Page d'histoire : Guillaume Budé Paris, 26 janvier 1467 – Paris, 22 août 1540

Guillaume Budé écrivant dans son cabinet sous l’égide de Mercure et Philologie, enluminure anonyme de dédicace tirée du manuscrit de Guillaume Budé De l’institution du prince, vers 1518-1519, Paris, bibliothèque de l’Arsenal. 

Visage austère, coiffe à oreillettes rabattues vissée sur le crâne par un cordelet, mantelet d’épaules à col moiré, ainsi apparaît Guillaume Budé, l’inspirateur de quelques-unes des plus illustres institutions culturelles de France, sur le portrait peint par Jean Clouet et conservé au Metropolitan Museum de New York.Guillaume est issu d’une lignée de grands bourgeois habitués des hautes charges administratives du royaume ; son père, fin bibliophile, fut conseiller du roi. À quinze ans, Guillaume part à Orléans bâcler des études de droit, connaît la vie de plaisirs d’un jeune homme de sa condition avec un penchant pour la chasse dont il célébrera les charmes. À vingt-quatre ans, il renonce à l’oisiveté pour se consacrer aux études. Lui prêtant ses livres, son ami Jean Lascaris l’initie au grec, ce qui le conduit à la reprise du droit puis à la théologie. Cet éclectisme faussement désordonné sera la marque de cet acharné multidisciplinaire. À la fin du règne de Charles VIII, Guillaume est secrétaire du roi, mais ses travaux personnels l’accaparent : traduction d’un traité de Plutarque De placitis philosophorum et d’une lettre de saint Basile à saint Grégoire de Nazianze sur la vie d’anachorète. Il paraît peu à la cour de Louis XII. Ses charges de famille, après son mariage en 1505 avec une jeune fille de quinze ans qui lui donnera douze enfants, n’entravent pas le rythme de ses publications. En 1508, ses Annotationes in quatuor et viginti Pandectarum libros combinent matériaux lexicographiques, approche méthodologique du droit et philosophie humaniste. Immédiate consécration. En 1515 paraît l’oeuvre qui demeure la plus connue, De asse et partibus eius libri quinque, exercice de recensement et de traduction explicitée des poids, mesures, instruments monétaires et autres, utilisés par les Anciens et convertis en valeurs de son temps. Ce labeur comparatif permet à ses contemporains d’apprécier le niveau de la richesse économique gréco-latine. À partir de 1516 se tisse une correspondance entre Érasme et Budé, amitié ombrageuse aux admonestations réciproques sur fond et forme des sujets traités. Guillaume, se voyant reprocher son style « tout diamant », s’en défend :« Pris par la joie d’écrire dès que mes ailes déployées je me suis laissé emporter au large, j’oublie de les replier… » Il s’installe en 1519 à Paris, rue Saint-Martin. François Ier, qui lui a promis de créer un collège d’études grecques, le rappelle à la cour. Il est présent à l’entrevue du camp du Drap d’or et rencontre nombre d’humanistes européens. À cinquante-quatre ans, comblé d’honneurs, maître de la Librairie du roi, organisateur de la bibliothèque de Fontainebleau, maître des requêtes tenu de suivre le roi dans ses déplacements, Guillaume doit aussi accepter la fonction de prévôt des marchands de Paris. À partir de 1525, Budé argue de sa santé pour ne plus être astreint aux voyages de la cour. Malgré le fer rouge sur le crâne pour libérer les « vapeurs migraineuses », vomissements et maux de tête le torturent. Propagandiste des langues anciennes et zélateur du grec qu’il estime supérieur au latin, il signe en 1529 ses Commentarii linguae graecae, clamant que seul l’apprentissage des langues anciennes soutient la clarté de la pensée. Son zèle humaniste influence les décisions du monarque et triomphe avec l’institution des « lecteurs royaux ». Mû par l’obsession d’un lieu havre de paix, de beauté et de luxe, Budé adresse à François Ier un vibrant plaidoyer : « Qu’il te souvient […] avoir promis […] de vouloir fonder un collège comme une pépinière de gens qui deviendraient à l’avenir par doctrine recommandables et que ce serait en notre ville laquelle serait alors le séjour des Muses de toute la Gaule ». Ce Collège des lecteurs royaux, futur Collège de France, permettra l’enseignement des disciplines jusqu’alors négligées par l’Université, tel le grec ou l’hébreu. Audacieux dialogue fictif entre le roi et Guillaume, le De philologia paru en 1530 encense la philologie et les savants. En 1532 paraît son exhortation De studio litterarum recte et commode instituendo : point de maîtrise de la pensée sans maîtrise de la langue, laquelle s’acquiert par la formation littéraire. Moins connu, le testament spirituel de Budé De transitu hellenismi ad christianismum paraît en 1535. Dans son testament temporel, il souhaite des funérailles nocturnes et sans pompe, ce qui a fait dire, sans preuves, qu’il aurait penché pour les idées de la Réforme. Il décède à soixante-treize ans, en 1540. L’Association Guillaume Budé fondée en 1917 et les éditions des Belles Lettres, par la savante publication commentée des textes originaux latins et grecs, perpétuent l’oeuvre de ce maître à penser et en démontrent l’irréductible utilité et l’actualité. Quiconque a en main ces volumes reliés ou brochés – à la couverture vanille frappée d’une chouette pour les textes grecs ou orange timbrée de la louve pour les textes latins –, communément désignés « Budé », rend hommage à ce grand humaniste par la magie de l’antonomase.

Marie-Joséphine Strich, docteur ès lettres.

Pour aller plus loin...

Mais aussi...

  • L'Association Guillaume Budé, placée sous le patronage de l'humaniste, est une association culturelle et une société savante.
  •  L'Officine de Mercure présente les travaux et les manifestations scientifiques de l'Atelier XVIe siècle de l'Université Paris-Sorbonne organisés autour de la Renaissance.

Source: Commemorations Collection 2017

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