Page d'histoire : Bourvil Prétot-Vicquemare (Seine-Maritime), 27 juillet 1917 – Paris, 23 septembre 1970

Voilà ! Finalement, j’ai réussi à faire une carrière d’artiste ! Ce n’était pas gagné d’avance. C’est le 27 juillet 1917 que je toquais à la porte de ce bas monde, au sein d’une famille de petits paysans de Haute-Normandie L’accueil fut bien sûr chaleureux, mais je m’aperçus très vite qu’il y avait un absent : mon père qui mourut en 1918 des conséquences de la Grande Guerre. Ma mère peinait à élever seule ses trois enfants tout en faisant face aux travaux de la ferme. En 1923, elle se remaria avec Joseph Ménard, dont elle eut deux enfants et s’installa dans un village dénommé Bourville. Mon beau-père était un homme bon et généreux qui nous traita comme ses propres enfants. Mais ma mère, pendant ses cinq années de veuvage, s’était investie de l’autorité parentale, et elle ne s’en départit jamais. À l’école, j’étais plutôt bon élève, mais je m’ennuyais un peu et, avec l’assentiment de ma mère, je partis alors que j’étais en classe de cinquième, avec le certificat d’études primaires pour seul diplôme en poche. J’exerçai différents métiers dans plusieurs villes normandes et dès que je le pouvais, je poussais la chanson.

En 1943, j’annonçai à ma mère ma décision de rester à Paris pour y exercer le métier d’artiste. Mon épouse Jeanne, avec laquelle je venais de me marier, accepta un tel risque. Les années de guerre furent difficiles. Je devais jouer chaque nuit dans différents cabarets, et nous ne mangions pas tous les jours à notre faim. Immédiatement après-guerre, on me proposa un rôle de paysan un peu benêt dans un film qui devait lancer ma carrière, Pas si bête. On dit de moi à cette occasion que je faisais l’idiot avec intelligence. C’est un beau compliment, non ! Je continuai pendant ce temps mon travail de parolier et d’interprète de chansons un peu décalées, comme Les Haricots, dont je suis fier qu’elle figurât, bien des années après, au générique de Chansons… Boum sur France Culture. Au cinéma, je quittai tant bien que mal mon rôle de paysan normand pour interpréter avec Jean Gabin les rôles phares de La Traversée de Paris. Le film obtint le Lion d’or au Festival de Venise en 1957. Je revins ensuite à mes premières amours, le film comique, et interprétai sous la direction de Gérard Oury Le Corniaud, La Grande Vadrouille et Le Cerveau qui eurent le bonheur de plaire au public. L’originalité des films de Jean-Pierre Mocky me permit d’entrer à la Cinémathèque française. Enfin, j’eus la chance d’aborder un registre nouveau avec Jean-Pierre Melville qui me confia le rôle du commissaire Mattei dans Le Cercle rouge. J’ai maintenant fait le tour du métier et il est temps que je tire ma révérence. Bien trop tôt, mais partir un 23 septembre, juste à la fin de l’été, ce n’est pas trop mal, non ? Bon, allez, salut la compagnie !

Bourvil,

sous la plume de ses deux fils, Philippe et Dominique Raimbourg

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Source: Commemorations Collection 2017

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