Document d'archives : Commerce des juifs ; contestations avec les marchands de Nîmes. - Ordonnance de l'intendant : par laquelle défenses sont faites...

Titre :

Commerce des juifs ; contestations avec les marchands de Nîmes. - Ordonnance de l'intendant : par laquelle défenses sont faites aux juifs de débiter aucune marchandise dans la ville de Nîmes, sous peine de confiscation ; 16 février 1745 ; - confirmant la précédente. 6 avril 1754. Cette pièce porte mention des lieux et places de Nîmes où elle fut lue par Joseph Payzac, garde de la connétablie de France : « Au devant de la porte de monsieur le commandant de ladite ville, au devant celle du palais, au devant celle de monsieur Tempié, subdélégué de l'Intendance, au devant celle des églises cathédrale et paroissiale Saint-Castor et Saint-Jean de la dite ville, ensuite à la place publique, à celle de la trésorerie, à celle du marché, à celles des cazernes, à celle hors la porte de la Couronne et de la Salamandre, à celle hors la porte Saint-Antoine, au milieu du faubourg de la carreterie, et aux autres principaux coings des principales rues. » - Lettre par laquelle Laussel, inspecteur des manufactures à Nîmes, demande les ordres de l'intendant au sujet des démarches que font les juifs afin d'être admis à entrer dans le corps des bonnetiers comme apprentis et comme maîtres. Ceux-ci se sont émus : « Ils me sont venus demander si il ai pas possible de les exclure, je leur ai répondu, que je ne croyois pas que les juifs chassés et bannis de France par les crimes qu'ils avoient commis sous les règnes de Dagobert et de Philippe le long, et n'étant pas encore rappellés, dussent être regardés comme citoyens, que d'ailleurs, réputés par état errans et vagabonds il était dangereux de leur confier une industrie que d'un moment a l'autre ils pourroient transporter ailleurs. Je leur ai observé en outre que l'on ignorait pas que les juifs se mêloient d'un commerce destructif de l'industrie, le piquage d'once, que des lors cette raison était assés conséquente pour opérer une décision. » 17 janvier 1784. - Extrait du registre des délibérations du corps des marchands fabricants de bas de la ville de Nîmes, contenant une décision de ceux-ci portant qu'il ne sera jamais admis de juifs dans leur société. 23 janvier 1784. - Lettre : par laquelle Phéline, subdélégué de Nîmes, demande à l'intendant d'approuver la précédente délibération ; « Si ces gens (les juifs) étaient une fois autorisés à entrer dans les corps il est certain qu'ils s'empareroient dans peu de tout le commerce de la ville et le detruiroient infailliblement par leurs infidélités qu'ils commettroient sans scrupules ; » 24 janvier 1784 ; - de Louis Dumas, syndic des marchands de bois, insistant pour que l'intendant se prononce dans le sens de l'exclusion des juifs. Il signale qu'à la dernière foire de Villeneuve ils ont vendu des bas de soie à 50 sols la paire : « La nouvelle création des maîtrises dont nous sommes menacés, nous met dans les alarmes a l'égard des juifs ; si les syndics des corps etoient chargés de la régie, il n'en resulterait aucun inconvénient à cet égard, par ce qu'il n'en admetroient aucun ; mais si c'était des commis qui gérassent pour le compte de roi, n'aurions nous pas a craindre que, sous prétexte qu'on exécute l'édit de création, on n'eut pas égard a nos représentations ? » Fin janvier 1784 ; - de Laussel, inspecteur des manufactures, contenant le résumé des plaintes que lui ont portées les différents syndics des métiers de Nîmes, à savoir que les juifs font ouvertement le trafic des étoffes, « qu'ils s'immiscent a faire le commerce des draperies, toileries, quincailleries sans être autorisés, et qu'ils font le commerce au détriment de nos fabriques de Languedoc ; qu'il y en a plusieurs qui tiennent magasins, entrepôt et qui même ouvrent boutique. » Il demande s'il doit faire respecter les anciens arrêts ou « si les juifs qui payent la capitation à Nîmes et les répartitions des corps doivent être censés domiciliés, quoiqu'ils soient dans une ville ou ils ne sont que tolérés. » 8 mai 1784. - Mémoire par lequel Landés et Fabre, syndics des corps des marchands toiliers, signalent la prétention des juifs de bénéficier des avantages de l'édit concernant les non-catholiques. Dans le temps de la plus grande rigueur contre les protestants les catholiques se sont fait un plaisir d'être associés avec eux dans le même commerce, et ils s'estimoint les uns les autres réciproquement, dans une profession qui étrangère au culte religieux, ne demande à s'assurer que de l'honnêteté du citoyen ; et c'est ici le grand sujet d'anxiété, par raport à la mauvaise réputation dont jouissent les juifs qui se présentent pour entrer dans le corps des marchands toiliers ; l'infamie semble les suivre, elle inspire une répugnance invincible a fraterniser avec eux ; les admettre dans le corps des marchands toiliers ce seroit en exclure tous ceux qui le composent. On a lu dans la Gazette de Leyde, du 21 mars, article de Paris du 14 dudit mois, que certains juifs ayant demandé d'être reçus dans les six corps de commerce de la ville de Paris, leur demande a été rejetée par un arrêt du Conseil. » 1er avril 1788. - Lettre : des mêmes pour annoncer que les juifs les ont fait assigner aux fins d'être admis dans leur corporation. Selon ces correspondants l'article 1er de l'édit en faveur des non catholiques ne paroît pas pouvoir être appliqué aux juifs, « qui n'étant pas naturalisés en France, ne peuvent pas être mis au nombre des sujets du roi ; ils sont étrangers, tout au plus domiciliés dans le royaume. Les juifs forment une nation séparée des autres nations, elle a son gouvernement théocratique qui l'isole et qui rend les juifs étrangers dans les autres états, ils sont nommément déclarés tels en France par les ordonnances ; ce qui a fait passer en maxime qu'un juifs n'est citoyen nulle part, et que quoique né francois il est étranger dans chaque ville ; ils ne sauroint donc aspirer à être admis dans les corporations de commerce. » 6 avril 1788 ; - du ministre de Lamoignon par laquelle il interprète le nouvel édit défavorablement pour les juifs. « Ceux-ci n'existant dans quelques parties de la France que sous des lois qui leur sont particulières et auxquelles l'édit n'a point dérogé ; ils ne peuvent participer à la faveur que le roi a accordé à ceux de ses sujets qui ne professent pas la religion catholique, qu'autant que sa majesté croiroit devoir expliquer ses intentions à leur égard d'une manière spéciale. » 13 avril 1788. - Mémoire de Mardochée Carcassonne, juif habitant de Nîmes, par lequel il conteste l'interprétation donnée par les marchands toiliers de Nîmes à l'édit de 1787 rendu en faveur des non-catholiques : « L'exposant réside dans la ville de Nîmes depuis plusieurs années, il y paye la capitation, la taille industrielle et participe aux frais de la levée des soldats provinciaux, c'est à dire qu'il supporte sa quôte part de toutes les charges reparties sur les citoyens de cette ville. Jusques à présent, l'exposant s'est borné à faire le commerce que les lois du royaume lui permettoient ; mais outre que celui qu'ils veut entreprendre aujourd'hui ne paroit pas lui avoir été jamais défendu, il auroit acquis toute liberté depuis la promulgation de l'édit du mois de novembre 1787, qui est une loi de grâce et de faveur. En exécution de cet édit l'exposant voulut devenir marchand toillier. Les syndics des marchands toilliers refusent l'admission de l'exposant au prétexte qu'il est juif, que l'édit de novembre 1787, n'est pas fait pour ceux qui professent sa religion ; le commerce de la toilerie n'a jamais été regardé dans la ville de Nîmes comme un art ou profession qui assujetit a une maîtrise : quand même ce rapport eut été nécessaire, cet obstacle auroit disparu par les dispositions de l'art. 1 de l'édit de novembre 1787 qui porte en toute lettre : « permettons à ceux de nos sujets qui professent une autre religion, que la religion catholique, d'y exercer leurs commerces sans que sous prétexte de leurs religions ils puissent y être troublés ni inquiétés. » On ne peut pas lui dire que l'édit dont il s'agit n'a pas eu en vue les juifs ; mais seulement les différentes sectes chrétiennes, des lors que l'art. 25 porte : « si ce n'est que l'enfant fut né de père et mère d'une secte qui ne reconnait pas la nécessité du Baptême, auquel cas ceux qui se présenteront déclareront la naissance de l'enfant, la secte dans laquelle il est né et justifieront que le père et la mère ont été mariés dans la forme prescrite. » Si comme l'exposant le croit, toutes les sectes chrétiennes regardent la nécessité du baptême comme indispensable, il est de toute évidence que la disposition de l'article ci-dessus, se rapporte principalement à ceux qui suivent la loi de Moïse, et l'exposant observe qu'il doit d'autant plus jouir de l'effet de cette loi, qu'il s'i est déjà conformé en déclarant son mariage devant M. le juge-mage de Nismes, ainsi que la naissance des enfants auxquels il a donné le jour ; on a vu les marchants de Montpellier, aussi jaloux de leurs prérogatives que ceux de Nîmes, recevoir sans scrupule et sans opposition sous les yeux même de monsieur l'intendant de la province, différents juifs dans leurs communautés. S'il était possible qu'on eut oublié les juifs dans cet édit, il faudroit par une loi nouvelle les faire participer aux faveurs qu'il renferme ; tous leurs biens consistant en numéraire, ce sera un moyen certain d'augmenter la masse de celui qui circule dans le royaume, d'en enrichir le commerce et d'en faire partager le bénéfice aux cultivateurs et aux consommateurs. Pour ce qui concerne la ville de Nîmes en particulier, environnée comme elle l'est par les carrières juives d'Avignon, de Carpentras, Lille et Cavaillon, elle attirera dans son sein toutes les richesses qui, jusques à présent, ont résidé et fructifié dans cette contrée étrangère qui les a reçues et les possède encore ; tout concourt donc à nécessiter l'admission que l'exposant sollicite ; ses frères attendent quel sera le sort de sa demande, déterminés à se fixer en France, s'il leur est permis d'y faire le commerce ; ils se verroient à regret, forcés de porter ailleurs leur industrie et leurs capitaux. » 25 avril 1788.

Cote :

C 2747

Inventaire d'archives :

Intendance de Languedoc

Description physique :

Liasse. - 17 pièces, papier (1 imprimée).

Archives départementales de l'Hérault

Liens