Page d'histoire : Germain Boffrand

Le Mariage du prince de Lixheim et d’Anne Marguerite Gabrielle de Beauvau-Craon au château de Lunéville le 19 août 1721, huile sur toile de Claude Jacquart, vers 1725, Lunéville, musée du château des Lumières.

Si l’oeuvre de Germain Boffrand a marqué très durablement son époque – au point que le sévère Jacques François Blondel faisait encore son éloge longtemps après sa mort –, c’est qu’elle est parcourue d’un nombre impressionnant de chefs-d’oeuvre à travers l’Europe presque entière et dans tous les domaines de l’architecture, des ponts et chaussées à l’habitat en passant par l’urbanisme. Il débuta à la direction des Bâtiments du roi sous le patronage de Jules Hardouin-Mansart qu’il quitta en 1699 pour une carrière indépendante au service de particuliers et de princes européens. C’est grâce à un réseau social puissant, patiemment construit, que Boffrand obtint une notoriété au-delà des frontières, dans les Pays-Bas méridionaux, en Allemagne ou en Lorraine. Pour autant, il comptait également dans sa clientèle de riches particuliers appartenant au monde de la finance. Il ne dédaigna pas lui-même la spéculation à l’instar de son maître Hardouin-Mansart avec plus ou moins de bonheur, puisque la faillite de Law en 1720 entraîna pour lui de durables difficultés financières. Parmi les nombreux hôtels parisiens construits par l’architecte, l’hôtel Le Brun, bâti en 1700 pour le fils du premier peintre de Louis XIV (rue du Cardinal-Lemoine), tranche sur la production de l’époque par sa disposition originale inspirée de Palladio, isolé au centre de la parcelle et orné d’un décor à l’antique, toutefois sans pilastres ni colonnes, conformément au principe de convenance édicté par l’Académie royale d’architecture (où Boffrand est reçu en 1709, directement comme architecte de première classe, ce qui marque l’importance de son oeuvre à cette date). Cet hôtel est le premier d’une longue série dont les plus célèbres restent ceux construits pour Amelot de Gournay (1712) autour d’une cour ovale, pour la comtesse d’Argenton plus connu sous le nom de chancellerie d’Orléans (1704-1709, dont le décor est en cours de reconstitution aux Archives nationales – hôtel de Rohan) ou encore pour le comte de Seignelay (ministère de la Fonction publique). Ces hôtels se caractérisent tous par l’originalité de leur distribution et un décor emprunté à l’Antiquité romaine. Les décors intérieurs, également dessinés par Boffrand, contrastent avec l’extérieur par le goût rocaille qui s’y déploie comme on peut le voir à l’hôtel du Petit-Luxembourg (résidence du président du Sénat). Ces caractéristiques assurèrent à l’architecte un très vif succès auprès du duc Léopold de Lorraine, notamment, pour lequel il bâtit plusieurs châteaux à Lunéville ou la Malgrange ainsi que le palais ducal de Nancy. Durant son séjour en Lorraine, il édifia également le château d’Haroué et l’hôtel du prince de Craon. Ces grandes réalisations lui permirent par la suite d’obtenir plusieurs commandes, dont le pavillon de Bouchefort dans l’actuelle Belgique ou le palais de Wurtzbourg pour le prince-évêque Johann Philipp Franz von Schönborn en 1720 où Boffrand travailla avec Balthasar Neumann. Souvent détruites, les oeuvres d’architecture religieuse de Boffrand n’en sont pas moins intéressantes. Pour la façade de l’église de la Merci (1709, en face du palais de Soubise) ou pour l’hôpital des Enfants trouvés (1745-1746), il montre une véritable originalité en utilisant d’un côté un décor inspiré par des boiseries rocaille et de l’autre en employant les éléments les plus marquants de l’architecture de François Mansart. À Bicêtre, il fait oeuvre d’ingénieur ; c’est la seule oeuvre qui subsiste dans ce domaine puisqu’il ne reste aucun des trois ponts qu’il dessina dans l’Yonne. Architecte complet, Boffrand participa également aux grands projets d’embellissement de Paris et proposa des plans pour le concours de 1748 pour une place Louis-XV qu’il envisageait aux Halles. Mais, aux yeux de l’architecte, son oeuvre la plus importante est sans doute le traité publié en 1745, Livre d’architecture. L’édition bilingue français-latin de l’ouvrage retrace la carrière de Boffrand en même temps qu’elle pose les principes essentiels de l’architecture classique.

Christophe Morin

maître de conférences université de Tours – InTru

responsable Erasmus département d’histoire de l’art

 

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Source: Commemorations Collection 2017

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