Page d'histoire : La voûte peinte de la cathédrale d'Albi 1509-1512

Les voûtes de la cathédrale d’Albi conservent (le sait-on assez ?) le plus grand programme pictural de la Renaissance, réalisé en France par une équipe de peintres italiens. Ce grand décor, exécuté entre 1509 et 1512, est dû à l’initiative de Louis II d’Amboise, évêque d’Albi de 1503 à 1510 (à la suite de son oncle, Louis Ier). Le prélat appartient à la puissante famille des Amboise qui monopolise grandes charges ecclésiastiques et hautes fonctions auprès de Louis XII, avec en particulier le tout puissant cardinal Georges d’Amboise, ministre et mentor du roi. L’évêque d’Albi, qui a participé à la campagne de Louis XII en Italie durant l’été 1502, est créé cardinal en 1506. Il passe beaucoup de son temps en Italie. Aussi, avec son frère Charles qui gouverne le Milanais, il va jouer un rôle de premier plan dans l’introduction des nouveautés de l’art italien en France.

Poursuivant la politique artistique de son oncle, qui a fait sculpter le fameux chœur canonial flamboyant et peindre le Jugement dernier sur le mur occidental, Louis II achève la décoration de sa cathédrale en couvrant les voûtes d’un somptueux décor qui transforme l’édifice gothique en un grandiose sanctuaire « à l’antique », première illustration picturale de la Renaissance en France.

Les voûtes, les parois des tribunes et les chapelles de la cathédrale associent habilement un programme iconographique de grande portée à une mise en scène grandiose. Sur les voûtes à croisées d’ogives, soulignées par des frises, des candélabres et des grotesques à la manière antique, se déploie un ensemble de scènes sur fond azur et rinceaux d’argent. Cinq des grands voûtains triangulaires ont reçu les principaux thèmes de la Révélation, de l’Annonciation à la Parousie en passant par la Transfiguration, l’Apparition au cénacle et le Couronnement de la Vierge, pour rappeler les temps forts de l’alliance de Dieu avec l’humanité. S’y ajoute la présence des prophètes et des rois de l’ancienne Loi qu’entourent les apôtres et les martyrs, les docteurs de l’Église et les saints protecteurs.

Exécutée en quatre années seulement, la grande voûte d’Albi ne témoigne pas seulement d’un programme apologétique d’une rigueur doctrinale et d’une volonté pastorale militantes, elle illustre la capacité des grands ateliers padans (ou émiliens) à mener à bien la vaste entreprise que Louis d’Amboise leur a confiée. Grâce au recours à la fresque, l’ensemble est parvenu à nous quasi intact. Le système décoratif et le caractère serein des compositions répondent au style doux qui a triomphé autour de 1500 de la Lombardie à l’Émilie. Les peintres d’Albi sont restés anonymes (sauf pour l’un d’entre eux, Giovanni Francesco Donnela, originaire de Carpi – minuscule principauté qui, grâce à Alberto Pio rallié au camp français, connaît un bref âge d’or). Il s’agit d’artistes secondaires, sans doute, mais d’un métier parfait, qui savent diffuser les trouvailles de noms plus illustres (Foppa, Francia…). Ils sont capables de mener à bien un chantier immense (plus de 15 000 m2) avec autant de rigueur que de bonheur. Ce sont de telles œuvres qui ont assuré le succès du nouveau style et l’ont imposé à l’opinion.

 

Bruno Tollon
professeur émérite de l’université de Toulouse-Le Mirail
 

Source: Commemorations Collection 2009

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