Document d'archives : Santé et assistance

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Ce chapitre concerne les relations de la communauté d'habitants d'Auxerre avec les principaux établissements charitables et hospitaliers de la ville, l'Hôtel-Dieu de la Madeleine (ou Grandes-Charités) et l'Hôpital général. Le chercheur ne trouvera ici que des archives traitant de l'intervention de la communauté d'habitants dans le fonctionnement de l'Hôtel-Dieu, et non les archives de l'établissement à proprement parler. Il en va de même pour les quelques documents relatifs à l'Hôpital général d'Auxerre qui traitent essentiellement de sa création, en 1678. I. — L'Hôtel-Dieu de la Madeleine En l'absence de titres de fondation, l'origine de l'Hôtel-Dieu est mal connue. L'érudition locale reprend généralement l'hypothèse avancée par Jean Lebeuf, qui voyait en l'Hôtel-Dieu le déplacement d'un établissement antérieur, la Maison-Dieu du Montartre, établi paroisse Saint-Amâtre. La construction de l'enceinte de la ville en 1166 expliquerait le déplacement intra-muros de l'établissement qui reste longtemps desservi par les frères du prieuré Saint-Amâtre. Le vocable de Marie-Madeleine n'aurait été donné à la chapelle de l'Hôtel-Dieu qu'au milieu du XIIIe siècle, à l'occasion du transfert des reliques de la sainte de Vézelay à Auxerre par l'évêque Guy de Mello. L'Hôtel-Dieu apparaît dans la documentation en 1187, à l'occasion d'un conflit portant sur la juridiction de l'établissement, contestée entre l'évêque d'Auxerre Hugues de Noyers et le doyen du chapitre Saint-Étienne, Guillaume de Seignelay. Au début du XIIIe siècle, l'Hôtel-Dieu est mentionné à l'occasion de procédures concernant le doyen chapitre cathédral. Sous l'autorité de l'évêque d'Auxerre, le doyen du chapitre occupe en effet une place centrale dans l'administration temporelle de l'établissement. Cette administration est partagée, parfois difficilement, avec les habitants d'Auxerre, ainsi qu'en témoignent les mentions relevées par Leclerc sur des baux du XIIIe siècle. Dans les années 1250 et 1310, les administrateurs de l'Hôtel-Dieu sont des ecclésiastiques. Mais en 1379 un acte de la communauté d'habitants établit la compétence de la communauté pour la nomination des « maîtres gouverneurs » des Grandes-Charités ; les trois gouverneurs exercent, par délégation des habitants, des pouvoirs soigneusement énumérés. Le premier règlement conservé, en 1568, établit quatre administrateurs – trois laïcs et un administrateur ecclésiastique. Tandis qu'il affirme le rôle prééminent de l'évêque sur l'administration spirituelle de l'établissement, Jacques Amyot réitère en 1579 les dispositions relatives à l'administration du temporel dans le nouveau règlement qu'il donne au « grand hospital de la Magdelaine d'Auxerre ».

Au XVIIIe siècle, les habitants d'Auxerre se fondent sur ce corpus afin de faire valoir leurs prérogatives de « premiers et principaux administrateurs de l'Hôtel-Dieu » : aux administrateurs revient la gestion courante (gestion du patrimoine, contentieux), mais le corps de ville et la communauté se réservent le droit de trancher lorsque des décisions importantes doivent être prises. L'étude de la comptabilité de l'Hôtel-Dieu permet de distinguer les deux missions principales de l'établissement au XVe siècle : l'organisation d'une grande distribution annuelle de pain aux pauvres de la ville le jour des morts, ainsi que l'octroi de dons d'argent aux personnes nécessiteuses (frais de noces, aumônes aux pauvres, aux malades ou aux victimes d'incendies). L'Hôtel-Dieu tient alors le rôle d'un bureau de bienfaisance.

L'accueil des pauvres et des malades prend, semble-t-il, de l'importance à compter de la fin du XVIIe siècle. De 16 lits en 1378, on passe à 20 lits en 1665 ; en 1673 l'établissement dispose de 18 lits pour les hommes et 16 lits pour les femmes. La construction d'une nouvelle salle entre 1723 et 1728 permet encore d'augmenter les capacités d'accueil. L'Hôtel-Dieu est également chargé de la nourriture et de l'éducation des enfants exposés qui, à partir de 1752, peuvent être baptisés sur place. Afin d'assurer ses missions, l'Hôtel-Dieu peut s'appuyer sur les revenus d'un patrimoine foncier conséquent, essentiellement constitué au XVe siècle de maisons, de vignes et de fermes. En 1690, la halle de la charcuterie et de la poissonnerie est établie au profit de l'Hôtel-Dieu au cœur de la ville. De même, la halle aux grains est construite en 1727 sur un terrain appartenant à l'Hôtel-Dieu ; l'établissement y perçoit des droits sur les grains vendus par les marchands forains. Le patrimoine de l'Hôtel-Dieu s'étoffe tout au long de la période moderne avec le rattachement de plusieurs établissements hospitaliers de moindre envergure : union de la léproserie Saint-Siméon, de la Maison-Dieu-Saint-Vigile ou hôpital Saint-Souvain, de l'hospice de la paroisse Saint-Pierre (1622), de la léproserie de Sainte-Marguerite (1625), des biens de la maladrerie d'Ouanne (1695), et de l'hôpital Sainte-Catherine-des-Aulx (1697). Si les frères du prieuré Saint-Amâtre semblent avoir pris en charge le fonctionnement courant des premiers temps de l'Hôtel-Dieu, il faut attendre la fin du XVe siècle pour trouver mention des premières religieuses installées pour le service de l'hôpital. Des religieuses du tiers-ordre de Saint-François, venues d'Abbeville, sont appelées à Auxerre dans l'été 1479 afin de s'occuper des victimes d'une épidémie.

Le corps de ville se préoccupe d'installer une nouvelle communauté de religieuses au début des années 1640. Il y aura une première tentative sans suite d'établir des religieuses de l'hôpital de Bourges en 1643 ; c'est finalement en 1645 que sont installées des religieuses de hospitalières venues de Gien, dont l'évêque Pierre de Broc fixe le nombre à douze.

Tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles, les projets de réception des religieuses sont soigneusement examinés par le corps de ville. De même, le corps de ville veille sur le recrutement des laïcs assurant un service à l'Hôtel-Dieu, qu'ils soient personnels d'administration (procureurs, receveurs, notaire) ou personnel soignant (médecins, chirurgiens). Enfin, le corps de ville se prononce sur l'admission à l'Hôtel-Dieu de pensionnaires perpétuels qui, moyennant la cession de leurs biens à l'établissement, y entrent en échange d'une prise en charge à vie. Cette pratique existe déjà à Auxerre dans les années 1290 ; les archives du corps de ville conservent l'approbation de plusieurs contrats, pour le XVIIIe siècle uniquement. La description des archives traitant de l'Hôtel-Dieu s'ouvre par les documents relatifs aux règlements de l'établissement : le règlement de 1568 et une procédure de 1757 visant à la réformation des règlements anciens.

Vient ensuite l'exercice, par les membres du corps de ville, de leurs prérogatives de premiers et principaux administrateurs de l'Hôtel-Dieu. Il s'agit d'abord de la nomination des administrateurs de l'établissement, qui s'ouvre avec un acte fondateur de 1380. Suivent les documents relatifs à l'audition des comptes du receveur de l'Hôtel-Dieu, qui constitue l'un des moyens de contrôle de l'administration de l'établissement par le corps de ville. Les décisions des administrateurs de l'Hôtel-Dieu touchant au patrimoine de l'établissement font l'objet d'une approbation du corps de ville, qu'il s'agisse de l'union à l'Hôtel-Dieu du temporel de la léproserie Sainte-Marguerite, de l'entretien des bâtiments, de la gestion foncière, des fondations, dons et legs effectués en faveur de l'établissement, ainsi que des projets d'aliénations de biens.

En ce qui concerne le personnel de l'Hôtel-Dieu, le corps de ville doit reconnaître, non sans contestations, la compétence spirituelle de l'évêque d'Auxerre. Ainsi, le corps de ville accorde-t-il en 1755-1757 son soutien au chapelain de l'Hôtel-Dieu, contre les décisions de l'évêque. Mais l'établissement des religieuses, la nomination des officières et les différentes admissions – qu'il s'agisse de religieuses, de pensionnaires perpétuels, du personnel administratif ou soignant – sont autant de domaines où l'approbation de la communauté d'habitants est requise.

Cette partie de l'instrument de recherche consacrée à l'Hôtel-Dieu se clôture par la description des pièces liées aux contentieux qui opposent le corps de ville et les administrateurs de l'Hôtel-Dieu. Le premier contentieux évoqué concerne la question de la préséance du maire lors des sessions du bureau de l'Hôtel-Dieu, dans les années 1690. Entre 1707 et 1713 éclate un contentieux qui tend à remettre en cause les droits de la ville sur l'administration de l'établissement. L'affaire se clôture grâce à la médiation de l'évêque d'Auxerre qui arbitre la rédaction d'un nouveau règlement en novembre 1712, ainsi que par une sentence du Parlement invalidant l'élection du chanoine Gaspard Moreau, élu administrateur ecclésiastique par le chapitre cathédrale en dépit de l'opposition de la ville. II. — L'Hôpital général Ainsi qu'il a été dit plus haut, la communauté d'habitants n'a conservé que peu de pièces relatives à l'Hôpital général d'Auxerre créé en 1678. On relèvera notamment la présence de deux pièces de documentation concernant la création des hôpitaux généraux dans le royaume, mais surtout une copie imprimée des lettres patentes de création de l'hôpital. __________ 1. Jean Lebeuf, Histoire de la prise d'Auxerre par les Huguenots et de la délivrance de la même ville les années 1567 et 1568, Auxerre, J.-B. Troche, [1724], p. 25. 2. Ibid., p. 25. L'appellation complète d'« hôpital de l'Hôtel-Dieu de la Madeleine d'Auxerre » est employée dans le règlement de 1568 (Feudiste 145 n° 3). 3. Jean Lebeuf, Mémoires concernant l'histoire civile et ecclésiastique d'Auxerre et de son ancien diocèse, t. 1, Auxerre-Paris, Perriquet et Rouillé/Dumoulin, 1848, p. 359. 4. Mention en 1215 (Jean Lebeuf, Mémoires..., op. cit., t. 2, p. 416) et en 1224 (Jean Lebeuf, Mémoires..., op. cit., t. 1, p. 399). 5. Leclerc, « Des établissements de charité dans Auxerre », dans Annuaire de l'Yonne, 1849, p. 171-218, aux p. 180-181. 6. André Potel, Recueil de pièces d'antiquités sur la ville d'Auxerre, Auxerre, F. Fournier, 1776, « Mémoire sur l'Hôtel-Dieu de la ville d'Auxerre », p. 104-128, à la p. 123. 7. Feudiste 145 n° 1 : nomination de Pierre Chantepinot, Étienne Le Saumier et Jean Regnier, bourgeois d'Auxerre, comme maîtres gouverneurs des Grandes Charités (16 janvier 1380). 8. Feudiste 145 n° 3 (16 août 1568) et André Potel, Recueil..., op. cit., p. 123. 9. Sylvie Le Clech-Charton, Les vies de Jacques Amyot, Paris, Éd. du CTHS, 2013, édition du règlement aux p. 38-44. 10. Anne Saillard, Auxerre à la fin du Moyen-Âge à travers les comptes des Grandes Charités, mém. de maîtrise (histoire) s. dir. Nicole Gonthier, Université de Bourgogne, 1990, p. 18-20. 11. Leclerc, « Des établissements de charité dans Auxerre », dans Annuaire de l'Yonne, 1849, p. 171-218, à la p. 190.<./p> 12. André Potel, Recueil de pièces..., op. cit., p. 113. 13. Aurore-Diane Simon, Implantations, activités et relations des établissements d'assistance en Bourgogne à la fin du Moyen Age, thèse (histoire) s. dir. Vincent Tabbagh, Université de Dijon, 2012, p. 367. 14. Max Quantin, Histoire anecdotique des rues d'Auxerre, Éd. De Civry, Avallon, 1979, p. 65 15. Max Quantin, Histoire anecdotique..., op. cit., p. 135. L'Hôtel-Dieu perçoit également, entre autres droits, le droit de minage sur les blés vendus à Auxerre durant les quinze premiers jours de Carême : Leclerc, « Des établissements... », art. cit., p. 195. 16. André Potel, Recueil de pièces..., op. cit., p. 132. 17. Jean Lebeuf, Mémoires..., op. cit., t. 1, p. 162. 18. Henri Bouvier, « Histoire de l'assistance publique dans le département de l'Yonne jusqu'en 1789 », dans Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, 1900, p. 235-318, à la p. 276. 19. André Potel, Recueil de pièces..., op. cit., p. 108. 20. André Potel, Recueil de pièces..., op. cit., p. 110. 21. André Potel, Recueil de pièces..., op. cit., p. 111-112 ; Feudiste 145 n° 9 : « Articles d'establissement et introduction de religieuses hospitalières dans l'hospital des Grandes charitez de la ville d'Auxerre » (8 janvier 1645). 22. Aurore-Diane Simon, Implantations, activités..., op. cit., p. 426. 23. Feudiste 145 n° 1 (16 janvier 1380). 24. Feudiste 147 n° 23 (10 novembre 1712). 25. Feudiste 147 n° 31 (1er août 1713). 26. Feudiste 153 n° 1 et Feudiste 153 n° 2. 27. Feudiste 153 n° 4 (mars 1675-9 mars 1678).

Cote :

Feudiste 96 n° 31, 112 n° 8, 145 n° 1, 145 n° 1 bis, 145 n° 2 à 145 n° 16, 146 n° 1 à 146 n° 5, 146 n° 7 à 146 n° 25, 147 n° 1 à 147 n° 7, 147 n° 9 à 147 n° 31, 149 n° 1, 149 n° 4 à 149 n° 7, 150 n° 1 à 150 n° 39, 151 n° 1 à 151 n° 20, 152 n° 1 à 152 n° 12

Description :

Critères de sélection :
conservation

Où consulter le document :

Communauté de l'Auxerrois et Ville d'Auxerre - Service des archives

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