Page d'histoire : Jules Mazarin Pescina (Abruzzes), 14 juillet 1602 - château de Vincennes, 9 mars 1661

Portrait peint sur vélin dans Jean Puget de La Serre
Panégyriques des hommes illustres de notre temps, 1655
© Bibliothèque Mazarine / Laurent Jaulme

Né et baptisé à Pescina - une petite ville des Abruzzes alors sous domination espagnole - Giulio Mazzarino passa son enfance et son adolescence à Rome puis, après deux années d'études à l'Université d'Alcalá de Henares, revint en Italie. Tour à tour au service des Colonna, des Saccheti et du cardinal Antoine Barberini, il se fit remarquer par son audace lors du siège de Casal en octobre 1630 et devint le légat du pape Urbain VIII, à Paris, de 1634 à 1636. L'estime que lui manifesta très vite Richelieu - rencontré dès 1630 à Pignerol - puis la confiance que lui accordèrent le roi de France et plus encore Anne d'Autriche permirent à Mazarin, élevé à la dignité de cardinal en 1641, d'accéder aux plus hautes charges de l'État : après la disparition de Louis XIII (14 mai 1643) et celle de son principal ministre, mort quelques mois plus tôt, Mazarin gouverna la France, jusqu'à son dernier souffle, aux côtés de la régente.

À l'intérieur du royaume, Mazarin dut faire face à la Fronde qui fut sans nul doute " la plus profonde dépression politique du siècle ", " un fléchissement simultané de l'État, de l'économie et de la société " (H. Méthivier) ; de 1648 à 1653, sur une toile de fond aux couleurs sombres où la famine, la misère et la maladie projetaient le spectre de la mort, des troubles éclatèrent, dans la capitale et en province, à l'instigation des grands seigneurs toujours prêts à " fronder " et du Parlement, jaloux de son pouvoir et de ses prérogatives. Mais ni les uns ni les autres, malgré l'appui du peuple, ne formèrent de véritables coalitions ; à l'évidence ils supportaient mal un absolutisme qu'exacerbaient les nécessités de la guerre, et stigmatisaient de façon unanime le ministre étranger qui cristallisait tous les mécontentements. Les quelque 5500 mazarinades publiées au cours de cette période témoignent de la haine suscitée par Mazarin qui fit néanmoins son entrée solennelle à Paris le 3 février 1653, une fois la Fronde vaincue.

Le titre du bel ouvrage de Georges Dethan (" Un homme de paix à l'âge baroque ") résume admirablement la politique étrangère du cardinal Mazarin qui poursuivit avec fermeté la lutte contre l'Espagne engagée par son prédécesseur mais qui voulut aussi, de toutes ses forces, mettre un terme aux conflits armés qui dévastaient alors l'Europe.Le brasier de la Guerre de Trente Ans s'éteignit en 1648 avec les traités de Westphalie, heureux aboutissement des négociations auxquelles participèrent avec opiniâtreté les diplomates français sous l'autorité du premier ministre ; la guerre avec l'Espagne connut son dénouement sur les rives de la Bidassoa, le 7 novembre 1659, grâce au traité des Pyrénées dont une clause prévoyait le mariage de Louis XIV et de l'infante Marie-Thérèse, célébré l'année suivante à Saint-Jean-de-Luz. Véritable arbitre de l'Europe, il avait su préparer l'avènement du Roi-soleil et mourut à Vincennes, le 9 mars 1661.

Les études récentes sur Mazarin refusent de privilégier l'homme public au détriment de l'homme privé et nous renvoient un portrait du cardinal moins manichéen que celui auquel nous avait habitué l'historiographie traditionnelle, en exaltant non seulement les mérites du stratège et du négociateur mais aussi les qualités exceptionnelles d'un homme qui avait de l'esprit, du cœur, une grande force d'âme et un goût artistique très sûr.

Trois siècles et demi après sa mort, un lieu de mémoire perpétue le souvenir du cardinal Mazarin : ce sont les bâtiments de l'ancien Collège des Quatre-Nations, édifiés à partir de 1662, conformément au vœu testamentaire du cardinal, sous la direction de l'architecte Le Vau ; ils constituent aujourd'hui le Palais de l'Institut de France - dont la chapelle abrite le tombeau du cardinal - et la Bibliothèque Mazarine, destinée à accueillir les ouvrages rassemblés, sa vie durant, par le plus grand collectionneur de son temps.

Christian Péligry
conservateur général des bibliothèques
directeur de la Bibliothèque Mazarine

Source: Commemorations Collection 2002

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