Page d'histoire : Ligier Richier Saint-Mihiel (Meuse), vers 1500 - Genève, 1567

Ligier Richier, La Mise au tombeau de Saint-Mihiel, XVIe siècle

Fils d'un "ymagier", Ligier Richier, peut-être formé dans un atelier local, a commencé sa carrière et fondé un foyer à Saint-Mihiel. En 1535, il y achète une maison au 11 de la rue Haute-des-Fosses, qu'il décore d'un plafond à caissons en terre cuite, toujours en place, et d'une cheminée au linteau à rare décor de draperie (aujourd'hui remontée dans la mairie d'Han-sur-Meuse). Il devient très vite sculpteur attaché à la Cour de Lorraine. En 1543, il est élu syndic de la ville. Converti au protestantisme, il quitte la Lorraine en 1563, après avoir signé une pétition pour le libre exercice de la religion réformée, et s'exile en 1564 à Genève, où il meurt en 1567.

En l'absence de dates, de signatures et de contrats, ce sont les comparaisons stylistiques qui ont permis de regrouper sous son nom une dizaine de sculptures d'inspiration essentiellement religieuse, réalisées dans les années 1530-1560.

Son œuvre est surtout axée sur les scènes de la passion et de la mort du Christ : calvaires aux larrons de l'église de Briey et de l'église Saint-Étienne de Bar-le-Duc, groupe de la pâmoison de la Vierge de l'église Saint-Michel de Saint-Mihiel, Christ en croix de l'église Notre-Dame de Bar-le-Duc, vestiges de calvaires, Piétà d'étain, enfin la célèbre mise au tombeau de l'église Saint-Étienne de Saint-Mihiel.

Son talent s'est aussi exprimé dans la statuaire funéraire, pour laquelle il a produit deux chefs-d'œuvre : la statue appelée à tort le transi ou le squelette surmontant le tombeau du cœur et des entrailles de René de Chalon, prince d'Orange, mort en 1544 à la bataille de Saint-Dizier (église Saint-Étienne de Bar-le-Duc), et le gisant de Philippa de Gueldre, veuve du duc René II de Lorraine, retirée chez les clarisses de Pont-à-Mousson, où elle décéda en 1547. Réalisé pour l'église du couvent, le monument est conservé, depuis 1823, au Musée lorrain à Nancy. C'est sans doute pour cette œuvre, représentant la souveraine en costume de clarisse, que Ligier Richier mit au point son procédé d'encausticage permettant de donner à la pierre blanche de Saint-Mihiel l'aspect et la brillance du marbre qui lui faisait défaut.

L'œuvre de Richier, encore marquée par le gothique finissant (modelé du corps humain et traitement des visages creusés et douloureux), est déjà teintée des prémices de la Renaissance (décor ornemental). Le sculpteur a su allier le sens aigu du drame à une grande diversité du traitement des attitudes (Vierge du calvaire de Briey qui ploie de tristesse et larrons tordus de douleur, saint Jean du même calvaire qui lève son beau visage vers le Christ, tendresse de saint Jean encore qui soutient la Vierge défaillante dans le groupe de la pâmoison de Saint-Mihiel) ; il a aussi été servi par une grande maîtrise dans le traitement des matériaux, qu'il s'agisse du bois, de la pierre ou de la terre cuite.

Marie-France Jacops conservateur en chef du patrimoine
DRAC Lorraine (service régional de l'Inventaire)

Source: Commemorations Collection 2000

Liens