Page d'histoire : Joseph-Marie Vien Montpellier, 18 juin 1716 - Paris, 27 mars 1809

Peu d’artistes comme Joseph-Marie Vien (1716-1809) obtinrent une réputation si élevée. De son vivant même, on parlait de lui comme du restaurateur de l’école française. On lui composa des hymnes. Sous Napoléon, il fut nommé comte d’Empire et Jacques-Louis David, le plus important de ses élèves, tint à le représenter dans une loge dans son célèbre tableau du Sacre pour le couronnement de l’Empereur.

Vien ne fait pas partie des très grands peintres retenus comme auteurs d’œuvres primordiales pour l’histoire de l’art. Son importance a été plutôt d’avoir suscité de nouvelles voies pour le mouvement artistique. Par son œuvre et surtout grâce à son grand talent pédagogique, il entraîna l’évolution de la peinture française de l’époque rococo vers le néo-classiscisme. En raison de son intégrité personnelle, il obtint tous les postes académiques : « membre de l’Académie royale de peinture et de sculpture, directeur de l’Académie de France à Rome » ainsi que « directeur de l’Académie royale de peinture et de sculpture » et « Premier peintre du Roi ». Grâce à sa réputation et soutenu par David, il surmonta les troubles de la Révolution. Vien fut nommé chevalier de la Légion d’honneur le 2 octobre 1803, puis commandeur le 14 juillet 1804.

Né à Montpellier, Vien fit cependant son apprentissage à Paris chez Charles-Joseph Natoire et obtint le Prix de Rome en 1744. Son séjour à Rome fut décisif pour ses orientations esthétiques. Dans l’étude de la sculpture antique, des peintres de la Renaissance italienne et de l’école de peinture de Bologne, il chercha le retour à la « grande manière ». Le cycle sur la vie de sainte Marthe à Tarascon est un exemple éminent de cette conception qui supplanta la peinture rococo dominée par François Boucher. Au salon de 1753, son tableau de l’Ermite endormi (musée du Louvre) fit grande sensation à cause de l’exactitude de l’étude d’après nature. Vien n’atteint pourtant le sommet de sa carrière que quelques années plus tard avec des sujets antiquisants pour lesquels il reçut vraisemblablement quelques directives du comte de Caylus. La Marchande d’amour (château de Fontainebleau) symbolisa pour beaucoup de critiques du salon de 1763, parmi lesquels Diderot, la redécouverte de la peinture antique. Le retour à un art qui se distinguait par « la simplicité, la grâce » et « des couleurs pures » et l’étude des modèles antiques apparut aux contemporains comme un tournant dans le mouvement pictural. En 1772, Madame du Barry suivit l’engouement général pour le style classique en renvoyant à Fragonard les peintures pour son pavillon de Louveciennes, qu’il avait déjà livrées sur commande, pour les remplacer par des tableaux modernes de Vien. Le directeur des bâtiments du Roi, d’Angiviller, commanda à Vien une série de scènes de grand format d’après Homère qui furent exposées au salon. Dans ses dernières années, il revint au « genre anacréontique » qu’il avait développé et produisit des dessins en abondantes séries.

À la mort de Vien presque à l’âge avancé de 93 ans, nombre de ses élèves comme Jean-François Peyron, Joseph-Benoît Suvée, Jean-Baptiste Regnault, François-Guillaume Ménageot, François-André Vincent et surtout Jacques-Louis David avaient repris son enseignement et conduit le néo-classicisme à un nouveau sommet de l’histoire de la peinture française.

Thomas W. Gaehtgens
directeur du Getty Research Institute

1. Traduction française par Pierre-Dominique Cheynet, conservateur en chef du patrimoine.

Source: Commemorations Collection 2009

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