Page d'histoire : Charles Marie Georges, dit Joris-Karl Huysmans Paris, 5 février 1848 - Paris, 12 mai 1907

Portrait de l’écrivain par Jean-Louis Forain
pastel, XIXe siècle
Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon
© RMN/Daniel Arnaudet/Jean Schormans/Adagp, Paris, 2006

Lorsque Joris-Karl Huysmans meurt à Paris, le 12 mai 1907, nul ne sait ce qu’il en sera du succès de son oeuvre auprès des générations à venir, un succès qui n’a cessé de se confirmer, de Valéry à Breton ou à Blanchot, jusqu’à nos jours, où l’intérêt pour cet écrivain singulier ne cesse de croître.

Huysmans, qui s’est toujours réclamé d’un amalgame originel, celui de ses racines hollandaises et de son parisianisme invétéré, a mené dans les lettres une étrange carrière, transposant ses choix existentiels dans ses romans, et ses humeurs dans son style. Il s’est d’abord essayé au poème en prose (Le Drageoir aux épices, 1874), avant de se rapprocher de Zola et du groupe de Médan (Marthe, 1876 ; Les Soeurs Vatard, 1879 ; Sac au dos, 1880 ; En ménage, 1881). Il prend alors fait et cause pour les peintres « indépendants », - « impressionnistes » dirions-nous (L’Art moderne, 1883). Mais en littérature, il se détache bientôt de l’école du réel : les individualités le requièrent, celle d’un petit employé à la dérive, Folantin (À vau-l’eau, 1882), puis celle d’un dandy, des Esseintes, aristocrate recyclé dans le spleen, modèle aussitôt consacré de l’esthète décadent (À rebours, 1884). Après s’être frotté au roman symboliste (En rade, 1887) et satanique (Là-bas, 1891), il se convertit, offensivement, à la religion - et au roman - catholique.

Huysmans n’est pas un isolé dans cette contre-révolution spirituelle de la fin du XIXe siècle, où se croisent Verlaine, Bloy, Claudel. Mais il y conduit son jeu personnel. Sa foi à lui se tourne vers l’art, vers les Primitifs, vers la liturgie, vers la règle monastique. Dans Là-bas, il a lancé son héros hétéronyme : Durtal. Voici donc Durtal sur le chemin de la conversion (En route, 1895), contemplateur des pierres de l’Église (La Cathédrale, 1898) et partageant la vie des moines (L’Oblat, 1903). Imprégné de tradition érudite et mystique, l’écrivain raconte la vie d’une martyre hollandaise du XVe siècle (Sainte Lydwine de Schiedam, 1901) et commente, magnifiquement, le retable de Grünewald et la Vierge à l’enfant du Maître de Flémalle (Trois Primitifs, 1905).

L’auteur des Foules de Lourdes (1906) vit sa conversion comme une tension, comme un dialogue avec Dieu traversé de conflits avec les hommes. Sa foi se réfère à une époque révolue, le Moyen Âge, en même temps qu’elle est celle d’un intellectuel réfractaire. Il exprime tardivement sa position devant l’Église dans un article resté inédit de son vivant, où il dénonce aussi bien le ralliement de Rome à la République que l’obsession puritaine du péché de la chair (Rêveries d’un croyant grincheux [1905], publié dans le Bulletin de la Société J.-K. Huysmans, no 89, 1996).

André Guyaux
professeur à l’université de Paris-Sorbonne
vice-président de la Société J.-K. Huysmans

Source: Commemorations Collection 2007

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