Page d'histoire : Benvenuto Cellini Florence, 11 mars 1500 - Florence, 14 février 1571

La Nymphe de Fontainebleau Bronze,
haut-relief Paris, musée du Louvre
© Photo RMN - C. Jean

Junon. Dessin Paris, musée du Louvre
© Photo RMN

On a beaucoup écrit sur Cellini, artiste universel aux multiples talents, dessinateur, orfèvre, médailleur, fondeur, sculpteur virtuose, écrivain également, puisqu'il rédigea lui-même un récit de sa vie et des Traités sur l'orfèvrerie, l'art et la sculpture. Orgueilleux et jouisseur, violent jusqu'au crime, haineux envers ses rivaux, parfois menteur, volontiers vantard, l'homme fait preuve d'une irrésistible vitalité, voyageant de Florence à Sienne, Bologne, Ferrare, Mantoue, Venise et Rome, connaissant tour à tour les faveurs de puissants protecteurs dont il se veut le familier, et l'opprobre et les prisons pontificales du Château Saint-Ange, à Rome. Au demeurant, ses œuvres ont marqué leur époque parce qu'il excellait à l'invention, l'imagination et l'expérimentation. Son saisissant Persée en bronze de la loggia dei Lanzi à Florence, exécuté pour Cosme Ier de Médicis, reste le meilleur témoignage de ce talent si particulier. S'il est bon de célébrer sa mémoire en France, c'est que le Florentin fait deux séjours marquants à la cour de France, le premier en 1537, où il rencontre François Ier mais doit s'effacer face à l'hostilité de Rosso, alors tout-puissant à Fontainebleau ; le second en 1540, quand l'amitié d'Hippolyte d'Este, cardinal de Ferrare, lui vaut d'échapper aux condamnations pontificales et de gagner la France, porteur d'un bassin et d'une aiguière de sa confection qui séduisent immédiatement le roi.

François Ier lui demande d'exécuter pour lui douze statues monumentales de dieux et de déesses, candélabres destinés à éclairer sa table à Fontainebleau. Il dote l'artiste d'une confortable pension et, pour plus de commodité, l'installe avec ses deux compagnons, Ascanio De Mari et Paolo Romano, dans l'hôtel du Petit-Nesle, sur les rives de la Seine, face au Louvre. C'est là que Cellini réalise la fonte d'un Jupiter d'argent portant la foudre dans sa main droite, impressionnant candélabre "aussi grand que le roi" que les fontes d'argenterie ont fait disparaître vingt ans plus tard, à l'époque des guerres de religion. C'est là qu'il cisèle également ce qui reste son chef-d'œuvre d'orfèvre, une précieuse salière en or émaillé sur socle d'ébène où se font face deux statuettes de Neptune et d'Amphitrite, symboles de la Mer et de la Terre, au-dessus d'un peuple grouillant de monstres et de créatures marines et terrestres parmi lesquelles on reconnaît l'Éléphant fleurdelysé, image puissante et flatteuse inspirée par le profil de François Ier. Offerte en 1570 à Ferdinand d'Autriche, la salière a échappé aux fontes françaises et se trouve maintenant conservée au Kunsthistorisches Museum de Vienne.

En France, Cellini se fait aussi sculpteur en concevant en 1542 pour Fontainebleau une porte de bronze de plus de six mètres. Au tympan, un bas-relief semi-circulaire sculpté d'une nymphe allongée au milieu des animaux de la forêt ; dans les écoinçons, deux Victoires, le tout reposant, de part et d'autre de la porte, sur deux satyres. Mais la disgrâce de Cellini, dans les premiers mois de 1545, est fatale à ce projet grandiose. Le roi s'est lassé de l'artiste, qui s'est rendu odieux par mille intrigues et de continuelles récriminations ; Cellini quitte Paris sans avoir achevé la porte de bronze de son "admirable seigneur".

Abandonnée dans l'atelier de Nesle, la "Nymphe de Fontainebleau" sera intégrée, dix ans plus tard, au portail d'entrée du château de Diane de Poitiers, à Anet.

Michèle Bimbenet-Privat
conservateur en chef du patrimoine aux Archives nationales

Source: Commemorations Collection 2000

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