Origine:

Fils de Joseph Novarina, entrepreneur en bâtiment et d'Anaïs Detruche, mère au foyer, aîné de neuf enfants, Maurice, Paul, Joseph Novarina est né le 28 juin 1907 à Thonon-les-Bains (Haute-Savoie) et y décède le 28 septembre 2002. Après des études au collège Saint-Joseph de Thonon-les-Bains, il entre, en 1926, à l'École supérieure des travaux publics (ESTP) de Paris dont il est diplômé ingénieur des travaux publics en 1928. Cette année-là, avec l'appui de l'un de ses professeurs, l'architecte Jean-Baptiste Mathon (premier grand prix de Rome en 1923), il entre à l'École nationale supérieure des Beaux-arts (ENSBA), section architecture, où il fréquente l'atelier de celui-ci.

Comme l'atteste la correspondance conservée par ses fils, Maurice Novarina, parallèlement à ses études, travaille pour son père sur des projets en Haute-Savoie, notamment des villas de particuliers, le bâtiment de la société anonyme des autos transports du Chablais et du Faucigny (SAT Thonon) et surtout l'église de Vongy, en 1929. Dès lors, la construction d'édifices religieux constitue un fil continu qui marque la carrière de cet architecte profondément croyant. En 1933, il obtient son diplôme d'architecte diplômé par le gouvernement (DPLG) et s'établit à Thonon-les-Bains. Ses premiers projets portent sur des villas de particuliers, des églises (Le Fayet, plateau d'Assy, col de l'Iseran), des commerces et, avec l'architecte Camille Blanchard, des refuges en montagne. Pour le ministère de l'Agriculture, il collabore régulièrement avec les architectes Louis Moynat et Henri Jacobi sur des études de génie rural et des programmes d'amélioration de l'habitat rural. Pour l'entourage familial et professionnel de Maurice Novarina, c'est sans doute sa collaboration avec Louis Moynat qui l'a incité à entretenir des liens constants avec des artistes et à les impliquer dans ses constructions. L'intégration d'œuvres d'art dans ses projets devient au fil du temps un trait caractéristique. Il se marie avec la comédienne Manon Trolliet le 13 novembre 1937, avec qui, il a deux enfants : Valère en 1942 et Patrice en 1944. Dans un contexte économique difficile, il reçoit un agrément en 1941 qui lui permet d'obtenir des marchés financés par l'État. C'est aussi au cours de la Seconde Guerre Mondiale que la profession se réglemente avec la création, en décembre 1940, de l'Ordre des architectes auquel il s'inscrit le 19 juin 1943.

Créé le 16 novembre 1944, le ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme (MRU) nomme un architecte en chef par département pour faciliter et coordonner les travaux de reconstruction. C'est la fonction qu'occupe Maurice Novarina pour le département de l'Eure à partir de 1948.

Il reconstruit des équipements publics tels que des écoles, des cinémas, des salles communales, des églises. Il réalise également, dans ce cadre, ses premiers immeubles de logements collectifs à Pont-Audemer. Dans le même temps, il poursuit ses activités en Haute-Savoie (plage de Thonon-les-Bains, aérium de Burdignin, chalets, églises, villas…) et se trouve chargé par le MRU de conduire les études d'urbanisme de la ville d'Annecy en collaboration avec Henry-Jacques Le Même, architecte en chef de la reconstruction du département.

Sa nomination en tant qu'architecte en chef de grandes opérations urbaines (ZUP) en 1958 marque un tournant dans sa carrière. Il dépasse alors l'échelle départementale pour travailler dans la France entière : Évreux, Annecy, Besançon, Corbeil-Essonnes, Dôle, Argentan, Alençon, Saint-Quentin-en-Yvelines, Villefranche-sur-Saône, Grenoble, Lyon - La Duchère.

L'importante crise du logement liée à la forte croissance démographique d'après-guerre impose de construire rapidement et à bon marché. Face à cette nécessité, les architectes recherchent la simplicité, les formes utiles et la rationalisation pour baisser les coûts. Maurice Novarina crée ainsi des modèles d'habitation et des éléments architecturaux types qu'il réutilise dans différents projets, allant même jusqu'à une certaine forme d'industrialisation de l'architecture en travaillant avec des éléments préfabriqués. Alors que le contexte n'y est pas favorable, il porte une attention particulière aux détails, comme le souligne ses collaborateurs proches. En outre, aux grands ensembles massifs, il préfère les petites unités organisées autour d'espaces collectifs, soignant l'aménagement des pieds d'immeubles, le traitement des espaces publics et de la vie quotidienne.

Ces opérations d'urbanisme mises à part, il se consacre à de grands projets de rénovation urbaine (Thonon-les-Bains, Saint-Cloud) et d'équipements publics : mairies et hôtels de ville (Grenoble…), palais de Justice d'Annecy, maisons de la culture (Thonon-les-Bains…), centres d'animation (Annemasse…), équipements sportifs comme les centres nautiques (Évian-les-Bains, Divonne-les-Bains…), nombreux équipements scolaires, hôpitaux (Thonon-les-Bains, Lagny et Draveil Champrosay) tout en continuant les constructions religieuses. Si les commandes privées de logements résidentiels, d'hôtels et de bâtiments industriels et commerciaux se font de plus en plus régulières, les commandes publiques représentent tout de même l'essentiel de son travail.

Les années 1980 marquent un nouveau tournant dans sa carrière : la remise en cause de la modernité et de la production architecturale de masse, la réorganisation de la commande publique (mise en concurrence de plusieurs architectes) et la récession économique le poussent à évoluer pour pérenniser ses agences. Il se tourne ainsi vers les ouvrages d'art et autoroutes (premier projet étudié : l'entrée du tunnel de l'Épine en Savoie en 1972). Le ruban d'argent du palmarès des paysages routiers vient récompenser, en 1995, son souci d'intégrer ses ouvrages dans le paysage. Il faut ajouter à ces réalisations nationales, des commandes étrangères, notamment la réalisation du centre de télévision de Riyadh (Arabie Saoudite).

Lorsqu'il cesse officiellement ses activités en 1995, il met un terme à 67 ans d'activité. Cette longévité s'explique par sa capacité à s'inscrire dans les débats du moment et à en saisir les opportunités : le renouveau liturgique avec les églises, la Reconstruction et les besoins de logements d'après-guerre, la rénovation des villes, les équipements publics et enfin les ouvrages d'art.

Il réalise près de 300 projets, plus de 40 000 logements, 26 églises, une trentaine de bâtiments scolaires et 80 équipements toujours en fonction. Ses réalisations sont localisées essentiellement à l'est de la France (la région Rhône-Alpes, le Doubs, le Jura), en Île-de-France, en Normandie (Eure, Seine-Maritime, Calvados, Orne) en Bourgogne (Yonne, Côte-d'Or, Saône-et-Loire) mais également à l'étranger (Arabie Saoudite et Suisse). Il obtient le premier prix lors des concours de l'ORTF pour l'édification du centre d'informations télévisées à Paris (1973), pour le palais de justice d'Annecy (1973), pour le stade nautique de Strasbourg (1961), pour la rénovation et la restauration du centre de Saint-Cloud (1974) et pour la station de sports d'hiver à Sharestanack en Iran (1975).

Ses agences

S'il débute sa carrière en 1933, il n'ouvre sa première agence, place des Arts à Thonon-les-Bains, qu'en 1945. Il est installé auparavant dans les locaux de l'entreprise de son père sur cette même place. Après la Seconde Guerre Mondiale, il continue ses activités dans son département natal tout en ouvrant une seconde agence à Pont-Audemer, en 1948, lorsqu'il est nommé architecte en chef de la reconstruction du département de l'Eure. Si ses activités en Normandie l'occupent beaucoup, il conserve son agence thononaise qu'il installe, en 1950, dans une partie de sa nouvelle maison, boulevard de la Corniche. En 1958, il quitte sa fonction d'architecte en chef de la reconstruction et ferme son agence de Pont-Audemer qu'il transfert à Paris, rue Raynouard (XVIe arrondissement), dans un immeuble qu'il a réalisé. Au même moment à Thonon-les-Bains, il fait construire un bâtiment pour son agence au 23 boulevard de la Corniche, en face de sa maison personnelle. Pour faire face au développement de l'agence parisienne, l'équipe s'installe, en 1967, dans de nouveaux locaux plus grands au 3 square Pétrarque, toujours dans le même arrondissement. À partir de 1990, seule l'agence de Thonon-les-Bains est encore en activité sous la direction de Jean-Michel Thépenier, associé de l'agence Novarina depuis 1988.

L'organisation des agences évolue au fil du temps. En raison des commandes de grands ensembles, notamment pour la Caisse des dépôts et consignations, les effectifs s'étoffent. Pour garantir le bon fonctionnement de ses agences, Maurice Novarina instaure une organisation très hiérarchisée. L'équipe se compose, à sa tête, d'un chef d'agence, garant du fonctionnement administratif et économique de l'agence, qui coordonne les différents intervenants d'un même projet, puis viennent les architectes-dessinateurs qui mettent en forme les idées directrices, l'inspecteur des travaux qui en suit la réalisation et enfin les personnes chargées du secrétariat et de la comptabilité. Tout en laissant aux architectes-dessinateurs une certaine indépendance, Maurice Novarina tient à suivre tous les projets, instaurant ainsi une relation de travail de confiance. Les chefs d'agences sont, à Paris, Jacques Christin entre 1952 et 1990, et, à Thonon-les-Bains, Michel Brugger, puis Albert Le Breton, entre 1948 et 1982, auxquels succède Jean-Michel Thépenier.

Ses collaborateurs

Maurice Novarina se constitue un réseau économique, associatif et culturel fort. Ses liens avec le clergé, essentiellement les dominicains, et notamment le père Couturier, expliquent la commande récurrente de construction ou rénovation d'églises. Concours mis à part, il collabore avec de nombreux architectes extérieurs à ses agences comme ceux, dits d'opération, avec qui il élabore les projets et qui ensuite suivent leur réalisation (les architectes sont répertoriés dans l'index). Maurice Novarina noue également des relations étroites avec les ingénieurs Jean Prouvé, Serge Kétoff, Bernard Lafaille et Tseng Ou qui interviennent très régulièrement sur ses projets en apportant les innovations techniques, technologiques et les nouveaux matériaux. Sa fréquente collaboration avec les paysagistes Willem Den Hengst et Willi Neukom révèle son intérêt pour l'intégration des bâtiments dans leur environnement et l'aménagement des espaces publics. Au travers de ses archives, il apparaît nettement que Maurice Novarina s'est constitué un réseau d'entrepreneurs auquel il reste fidèle. Dès le début de sa carrière, il s'entoure d'un réseau d'artistes qu'il consolide tout au long de son activité notamment dans le cadre d'édifices religieux : Fernand Léger, Georges Rouault, Jean Bazaine, Henri Matisse, Georges Braque, Marc Chagall, Pierre Bonnard, Jean Lurçat, Germaine Richier, Jean Le Moal, Émile Gilioli, Pierre Sabatier, Alfred Manessier, Raoul Ubac…

Ses activités publiques

Outre sa carrière d'architecte-urbaniste, Maurice Novarina se consacre également à l'enseignement. Il donne dans un premier temps des cours à l'École spéciale d'architecture (1958-1968) qu'il est contraint de quitter, en 1968, suite à la remise en cause générale du système d'enseignement. Il intervient alors à l'École nationale des Beaux-arts, de 1968 à 1976, au sein de l'atelier Marot et de l'unité pédagogique d'architecture "UP4". Il a été architecte - rapporteur à la Commission régionale des opérations immobilières et de l'architecture (CROIA) pour la région parisienne et la région Rhône-Alpes et architecte de l'Institut national d'orientation professionnelle. Il a participé à des jurys nationaux et internationaux d'architecture, aux jurys annuels des prix "Beauté de Paris et de l'Île de France" et "Sauvegarde de Paris et de l'Île de France" de la Chambre syndicale des agents immobiliers. Enfin, il a été conseillé municipal de Thonon-les-Bains entre 1947 et 1965 aux côtés de Georges Pianta.

Ses activités culturelles

Il a été membre de l'Institut (Académie des Beaux-arts - section Architecture, élu au fauteuil d'Albert Laprade le 6 juin 1979), de l'Académie d'Architecture, de l'Académie des sciences, Belles lettres et Arts de Savoie, de l'Atelier d'urbanisme haut-savoyard (ATHUS) et élevé au grade d'architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux. Il a également été membre des comités de rédaction des revues L'Architecture française et l'Art chrétien, membre du comité d'honneur de CLOTTET et président de la revue Le Mur vivant.

Distinctions honorifiques et récompenses

Son travail et son implication dans de nombreuses revues et associations ont été soulignés à de nombreuses occasions. Il est commandeur de l'Ordre national de la Légion d'honneur (1980), officier de l'Ordre national du Mérite (1967) et officier des Arts et Lettres (1975). Il reçoit le prix Delarue (1952) et le prix de l'architecture privée de l'Académie d'architecture (fondation Le Sousacher, 1959), la médaille d'argent (1960), puis d'Or (1965) de la société d'encouragement à l'Art et l'Industrie et le prix des neiges qui récompense les Savoyards ayant œuvré pour le renom de la Savoie et de la Haute-Savoie.

Langue des unités documentaires: Tous les documents sont en français (pièces manuscrites, dactylographiées, imprimées) à l'exception de courriers en anglais, d'articles en allemand, italien et polonais.

Organisme responsable de l’accès intellectuel: Les Archives départementales de la Haute-Savoie sont responsables de l'accès intellectuel des archives.