Page d'histoire : Le Dictionnaire raisonné de l'architecture française, d'Eugène Viollet-le-Duc 1854

Page de titre de la 1re édition - 1854
Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, D.A.P.A., M.C.C.
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La parution en 1854 du premier volume du Dictionnaire raisonné de l’Architecture française, comptant 507 pages de texte et 564 illustrations, constitua un événement considérable dans le monde de l’édition. Au total, les neuf volumes achevés en 1868 comportèrent 5 000 pages et 3 367 gravures sur bois. Le projet de Viollet-le-Duc était de mettre à la disposition du public les connaissances historiques et pratiques disponibles sur l’architecture médiévale : en dégageant les principes qui l’avaient inspirée, cette publication favoriserait l’émergence d’une architecture « moderne ». Afin de toucher un large lectorat, il choisit un format maniable et opta pour l’organisation d’un dictionnaire plutôt que pour celle d’une encyclopédie. Vues perspectives et coupes étaient préférées au dessin géométral. Les articles sont de taille inégale : l’entrée Architecture comporte 336 pages. Les exposés historiques sont fondés sur des travaux récents, histoire des ordres religieux, « laïcité » du XIIIe siècle, libertés communales. Ses connaissances en matière d’architecture se fondent sur son expérience des chantiers, infléchie souvent par sa foi dans une logique constructive médiévale : les monuments procèdent d’un projet, les formes traduisent les structures, aucun élément n’est inutile. L’invention de la croisée d’ogive, clef de l’évolution de la construction médiévale, est explicitée non seulement à l’article voûte, mais aux mots arc, arc-boutant, appareil, pile, etc.

Le Dictionnaire raisonné eut un énorme succès : du vivant même de son auteur, il connut deux rééditions et une réimpression deux ans après sa mort ; il sert toujours de référence. C’est un monument du siècle de l’histoire, de la technique et du « progrès ». Les aspects théoriques de l’œuvre sont contestés par Pol Abraham en 1934 et cinquante ans plus tard par Philippe Boudon et Hubert Damisch. Une analyse critique de l’illustration, sources, choix, interprétation et fiabilité, dont Françoise Boudon a proposé la méthode, réserverait encore de fécondes découvertes.

 

Françoise Bercé
Inspecteur général honoraire du patrimoine

Source: Commemorations Collection 2004

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