Inventaire d'archives : 1 Num 403 - Papiers Pasquier (1914-1919)

Contenu :

Le fonds est essentiellement constitué de la correspondance entre Michel Pasquier et Léonie Baron, sa femme. Il s'agit surtout de lettres adressées par Michel ; quelques lettres et cartes postales de Léonie ont été renvoyées du front par Michel, le plus souvent après les avoir annotées ou avoir utilisé le papier restant, elles ont alors été intégrées chronologiquement, en privilégiant les dates portées par Michel.
Entre les époux, la correspondance, déjà soutenue, devient quasi quotidienne à compter de septembre 1915 : Léonie qui pense son époux plus au danger depuis qu'il est arrivé dans la Marne, lui demande d'écrire tous les jours s'il le peut.
Il existe des lacunes qui peuvent porter sur plusieurs jours voire plusieurs mois : parfois le contenu permet de conclure que Michel n'a pas écrit pendant quelques jours ou qu'il est en permission, souvent ces manques sont inexpliqués (février, août et octobre 1915, deuxième quinzaine de juillet 1917, janvier, février, juillet, novembre et décembre 1918). Des manques plus ponctuels peuvent être l'effet de pertes, de la censure (comme la lettre du 8 juillet 1916) ou de probables destructions (lettre du 1er mars 1915). Malgré ces lacunes, il reste 1090 lettres échangées entre les époux correspondant à 1667 jours d'absence, du 4 août 1914 au 25 février 1919. Elles ont été conservées à la demande expresse de Michel en janvier 1915 ; plusieurs fois, il regrette de devoir détruire celles de sa femme mais il ne peut ni les garder sur lui, ni les renvoyer toutes.
Les lettres de Michel sont souvent construites suivant une même structure : il commence par recenser les lettres reçues, évoque sa santé, fait des voeux pour sa santé à elle ; suit le corps de la lettre qui rend compte des dernières heures ou des derniers jours puis de son programme pour la suite de la journée et le lendemain. Il termine sur quelques considérations météorologiques, l'assure de son amour et l'appelle à garder courage, enfin il signe "P. Michel" ou "M. Pasquier". Les quelques lettres de Léonie qui ont été conservées sont moins construites et elle avoue elle même avoir une orthographe et une grammaire difficiles, allant jusqu'à espérer que son époux la comprend. Bien que mariée, elle signe toutes ses correspondances "Léonie Baron".

Dans ses lettres, Michel commente la situation sur le front mais parfois aussi de façon plus générale l'attitude de la hiérarchie militaire et les positions des alliés et des ennemis. La plupart du temps, il désigne les Allemands sous le nom de "boches".
Malgré la censure, Michel localise souvent ses lettres : il veut pouvoir reconstituer son trajet s'il revient de la guerre. Lors de certaines périodes plus tendues, comme au moment de son départ vers Verdun, ils reçoivent l'interdiction formelle de signaler leur destination ; il utilise alors un subterfuge pour indiquer à son épouse sa direction car Léonie accorde elle aussi beaucoup d'importance à ces informations. Dans les lettres écrites au cours des combats, il se montre centré sur lui et pourtant il ne donne que peu de détails sur la situation ; dans ces moments, il refuse systématiquement d'évoquer l'avenir et rappelle qu'il pourrait mourir d'un moment à l'autre. Une fois à l'abri, il évoque les dangers auxquels il a dû faire face et dresse le bilan de ces opérations ; il se montre alors plus ouvert, prenant des nouvelles de la famille et des camarades ailleurs sur le front. Quand elle lui demande d'utiliser ses problèmes d'oreilles pour obtenir un poste moins exposé ou se faire démobiliser, lui refuse : il a un très bon poste aux cuisines et ne voudrait pas être considéré comme un lâche par ses camarades.
Pour les époux, la présence de camarades aux côtés de Michel est essentielle : il signale à sa femme les rencontres avec d'autres soldats de Chambretaud ou avec ceux qu'elle pourrait connaître. Le plus souvent, ils sont identifiés par leur prénom et le hameau dans lequel ils résident ; seul Maurice de Suyrot est appelé "Monsieur" mais les rapports avec ces anciennes familles évoluent. Ils se donnent des nouvelles des autres soldats de la commune : c'est parfois lui qui sur le front rend compte des événements, parfois c'est elle qui lui annonce le décès de soldats blessés ou tombés ailleurs dans la zone de combat. Dans les moments difficiles, comme après les combats de Verdun, c'est auprès d'eux qu'il trouve du réconfort ; c'est au même moment qu'il fait la connaissance de Célestin Brin, de Beaurepaire, avec qui il passe plusieurs mois. Les deux hommes sont jeunes mariés (juillet 1913 pour Célestin) et ont perdu plusieurs frères sur le front (2 pour Michel, 3 pour Célestin). C'est quand Michel intègre pour la première fois un régiment non vendéen, le 233e RI en novembre 1917, que son isolement devient pesant au point d'influer gravement sur son moral. Tout change lorsqu'à la fin de février 1918, il est intégré à une compagnie comprenant nombre d'anciens du 293e RI ; lorsqu'il revient d'Allemagne en février 1919, il se montre d'abord inquiet pour le trajet jusqu'à ce qu'il apprenne qu'il fera son retour en compagnie d'anciens du 293e.

Les époux évoquent aussi les difficultés de la vie à l'arrière. Michel affirme plusieurs fois que sa femme est finalement plus malheureuse que lui : elle s'inquiète continuellement pour lui, comme le font tous les proches des soldats au front, alors que lui passe parfois de bons moments entre camarades, à l'abri des obus. A l'arrière, les familles doivent faire face à des rumeurs qui minent leur moral. A la fin du conflit, les problèmes de ravitaillement se font de plus en plus présents, le pain est l'objet de restrictions drastiques. Ces problèmes découlent des difficultés dans la gestion des terres : Michel, comme cultivateur, s'inquiète souvent de la façon dont sont entretenues les terres, dont sont faites les récoltes. D'ailleurs dans les premières années du conflit, il est persuadé que la guerre ne pourra pas durer faute pour l'Europe de pouvoir se ravitailler.

Mariés depuis seulement 3 mois au moment de la mobilisation, le couple se construit en grande partie à travers cette correspondance. Au fil des lettres, les époux se montrent plus proches ; cette évolution ne se fait pas progressivement, elle est rythmée par les permissions qui sont pour le couple l'occasion de rapprochements. Au retour, Michel se montre souvent plus tendre, plus sentimental. Alors que Léonie évoque souvent l'après-guerre, Michel a plus de mal à se projeter et il refuse de s'engager, que ce soit pour le bail d'une borderie ou le fait d'élever leur filleul Joseph. D'ailleurs, il est d'abord soulagé à l'idée qu'elle ne soit pas enceinte ; il préférerait vivre cela à ses côtés. Pourtant, voyant la guerre se prolonger, c'est après chaque permission une déception de savoir qu'elle ne l'est toujours pas. Les deux époux trouvent du réconfort dans la pratique religieuse et s'en remettent à Dieu pour l'avenir ; ils espèrent être réunis, que ce soit sur terre ou au ciel.
Cette correspondance est aussi l'occasion de voir les relations qu'ils entretiennent avec leurs familles respectives. Avec la famille Pasquier du Tourny, les relations qui semblaient tendues au début de la guerre s'apaisent. Les deux frères ainés de Michel sont morts et l'attitude de Léonie qui leur apportent toute l'aide possible contribue au rapprochement. Pourtant la mort du père de Michel en avril 1917 ravive les tensions, chacun ayant peur d'être lésé dans le règlement de la succession. Les relations des époux avec les parents Baron sont très bonnes mais Léonie, qui vit encore chez eux, s'entend très mal avec sa soeur Célestine, au point qu'elle s'installe seule dans sa propre maison en novembre 1916. Michel, loin de ces considérations, prend du recul et demande à sa femme de faire l'effort de pardonner pour conserver de bonnes relations. Ils sont très soucieux de la façon dont les choses pourraient être perçues par les Chambretaudais.

En plus des lettres, il envoie à ses proches de nombreux souvenirs : des photographies de lui, des lieux et des monuments, des médailles, des colliers, une épinglette, une tabatière...

Très disert au début de la guerre, Michel entretient des relations avec de nombreux correspondants, qu'il s'agisse de la famille (sa femme, ses parents et sa soeur Marie-Louise au Tourny, sa soeur Marie et son époux Constant Mothais, soeur Marie-Saint-Jonas, sa tante) ou des amis. Pourtant, il avoue lui même avoir de moins en moins le courage d'écrire ; s'il continue avec toujours autant d'assiduité à écrire à Léonie, de plus en plus, il lui demande de transmettre les nouvelles à leurs proches. Quelques lettres reçues ou adressées à d'autres correspondants ont été intégrées à la fin du fonds ; elles ne sont pas représentatives de ces échanges mais donnent un échantillon de ces multiples correspondances.

Cote :

1 Num 403 1 à 76

Publication :

Archives de la Vendée
2015

Informations sur le producteur :

Michel Pasquier (FLC, classe 1905, n°1414) naît à Chambretaud, le 15 décembre 1885, au village du Tourny, de Jean-Baptiste et Honorine Eugénie Landreau. Ses parents, cultivateurs, ont déjà deux fils, Baptiste et Daniel, et une fille Marie. Alors qu'il est âgé de 6 ans seulement, sa mère meurt ; son père se remarie en 1893 avec Marie Joséphine Joselon et de cette nouvelle union naissent Marie-Louise, Joseph, Auguste et Henri.
Michel semble proche de sa tante, religieuse dans la communauté Sainte-Marie de Torfou sous le nom de soeur Marie-Saint-Jonas. Il continue à entretenir une correspondance avec elle pendant toute la guerre et renvoie certaines de ses lettres à son épouse.

Le 5 mai 1914, il épouse Léonie Baron ; le couple s'installe chez les parents Baron en attendant la Saint-Georges suivante pour prendre une borderie. Leurs projets sont contrariés par la déclaration de guerre, seulement 3 mois après leur mariage. Les époux sont très religieux et désireux d'avoir des enfants. Pendant la guerre, Léonie élève leur filleul, Joseph Daviaud, né le 2 août 1914, un neveu ; sa mère, Justine Baron, la soeur de Léonie, est morte le 7 août 1914, laissant à son époux Joseph Daviaud, 4 enfants à élever, dont l'aînée est âgée de 11 ans. Pendant tout le conflit, Léonie insiste auprès de son époux pour lui arracher la promesse de garder et d'élever leur filleul après la guerre ; Michel refuse de s'engager alors que son avenir est incertain, que Joseph n'est pas orphelin de père et qu'il espère qu'ils élèveront leurs propres enfants. Après avoir perdu des jumeaux en 1921, ils ont d'ailleurs deux fils, Michel né en 1923 qui, suivant le voeu de ses parents, embrasse la carrière ecclésiastique et Honoré, né en 1925, qui leur succède dans l'exploitation agricole.
Le parcours militaire de Michel Pasquier commence de 1906 à 1908 avec son service militaire dans le 120e RI. Bien que son prénom d'usage soit Michel, ses papiers militaires sont dressés au nom de Jean-Baptiste Pasquier.
En 1914, rappelé par le décret de mobilisation générale, il arrive au corps le 4 août et intègre le 337e RI, 18e compagnie ; en septembre 1915, il est promu caporal. Après avoir perdu la moitié de ses effectifs à Verdun, le régiment est supprimé le 23 juin 1916 ; Michel est rattaché à un autre régiment vendéen, le 293e. Affecté par la suppression du 337e RI qui s'est vaillamment défendu, il intègre sans trop de difficultés un régiment où il est toujours entouré de camarades connus et de Vendéens. Après que le 293e RI a lui aussi été supprimé en novembre 1917, l'intégration au 233e est beaucoup plus difficile. Très touché par la suppression des régiments vendéens, il s'y sent isolé et plus en danger.
Dès septembre 1914, son frère Daniel (FLC, classe 1902, n°1346) est porté disparu ; son décès sera confirmé par le tribunal de La Roche-sur-Yon en 1920. Dans ces moments difficiles, Michel est heureux de retrouver sur le champ de bataille de la Somme son frère Baptiste (FLC, classe 1900, n°828) qui est aussi son parrain, mais celui-ci tombe à son tour le 6 novembre 1914.
Déjà affecté aux cuisines d'octobre 1914 à juillet 1915, il les retrouve en mai 1916, comme caporal d'ordinaire, d'abord en remplacement d'un camarade parti en permission, puis de façon permanente. Michel attribue cette faveur de son capitaine à la perte de ses deux frères et à sa surdité. En effet, de 1915 à 1917, il souffre de problèmes aux oreilles qui atteignent gravement son audition et pourraient le mettre en danger sur la ligne de front. En juillet 1917, las des contraintes que posent l'ordinaire et notamment les difficultés de ravitaillement, il est heureux d'être nommé caporal conducteur. En mars 1918, il retrouve les cuisines et, bien que ce poste ne soit pas toujours facile, il est conscient qu'il lui permet de rester plus loin du danger, aussi tente-t-il de s'en accommoder jusqu'à sa démobilisation en février 1919. Il est soucieux de n'être pas considéré comme un lâche par ses camarades et affirme à son épouse que le poste qu'il occupe fait déjà de lui un privilégié, moins exposé que nombre de soldats.

Michel meurt en 1985 à La Flocellière où il avait suivi son fils Honoré dans les années 1970. Il est enterré à Chambretaud, auprès de son épouse disparue en 1959.

Informations sur l'acquisition :

Collecte 14-18. Prêt famille Pasquier, 2013

Description :

Mise en forme :
Par correspondant puis chronologiquement

Conditions d'accès :

Libre accès
Publiable sur internet

Conditions d'utilisation :

Les reproductions numériques seront traitées sur demande

Description physique :

Document d'archives
Métrage linéaire
Métrage linéaire: 0,30
Nombre d'éléments
Nombre d'éléments: 76 articles

Ressources complémentaires :

Voir la notice biographique de Jean Baptiste Michel Pasquier dans le Dictionnaire des Vendéens

Organisme responsable de l'accès intellectuel :

Archives départementales de la Vendée

Identifiant de l'inventaire d'archives :

FRAD085_1NUM403

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