Page d'histoire : Construction de la Colonnade du Louvre 1667

La Colonnade du Louvre, dessin à la plume et lavis à l’encre de Chine non signé, XIXe siècle, Paris, Bibliothèque nationale de France.

En avril 1667, Jean-Baptiste Colbert réunissait un petit conseil, formé de Louis Le Vau, premier architecte du roi, de Charles Le Brun, premier peintre du roi, et du médecin et amateur d’architecture Claude Perrault, afin qu’ils travaillent « conjointement » au dessin de la façade orientale du Louvre. La future entrée du palais était alors investie de grandes ambitions, architecturales, urbaines et surtout politiques : frontispice du « palais du Soleil » sur la ville, cette nouvelle façade devait témoigner de la grandeur de la France de Louis XIV. En apparence glorieux, l’épisode devait effacer l’échec du chantier depuis son arrêt quatre ans plus tôt, quand Colbert avait voulu consulter largement, tant en France qu’à Rome, séquence bien connue qui devait conduire à la venue de Bernin à Paris en 1665… pour rien. Mise au point entre 1667 et 1668, date du choix définitif de l’élévation, la façade a reçu le nom de Colonnade en raison du somptueux décor de double loggia à colonnes corinthiennes qu’articulent trois avant-corps, suivant un rythme qui, avec le grand fronton central, allait devenir habituel dans l’architecture française. En revanche, l’absence visible de toit, entraînant un fort effet d’horizontalité de l’ensemble, vient rompre avec la tradition française, et le range dans la catégorie des édifices sans toitures affectionnés par le jeune monarque (Enveloppe de Versailles et Observatoire, 1668 ; Marly, 1679 ; Trianon de marbre, 1687). Dès sa construction, la Colonnade devait faire l’objet d’une controverse quant à sa paternité. Querelle de clans, les Le Vau contre les Perrault, qui devait être reprise en vain par les historiens du palais. Au fond, le seul architecte est Louis XIV, dont la Colonnade est le masque dans la pièce royale qu’il entend jouer. Un tel investissement symbolique explique la diffusion par la gravure d’un édifice qui, après le départ du roi à Versailles, devait rester inachevé et surtout invisible faute de dégagement ! Il revient à Louis XV, en 1758, de procéder au dévoilement de l’édifice, dont le critique La Font de Saint-Yenne avait fait en 1749 le « portrait de la Nation ». Confié à Soufflot et Gabriel, le chantier est contemporain de celui de la place de la Concorde, dont les palais doivent beaucoup à la Colonnade, décidément monument royal par excellence. C’est pourquoi il est piquant qu’à l’apogée de la monarchie gaullienne (1964-1967), Malraux ait fait creuser devant la royale colonnade les fossés prévus au XVIIe siècle, mais qui n’avaient jamais existé, geste aussi majestueux qu’inutile.

Alexandre Gady

professeur d’histoire de l’art université Paris-Sorbonne

 

Pour aller plus loin...

Source: Commemorations Collection 2017

Liens