Page d'histoire : Indépendance d'Haïti 1er janvier 1804

Carte politique de Saint-Domingue - 1803
Paris, CHAN, section des cartes et plans et de la photographie
© service photographique du CHAN

Établie dès le XVIIe siècle dans la partie occidentale d’Haïti (l’île aux montagnes), rebaptisée Hispaniola (la petite Espagne) par Christophe Colomb, la colonie française de Saint-Domingue, où l’on produisait du sucre et du café, était devenue, à la veille de la Révolution, le modèle envié de la colonisation européenne. Mais cette prospérité reposait entièrement sur l’esclavage et la déportation massive de centaines de milliers d’Africains.

Quand, en 1791, les colons voulurent secouer le joug de la métropole qui se réservait leurs marchandises grâce au privilège de l’Exclusif, les esclaves en profitèrent pour se soulever et les « sang-mêlés » revendiquèrent la citoyenneté française. Ils l’obtinrent en 1792, l’esclavage étant aboli sur place l’année suivante, à la faveur de la guerre contre l’Angleterre et l’Espagne.

Après s’être emparé du pouvoir, Napoléon Bonaparte, une fois la paix rétablie en Europe, voulut abattre son rival Toussaint Louverture, qui était devenu le chef incontesté de Saint-Domingue et venait d’adopter une constitution accordant l’autonomie à la colonie. Une armée de vingt mille hommes débarqua en février 1802.

Malgré quelques succès militaires et l’enlèvement de Toussaint Louverture, l’expédition française, à laquelle le Premier consul demanda bientôt de rétablir l’esclavage, fut décimée par la fièvre jaune et se heurta à un peuple qui combattait pour sa liberté et son indépendance. Banalisant la torture et les exécutions sommaires, Leclerc, beau-frère de Bonaparte, et son successeur Rochambeau s’enlisèrent dans une guerre d’extermination de la population d’origine africaine qui aboutit à la capitulation française du 19 novembre 1803. Le succès de cette révolte d’esclaves était sans précédent dans l’histoire.

Plus de douze ans après le soulèvement initial, les compagnons de Toussaint Louverture et les « sang-mêlés », proclamaient l’indépendance d’Haïti le 1er janvier 1804. La France, ne retenant que le massacre des Européens qui s’ensuivit, et se consolant dans l’exaltation de nouvelles théories « raciales » à prétention scientifique, garda jusqu’en 1825 l’espoir d’une revanche. Elle y renonça finalement contre 150 millions de francs-or, une indemnité écrasante censée rembourser les anciens colons des esclaves et des terres qu’ils avaient perdus. Haïti, déjà saignée par la guerre, mit plus de cent ans à s’acquitter de ce lourd tribut. La France mit plus longtemps encore à pardonner à ce jeune état antillais de lui avoir infligé sa première défaite coloniale et à reconnaître que l’esclavage était un crime imprescriptible contre l’Humanité. Malgré tant de blessures, Haïti, république africaine au cœur de l’Amérique, n’a jamais renoncé à parler le français.

Claude Ribbe
écrivain

Source: Commemorations Collection 2004

Personnes :

Ribbe, Claude (1954-)

Thèmes :

Indépendance

Lieux :

Haïti

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