Page d'histoire : Jean Calvin Noyon (Oise), 10 juillet 1509 - Genève, 27 mai 1564

Portrait de Calvin de "de Bâle" - Huile sur toile, XVIIe siècle
© Musée Jean Calvin de Noyon
 

Malade depuis plusieurs années, Jean Calvin est mort à 54 ans, le 27 mai 1564, à Genève. Le plus célèbre des pasteurs français fut enseveli le lendemain, « à la manière accoutumée » des réformés, selon le récit des Genevois, autrement dit sans cérémonie, au cimetière commun de la ville.

Si Calvin a fait la gloire de Genève, ville moyenne et isolée au bord de la Suisse, muée en capitale protestante internationale, il a quelques titres à faire valoir comme Français. Né à Noyon, en Picardie, en 1509, fuyant, fin 1534, le royaume de France persécuteur, Calvin a vécu et s’est toujours pensé comme un réfugié français. Surtout, il est l’inventeur de la réforme protestante en version française, et au passage l’un des inventeurs de la langue française moderne. Il ne l’est pas devenu d’un seul jet.

Juriste humaniste, formé à Paris, Orléans et Bourges, Calvin a rallié, vers 1533, le réseau clandestin des « évangéliques », ou « luthériens », pourchassés comme hérétiques en France. Réfugié à Bâle, il s’est découvert en 1536, par la publication de l’Institution de la religion chrétienne. L’ouvrage, en latin, offre un condensé de la doctrine « évangélique », solidement étayé de références bibliques, et subsidiairement patristiques. Il énonce avec clarté les grands thèmes de la doctrine « évangélique ». Il s’agit des thèmes dégagés par Luther à partir d’une nouvelle compréhension du salut, « par la foi seule », infléchis dans le sens des réformateurs des villes suisses, plus humanistes, attachés aux textes scripturaires, attentifs à l’éthique et critiques à l’égard des « superstitions » de l’Église romaine. Cet ouvrage que Calvin a remanié et enrichi au fil de multiples éditions, en latin et en français, voulu comme une introduction à la lecture de l’Écriture et à « la vraie piété », est devenu aussi, deux décennies plus tard, un manuel de controverse et une somme pour les étudiants en théologie de l’Académie de Genève.

À l’été 1536, Calvin passant par Genève y est retenu par le prédicateur Guillaume Farel, pour l’aider à y organiser l’Église, alors que la ville venait d’adopter la Réforme, non sans troubles. Dès 1538, en désaccord avec les Conseils de Genève qui entendaient contrôler l’Église sur le modèle des villes suisses réformées, Calvin et Farel, tenants d’une Église confessante, sont bannis de la ville. Appelé par Martin Bucer à Strasbourg, Calvin est devenu pasteur de la communauté des réfugiés français et professeur d’exégèse à la Haute École. Trois ans plus tard, en 1541, il est rappelé à Genève, où il va rester vingt-trois ans, jusqu’à sa mort.

Très vite, il rédige des Ordonnances organisant le « gouvernement spirituel » de l’Église de Genève en quatre ministères : pasteurs, docteurs, « anciens » (chargés de la « discipline ecclésiastique », exercée collectivement avec les pasteurs dans le cadre du Consistoire), diacres (chargés du soin des pauvres et de la gestion des deniers) ; de même un catéchisme pour les enfants, par questions et réponses, ainsi qu’une liturgie avec le chant des psaumes mis en vers par Clément Marot. Grâce au dynamisme de la plume de Calvin, Genève devient le premier centre de propagande imprimée réformée à destination de la France.Cependant, des années durant, Calvin, l’étranger, doit batailler ferme à Genève, pour faire accepter la discipline, autrement dit un ordre moral contrôlé par l’Église, au mépris de la hiérarchie sociale genevoise. Dans ce contexte tendu, en 1553, il n’a de cesse de faire condamner comme hérétique, jusqu’au bûcher, Michel Servet, l’antitrinitaire venu le défier à Genève. À partir de 1555, la modification du corps électoral imposée par le poids croissant des réfugiés français, et l’échec d’un coup d’État des adversaires de Calvin, font que le réformateur peut désormais compter sur l’appui des Conseils de la ville.

En effet, depuis la fin des années 1540, Genève est la principale ville de refuge pour les réformés français et italiens. Avec la création de l’Académie, en 1559, elle devient aussi le grand pôle d’enseignement de la théologie réformée, attirant des étudiants, futurs cadres d’Églises réformées de tous pays. De retour dans leur patrie, réfugiés et étudiants forment un réseau de correspondants de Calvin, et de relais des idées calviniennes. De 1555 à 1561, en dépit des dangers, ils sont plus de 220 à répondre à l’appel des communautés clandestines en plein essor, pour y « dresser » les nouvelles « Églises réformées » à la manière de Genève. La Confession de foi et la Discipline adoptées au premier synode des Églises réformées du royaume, à Paris, en 1559, sont directement inspirées de Calvin, avec des adaptations au contexte français d’Églises dispersées et interdites, sans soutien des autorités politiques.

La France n’a pas été la seule terre de mission pour Calvin. L’Angleterre aussi, pendant le bref règne d’Édouard VI (1547-1553). Si Calvin rêvait que des rois adoptent son modèle de Réforme, ce fut un échec. Cependant, la relative autonomie de l’Église, que Calvin a conquise de haute lutte à Genève, a donné au modèle sa capacité d’adaptation hors du contexte d’une cité-État officiellement réformée. Construit par un réfugié, le modèle était fait pour l’essaimage sauvage : ce sont des Églises de réfugiés, comme celles de Francfort ou de Londres, qui l’ont repris, et des minorités dissidentes, ainsi en France, aux Pays-Bas, en Écosse, ou en Angleterre avec les puritains. Les puritains, eux, l’ont exporté avec succès, ouvrant l’Amérique à Calvin.

Marianne Carbonnier-Burckard
institut protestant de théologie
faculté de Paris

Voir Célébrations nationales 2009

Source: Commemorations Collection 2014

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