint leur marchandises ce jour la, comme ils etoint en droit de le faire, parce qu'ils etoint dans la huitaine de la foire, ce qui ne pouvait pas être ignoré par lesdits inspecteurs et jurés-gardes, à cause que la foire n'avoit commencé que le lundi avant, à cause que le jour de la Saint-Jean se trouva un samedi feste et ensuite le dimanche, cependant les suppliants qui ne vouloint point contrevenir furent chez les capitouls pour savoir avec eux en quel temps la foire avait été ouverte et ils leur répondirent qu'elle n'avoit été ouverte que le lundi après la Saint-Jean et que par là ils avoient encore tout le lundi troisième du courant pour débiter leurs marchandises, et quoi que cela fut représenté auxdits sieurs inspecteurs et jurés-gardes néanmoins, en vue de déranger aux suppliants la vente de ce jour qui est la meilleure, et par un esprit d'intérêt firent saisir la marchandises des suppliants par les archers du prevost qu'ils avoient avec eux et y restèrent toute la matinée ; ce qui obligea les suppliants de se pourvoir devant les capitouls juges de la police pour demander la cassation de ladite saisie et la recreance puisqu'ils etoint dans le delai de la foire, ce qui leur feut accordé et pour mettre a exécution l'ordonnance qu'ils obtinrent desd. capitouls, les suppliants furent obligés à grands frais de prendre la main forte et un des capitouls second de justice s'i transporta avec le capitaine du guet et ce ne feut que par ce moyen qu'on leur bailla leurs marchandises. » Juillet 1747. - Autres pièces de procédure, lettres et mémoires relatifs à ces plaintes. - Lettre de l'intendant : à Garquet, inspecteur des manufactures, pour le blâmer de la part qu'il prend aux agissements des jurés-gardes de Toulouse contre les négociants juifs : « Je vous prie, ainsi que je l'ai déjà fait, d'empêcher qu'il me revienne des plaintes fondées à cet égard ; » 15 août 1745 ; - au subdélégué de Toulouse. Il le prie d'adresser des remontrances de sa part à l'inspecteur et aux jurés-gardes et de leur faire entendre : « que s'ils troubloint les juifs et retardoint la vérification de leurs marchandises, je ne pourrois me dispenser de les condamner en des dommages et peines envers eux. Je vous prie de tenir la main à ce que je vous marque à ce sujet. » 14 août 1751. - Réponse à une lettre écrite par la présidente d'Aspe, en faveur des marchands juifs. On l'assure de la part de l'intendant, que des ordres sont donnés pour qu'ils ne soient point molestés. 14 août 1751. - Lettre des juifs Astruc et Lange et Abraham et Rouget fils, par laquelle ils informent l'intendant qu'à la dernière foire de Toulouse ayant été « chassés ignominieusement » par les jurés gardes ils furent contraints d'avoir recours à l'autorité du Parlement qui les maintient dans leur droit. 1er septembre 1751. - Requête des juifs au parlement de Toulouse et des marchands de cette ville à l'intendant, ensemble supplique de ces derniers au contrôleur-général, relative aux arrêts rendus par le parlement de Toulouse touchant la durée des foires et le trafic des négociants juifs. 1754-1755. - Lettre du ministre Trudaine informant l'intendant que les doléances des marchands de Toulouse contre les juifs seront bien moins accueillies que jamais : « Je crois devoir vous prévenir que le bureau du commerce auquel la discussion de cette affaire sera renvoyée, est aujourd'hui très favorable à tout ce qui autorise la liberté du commerce. On y a souvent rejeté les exclusions données aux juifs, et je doute que l'on veuille restraindre les dispositions qui leur sont favorables par rapport a leur commerce. » 5 novembre 1755.

Cote :

C 2746

Inventaire d'archives :

Intendance de Languedoc

Description physique :

Liasse. - 29 pièces, papier.

Archives départementales de l'Hérault

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