Page d'histoire : Fondation du collège de Navarre

 Acte de fondation du collège de Navarre, 25 mars 1305 (AE/II/308/A)

En épousant Philippe IV en 1284, Jeanne, reine de Navarre et comtesse de Champagne, scelle l’union à la couronne du fief champenois dont elle est la dernière héritière. Petite-fille de Thibault IV (1), elle s’intéresse aux arts libéraux profanes et à la théologie. Soucieuse de favoriser les études à Paris de jeunes Champenois, elle lègue en 1304 son hôtel de la rue Saint-André-des-Arts pour y établir un collège destiné à recevoir des étudiants de sa province. Mais ses exécuteurs testamentaires décident de transférer ce collège sur la montagne Sainte-Geneviève, site mieux adapté aux besoins de l’enseignement que la demeure royale.

Les bâtiments sont construits entre 1309 et 1314. Comme toutes les -fondations de cet ordre, l’institution nouvelle est réservée aux jeunes gens pauvres accueillis comme boursiers. La Sorbonne, réservée aux théologiens, n’échappe pas à cette règle. Le Collège de Navarre admet, quant à lui, des étudiants de toutes les disciplines, à l’exclusion de la médecine et du droit ; d’après les dispositions du testament royal, il peut recevoir 70 boursiers, 20 pour la grammaire, 30 pour la logique et la philosophie et 20 pour la théologie.

Simples pensions d’étudiants, les collèges parisiens ne dispensent à l’origine aucun enseignement. Les étudiants suivent les cours des facultés, dispensés au cloître Notre-Dame pour la théologie et rue du Fouarre pour les arts libéraux. Mais, à partir du XIVe siècle, apparaissent dans ces collèges des cours parallèles à ceux de la faculté des Arts pour enseigner des disciplines nouvelles comme la philosophie nominaliste, la rhétorique et les sciences expérimentales. En raison de ses origines, de l’évolution des connaissances et du nombre de ses boursiers, l’institution navarriste a, dès le départ dans ses murs, des maîtres spécialisés.

La notoriété du Collège de Navarre dans la seconde moitié du XIVe siècle conforte cette hypothèse. L’établissement est dirigé, dès les origines, par un grand maître supervisant les études des pensionnaires. La charge est souvent remplie par des personnalités de premier plan. Parmi elles, Nicole Oresme, premier traducteur d’Aristote, le théologien Pierre d’Ailly et l’humaniste Jean Raulin qui fait construire une importante bibliothèque. Le Collège a aussi des élèves célèbres. Parmi eux : Jean Gerson, Jacques Amyot, le cardinal de Richelieu, Jacques-Bénigne Bossuet (2), Condorcet et André Chénier.

Grâce à la protection royale et à son système pédagogique autonome, le collège de Navarre est le foyer du premier humanisme français dans la seconde moitié du XIVe siècle et au XVe. À la fin de la guerre de Cent ans, il adhère au parti armagnac et son attitude lui suscite une opposition dans l’université majoritairement favorable à la faction bourguignonne.

À la veille de la Révolution, c’est l’un des établissements parisiens les plus avancés pour l’enseignement de la science moderne, telle qu’elle a été conçue par Newton. Dès juillet 1752, Louis XV y a effectivement créé une chaire de physique expérimentale. Supprimé à la Révolution, le Collège de Navarre voit ses locaux affectés à l’École polytechnique par Napoléon en 1805. Polytechnique y profite de l’équipement scientifique acquis au XVIIIe siècle.

 

André Tuilier
directeur honoraire de la bibliothèque de la Sorbonne

 

1. Sur Thibault IV le Chansonnier, voir Célébrations nationales 2003
2. Voir : Bossuet : Célébrations nationales 2004

Source: Commemorations Collection 2004

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