Document d'archives : Arrêt attribuant aux hôpitaux de Bourges et d’Issoudun les aumônes des communautés religieuses situées dans la généralité de...

Titre :

Arrêt attribuant aux hôpitaux de Bourges et d’Issoudun les aumônes des communautés religieuses situées dans la généralité de Moulins, depuis la rivière du Cher jusqu’à la Creuse. Opposition de l’abbaye pour échapper à l’application de la mesure.

Contenu :

Arrêt (10 avril 1723) du Conseil d’État du Roi ordonnant la réunion d’aumônes aux hôpitaux de Bourges et d’Issoudun : le roi, l’étant fait représenter la déclaration du 18 juillet dernier par laquelle il avait ordonné que tous les pauvres et mendiants répandus dans les provinces seraient reçus dans les hôpitaux à cet effet désignés et qui, en cas d’insuffisance de revenus, seraient trouvés les plus convenables, avait choisi dans la généralité de Bourges deux principaux hôpitaux. S. M. a été informée que dans ladite généralité « il a esté fait de temps immémorial, aux portes de plusieurs communautés religieuses, prieurés, commanderies et autres maisons de piété, des distributions d’aumônes générales et particulières, tant en argent qu’en bled, vin, lard, pois, fèves et autres denrées, dont la plupart sont sy anciennement établies que les époques en sont inconnues ; que ces aumônes se distribuoient non seulement aux pauvres passants et aux pèlerins, lesquels, dans le commencement, ont été le principal motif de son ancienne fondation, mais encore à toutes sortes de personnes, soit étrangers ou habitants des mêmes lieux, hommes, femmes et enfants, sans distinction ; que même ces distributions se faisaient indifféremment tant aux laboureurs et journaliers, lesquels, bien souvent, abandonnaient leur travail pour venir y participer, qu’aux vagabonds, ce qui ne servoit qu’à les entretenir dans leur fainéantise et dans leur libertinage ; qu’il est même souvent arrivé, à l’occasion de ces distributions, tant de confusion et de tumulte par la violence des gens qui s’y présentoient que ceux qui estoient chargés de distribuer ces aumônes ont été maltraités et ont même quelquefois couru le risque d’y perdre la vie ; que d’ailleurs quelques-unes de ces aumônes, par l’avarice et la cupidité de ceux qui en estoient chargés, ont esté depuis longtemps négligées ou interrompues contre l’intention des fondateurs, qui n’y ont affecté des revenus considérables dans la seule vue qu’elles seroient servies plus ponctuellement et avec plus d’exactitude et employées au soulagement des véritables pauvres » Il ne saurait être fait un usage plus conforme à leur destination que d’en ordonner la réunion, partie à l’hôpital général de Bourges, partie à l’hôpital des Incurables d’Issoudun, qui, en exécution de la déclaration du 18 juillet 1724, ont été « destinés pour y renfermer les pauvres mendiants dont ces aumônes sont le véritable patrimoine ». Le Roi, sur le rapport du sieur Dodon, conseiller d’État ordinaire, contrôleur général des finances, ordonne que toutes les aumônes, de quelque nature qu’elles soient, faites par les communautés religieuses et séculières, abbayes, prieurés, commanderies et autres maisons de piété situées dans la généralité de Moulins seront attribuées aux deux hôpitaux susdits et réparties entre eux suivant les besoins. Fait à Versailles, le 10 avril 1725 ; Lettres royaux (10 avril 1725) invitant le sr Intendant de la généralité de Bourges à assurer l’exécution du précédent arrêt ; Lettre (2 mai 1725) de Jacques Barberie, intendant de la généralité de Bourges, à Mr de Lestang, subdélégué au département d’Issoudun, lui enjoignant de publier et afficher l’arrêt dans toute l’étendue de son ressort ; Requête (septembre 1725) des administrateurs de l’hôpital des Incurables d’Issoudun au subdélégué de cette ville : dans le partage qui a été fait des aumônes entre les hôpitaux de Bourges et d’Issoudun, « toutes celles qui se sont trouvées dans la partie de ladite généralité, depuis la rivière de Cher jusqu’à la Creuze, sont écheues au lot de l’hôpital des incurables de cette dernière ville, et aussy toutes celles venues à la connaissance des suppliants y ont été réunies » ; mais ils ont appris qu’il en existe d’autres dont la réunion n’a pas été opérée, « comme sont celles de l’abbaye de Barzelle, qui est d’un muid de bléd et cent cinquante livres par chacun an ; ..... celle de l’abbaye de La Vernusse, du prieuré de (Chazelles ?), du prieuré d’Orsan, de l’abbaye de Saint-Genou, de l’abbaye de Saint-Ciran, du prieuré de Toiselay », etc. Les requérants sollicitent l’autorisation d’assigner les prieurs et abbés de ces maisons. Requête (1753) au Roi en son conseil par les administrateurs de l’hôpital des Incurables à Issoudun : par la déclaration du Roi en date du 18 juillet 1724, les aumônes des maisons religieuses de la généralité du Berry, depuis le Cher jusqu’à la Creuse, avaient été attribuées audit hôpital ; dès les premiers temps, quelques aumônes ont été cédées, mais certaines communautés ont tenté de les laisser ignorer ; l’abbaye de Prébenoît est de ce nombre ; les abbé, prieur et religieux, invités dès l’année 1747 à satisfaire à l’arrêt, « ont affecté la désobéissance la plus marquée et sous des prétextes très frivoles ». Une multitude de personnes étaient en mesure d’attester l’existence de l’aumône, il était même notoire dans le pays qu’elle était une charge d’un don de dîme ; « cependant, pour se dispenser de la continuer, les abbés, prieur et religieux, qui l’avaient de fait interrompue, ont supposé que l’aumône en question avoit été purement volontaire et ne consistait que dans la rétribution par eux faite de paier, à titre de charité, dans les temps de calamité » ; ils ont ajouté que leur abbaye n’était pas dans l’étendue de la généralité de Moulins. Sans se préocuper de la seconde objection dont ils connaissent toute la faiblesse, les administrateurs ont fait procéder à une enquête devant le sieur Collet de Messine, ci-devant prévôt royal, actuellement subdélégué en la ville d’Issoudun. Le sieur Peyronnet, curé de Bétête, premier témoin, a déposé que la distribution n’avait pas eu lieu depuis sa nomination, mais qu’il était à sa connaissance qu’elle avait lieu précédemment dans sa paroisse au nom de l’abbaye ; que la paroisse est pour deux tiers dans la généralité de Berry et pour l’autre tiers dans celle de Moulins ; qu’il a toujours entendu dire que les religieux avaient changé le cours d’un ruisseau qui passe près de leur maison pour dépendre de la généralité de Moulins. D’après certains témoins, la cessation de la distribution datait du temps où le sieur Blondel était prieur, il y a 40 ans environ. II résulte notamment de l’enquête que si l’abbaye de Prébenoît « appartient aujourd’hui à la généralité de Moulins, c’est plutôt de fait que de droit et parce que des raisons particulières d’intérêt ou pour assurer d’avantage la clôture des lieux claustraux, elle a détourné les eaux d’un ruisseau de leur route première et naturelle ». L’aumône n’a été attribuée à aucun hôpital ; aucun établissement hospitalier de Moulins ne la réclame, sachant qu’elle était dévolue à la maison des Incurables d’Issoudun. Les suppliants sollicitent du Roi la condamnation de l’abbaye à exécuter l’arrêt du 10 avril 1725 et faire raison de l’aumône annuelle des 36 setiers de seigle depuis la cessation de la distribution. Mémoire et moyens de défense, renfermant des copies de documents, signifiés le 25 mai 1754, à la requête du prieur de Prébenoît, aux administrateurs de l’hôpital d’Issoudun : donation (XIIe siècle ?) par Hélie Adhémar à l’abbaye de Prébenoît de ses droits « in Malbos », sur Chasaudjobert, dans le mas « Pimpart », de ses droits litigieux « de transita aquæ et la gaana de Puot », de droits de pacage et à tous usages dans tous ses bois ; fait à Boussac entre les mains d’Eudes de Déols, et en présence d’Hélie de Sainte-Sévère. Autre donation par le même étant à toute extrémité, « in extremis », sur les bois et prés de... « in ducosset que sunt a vado Batbœ, sicut via publica vadit ad Beteistes et tradit ad garanum deu Puot et descendit ad vadum Batbæ, pontum Crosœ et à ponto sicut Crosa ducit ad vadum Batbæ ». Fait à Boussac entre les mains d’Arnaud et de l’abbé de Bonlieu. Copie des documents analysés dans l’article H. 528. Moyens de défense : Les biens ont été réunis aux hôpitaux par arrêt du Conseil d’État de 1725, or, jusqu’au 15 novembre 1747, les administrateurs de l’hôpital d’Issoudun ont gardé un profond silence envers l’abbaye de Prébenoît. C’est avec raison qu’ils ont gardé cette attitude, car jamais l’abbaye n’a été chargée, ni dans l’usage de faire aucune aumône, si ce n’est dans les temps de calamité où on faisait des distributions aux pauvres qui se présentaient aux portes. L’abbaye, d’autre part, n’est pas située dans l’étendue de la généralité de Bourges. Les administrateurs de l’hôpital ont bien signifié l’arrêt, mais se sont bien gardés de faire connaître les états des aumônes de la généralité de Bourges à attribuer par application de cet arrêt. Ils ont, au cours de l’enquête, recherché des témoins disposés à leur être favorables. Le prieur fournira par titres la preuve que le ruisseau n’a pas été détourné pour faire passer l’abbaye de Prébenoît de la généralité de Bourges dans celle de Moulins. Si une partie de la paroisse de Bétête dépend de la généralité de Bourges, le surplus forme une collecte distincte qui appartient à l’élection de Guéret. Plusieurs témoins, qui déposent qu’une aumône a été faite en 1713, commettent une confusion, la vérité est que cette année a été une année de calamité. Supplique (14 juin 1757) des administrateurs de l’hôpital d’Issoudun à Mr Collet de Messine, subdélégué de l’Intendant de la généralité de Berry, à Issoudun : l’arrêt qui a prescrit l’attribution des aumônes aux hôpitaux « prévoit le cas où on argumentera du défaut de justification des titres de fondation, où on prétendra que les aumônes n’ont eu pour objet qu’un pur motif de charité » ; toutes les aumônes faites à quelque usage que ce soit tombent dans la réunion. « Si, pour échapper à la réclamation des hôpitaux, il suffisait d’alléguer que les aumônes réclamées avoient pour principe un motif de charité, le roi ne leur auroit fait qu’un présent inutile et même dangereux ». Toutes les communautés ont rendu hommage à la justice de la disposition ; elles étaient dans le cas d’alléguer le motif de charité, « peu l’on fait, toutes ont été subjugués : la majeure partie, par la force de la vérité, quelques-unes, par la sagesse de ces décisions ». Seuls, les religieux de Prébenoît ont montré dans leurs déffenses une opiniatreté qui, après dix ans de procédure, ne s’est point encore ralentie ». Ils s’appuient sur une observation ridicule : « ils disent que [bien que] la majeure partie de la paroisse de Béteste, à qui l’aumosne est due, soit en Berry, cependant cette majeure partie (ce sont leurs termes) ne l’emporte pas pour faire payer la taille à Issoudun, et que, par conséquent, elle ne doit pas l’emporter davantage pour l’aumône ». L’objection est puérile. Dans leur requête du 25 mai 1754, les religieux reconnaissent que la majeure partie de la paroisse de Bétête, qui est en Berry, paye la taille à Issoudun et que le surplus, qui est en Marche, paye à Guéret. Par application de ce raisonnement, les trois quarts de l’aumône appartiendraient à la généralité de Berry ; « mais ce qui se pratique quant à la taille ne saurait faire loy par rapport à l’aumône, qui ne souffre pas la même division, surtout dans l’espèce présente où cette aumône n’est point réclamée par les hôpitaux de la Marche ». Les défendeurs abusent des erreurs légères commises par les suppliants. Ceux-ci, « trop éloignés des lieux pour s’instruire exactement des faits, avaient avancé, sur la foi de ce qui leur avait été rapporté, que les religieux avaient détourné le cours d’eau d’un ruisseau pour se renfermer dans la généralité de Bourbonnais. Il y a impossibilité à ce que l’arrêt du Conseil n’ait visé que les aumônes fondées sur des titres écrits, car ces titres ne pouvant être ailleurs qu’entre les mains des religieux, les hôpitaux se trouveraient toujours dans l’impossibilité de les présenter. L’uniformité de la prestation de l’aumône dont il s’agit, faite toujours aux mêmes tems, aux mêmes personnes, de la même quantité et de la même espèce de graines, ne permet de douter qu’elle n’ait été anciennement fondée ». Vainement « les deffendeurs prétendent-ils que la réunion d’une aumôme qui n’auroit pour principe qu’un motif de charité seroit d’une conséquence dangereuse et pourroit ralentir la piété des fidèles qui craindroient qu’on ne se fit un titre contre eux de leur libéralité, en vain augmentent-ils d’un cas à l’autre et prétendent-ils que, comme on ne peut pas se faire un titre de la charité d’un citoyen, on ne peut de même s’en faire un de celle d’une communauté religieuse. Ils devraient s’apercevoir que la conséquence n’est (réelle ?) [rien] moins que juste et qu’il faut faire une grande différence entre les biens d’un particulier affectés principalement aux besoins de sa famille et de l’État et ceux d’une communauté religieuse dont le premier devoir est de faire l’aumône, qui ne jouit des bien qu’on lui a confiés que pour en partager le revenu avec les pauvres ». Inutilement encore les défendeurs observent que leurs statuts ne les obligent pas à des aumônes réglées. Leurs dires prouvent même le contraire puisqu’ils conviennent que leurs statuts leur imposent de faire des aumônes journalières et même d’avoir dans chaque communauté un portier chargé de la distribution. « Ils devraient ajouter que ces aumônes journalières étant devenues abusives, elles ont été converties par chapitres généraux de leur ordre et par délibération particulières de chaque communauté en aumônes générales, réglées à certains jours de l’année pour la commodité publique et le bien des paroisses ». Il convient d’écarter le détail que les défendeurs donnent de leurs revenus et de leurs charges ; « ils devroient débiter ces erreurs à des gens moins instruits de leur opulence et ne pas s’imaginer qu’on doit les en croire sur leur parole... ils ne sauroient nous persuader qu’ils n’ayent que cent pistoles de revenus, chargés des réparations de tous les domaines et bâtiments de l’abbaye, qui doivent absorber cette somme ». En dernier lieu les défendeurs ont soutenu qu’ils ne sont pas dans l’usage de faire l’aumône dont s’agit parce que, d’après les témoins qui ont déposé, elle était depuis longtemps interrompue ; cette interruption n’emportant pas estinction, l’arrêt de réunion, les significations et exploits de demande, y feraient au besoin obstacle. Les suppliants terminent en demandant que leurs précédentes conclusions leur soient adjugées. Mémoire, sans signature ni date, pour l’hôpital des Incurables d’Issoudun, contre l’abbaye de Prébenoît : après les arrêts du Conseil du Roi, incorporant aux hôpitaux de Bourges et d’Issoudun les aumônes de la généralité de Bourges, « le public avoit lieu de croire qu’un règlement aussi sage n’éprouveroit aucune contradiction de la part des maisons religieuses chargées de la distribution des aumônes ». L’hôpital d’Issoudun a pu se rendre compte du contraire : il a eu presqu’autant de procès à soutenir qu’il y avait d’aumônes à réunir. Heureusement que ces procès ont tourné à son avantage. « L’abbaye de Prébenoît est la seule contre laquelle on n’ait pas encore obtenu de condamnation ». Elle propose deux moyens pour se soustraire au paiement de l’aumône : elle prétend d’ailleurs que l’aumône qu’on lui demande n’a jamais existé ; elle ajoute, en second lieu, que, quand cette aumône serait « due, l’hôpital des Incurables d’Issoudun ne seroit pas dans le cas d’en demander la réunion, et que la réunion devroit s’en faire à l’hôpital de Guéret, ville capitale de la province de la Marche ». Réponse à la première proposition : l’existence de l’aumône est prouvée par de nombreux témoins ; elle se faisait dans la paroisse de Bétête et avait lieu le lundi gras et le jeudi saint ; elle consistait en 36 setiers de seigle, mesures de Boussac et de Jarnages. Réponse à la deuxième proposition : La paroisse de Bétête où se distribuait l’aumône « est pour la plus grande partie, et au moins pour les deux tiers, située dans la partie de la généralité de Berry, qui est tombée dans le lot de l’hôpital des Incurables de la ville d’Issoudun... on ne pense pas que les religieux de Prébenoît puissent nier ce fait, au surplus, s’ils n’étaient pas d’assés bonne foi pour en convenir, la preuve en seroit faite ». Le fait a été attesté par le curé de Bétête, premier témoin entendu. Les religieux de Prébenoît diront peut-être que leur abbaye n’est point située dans la généralité de Berry, mais ans celle de Moulins. « Il n’est pas bien certain que l’abbaye de Prébenoît soit de droit dans la province de la Marche, généralité de Moulins ; il existe une ancienne tradition suivant laquelle cette abbaye était située dans la généralité de Berry, et qu’elle n’a passée dans la généralité de Moulins qu’en détournant le cours d’un petit ruisseau, qui a toujours fait la séparation des deux généralités ». Si l’abbaye de Prébenoît est située dans la généralité de Moulins, « qu’est-ce que cela décide ? » Ce n’est pas la situation de l’abbaye, mais celle de la paroisse qu’il faut considérer. C’est à la généralité qui contient la plus grande partie de la paroisse que l’aumône est dûe. L’abbaye de Prébenoît n’est pas recevable à dire qu’elle ne doit à l’hôpital d’Issoudun que les deux tiers de l’aumône, l’autre tiers revenant à Guéret ; c’est l’hôpital de cette dernière ville qui pourrait seul proposer un pareil moyen. « Puissent ces observations faire rentrer en eux-mêmes les religieux de Prébenoît, puissent-ils sentir combien il est indécent qu’une abbaye aussi riche que la leur dispute à un hôpital une modique aumône qu’elle doit certainement et qu’elle ne paye cependant pas. »

Cote :

H 532

Inventaire d'archives :

Série H - Clergé régulier

Description physique :

Liasse. 1 pièce, parchemin ; 44 pièces, papier.

Archives départementales de la Creuse

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