Page d'histoire : Bataille de la Somme 1er juillet - 18 novembre 1916

Soldat et aumônier dans une tranchée à Belloy-en-Santerre,
photographie non attribuée, octobre 1916.
© Archives départementales de la Somme / Droits réservés

La bataille de la Somme est l’une des plus grandes batailles du XXe siècle et, à coup sûr, la plus importante de la Grande Guerre. Elle est pourtant peu connue des Français : le long affrontement de Verdun, exclusivement franco-allemand, a éclipsé la Somme, bataille plus brève et dominée par les troupes britanniques et celles des dominions. Pourtant, sur la Somme, les pertes ont été immenses et la bataille, totalement internationalisée, a eu des conséquences décisives.

L’offensive sur la Somme fut décidée à la conférence interalliée de Chantilly en décembre 1915. Il s’agissait, en liaison avec une offensive russe à l’est, de percer les défenses allemandes en Picardie, de se saisir de noeuds ferroviaires déterminants dans la zone d’arrière-front allemande, et d’infliger ainsi un dommage stratégique irréparable à l’adversaire. Initialement, l’offensive devait être à parité franco-britannique : mais l’assaut allemand sur Verdun obligea Joffre à réduire la participation des troupes françaises, qui n’attaqueront pour l’essentiel qu’au sud de la Somme. Le front d’attaque s’en trouva limité à quarante kilomètres, le poids de la bataille reposant surtout sur les épaules des Britanniques.

La Somme constitue le banc d’essai de l’armée Kitchener, celle des volontaires levés à partir d’août 1914 au Royaume-Uni et dans l’Empire, engagés pour la première fois par le général Haig dans une opération de grande ampleur. Précisément, la crainte de l’inexpérience des soldats britanniques au sein du haut commandement, associée à sa volonté d’éviter tout désordre au sein des unités afin d’être en mesure de poursuivre l’ennemi une fois la première ligne conquise, conduisit à donner l’ordre aux troupes d’assaut d’avancer sans courir, sitôt lancé l’ordre de sortir des parallèles d’attaque. Cette grave erreur du commandement, à laquelle s’ajoutent une sous-estimation de la qualité des abris allemands creusés en profondeur et une surestimation de l’efficacité destructrice de l’explosion des mines et du martèlement d’artillerie préalable, provoque l’échec de l’assaut du 1er juillet. Le bombardement, étalé sur une semaine entière à la fin du mois de juin, a certes mis les troupes allemandes au bord de la rupture, mais la lenteur de l’assaut de l’infanterie, soumise au tir de mitrailleuses non détruites dont les servants ont eu le temps de reprendre leurs postes de combat, et exposée de surcroît à une artillerie allemande non neutralisée par les tirs de contre-batterie, aboutit à une catastrophe.

Si les troupes françaises ont réussi à progresser en profondeur au sud de la Somme, les troupes britanniques pénètrent très peu dans le dispositif allemand au nord du fleuve, tandis qu’à leur aile gauche elles sont arrêtées sur le no man’s land sans avoir pu atteindre la première ligne adverse. En outre, le commandement britannique, inconscient de l’échec des vagues d’assaut lancées depuis le petit jour, n’a retenu les vagues suivantes qu’à partir de la fin de la matinée. La chaîne de soins est totalement engorgée. Le Big Push du 1er juillet 1916 se traduit ainsi par la perte de 60 000 hommes, dont près de 20 000 tués. C’est le plus important désastre militaire de toute l’histoire de l’armée britannique. Il a laissé une trace ineffaçable dans la mémoire collective au Royaume-Uni.

La bataille ne s’arrêta pas à cette première journée. Selon une logique constamment à l’oeuvre lors des grands affrontements de la Première Guerre mondiale, le commandement a persisté jusqu’au mois de novembre dans sa volonté offensive : de nouveaux assauts sont menés qui, au cours de l’été, puis au début de l’automne (« seconde bataille de la Somme »), finissent par emporter les positions défensives allemandes, comme la butte de Thiepval. Mais le front adverse est d’autant moins percé que les Allemands n’ont cessé d’ériger de nouvelles lignes de défense au fur et à mesure de la progression alliée. Celle-ci reste d’ailleurs limitée : nulle part elle n’a dépassé huit kilomètres de profondeur. Même la petite ville de l’arrière-front allemand, Péronne, n’a pu être enlevée. Au total, les pertes d’ensemble s’élèvent à 1 200 000 hommes, dont un tiers de tués environ. La Somme fut donc plus meurtrière que Verdun.

Pour autant, cette bataille manquée, caractéristique des insuffisances du haut commandement dans la « guerre de positions », eut des conséquences stratégiques majeures. La poussée sur la Somme força les Allemands, dès la fin juin, à renoncer à poursuivre leur attaque sur Verdun ; en outre, le nouveau haut commandement allemand (Hindenburg et Ludendorff), très impressionné par les progrès de l’artillerie alliée malgré l’échec final de l’offensive, mit tout son poids dans la balance pour obtenir du pouvoir civil le déclenchement de la guerre sous-marine à outrance (février 1917), destinée à étouffer économiquement le camp allié. L’entrée en guerre des États-Unis en fut la conséquence directe avec, à moyen terme, une défaite allemande devenue dès lors inévitable.

Stéphane Audoin-Rouzeau, EHESS-PSL

Voir aussi : Batailles de la Somme : quelles mémoires, 100 ans après ?

Pour aller plus loin :

Robin Prior (faculté d'histoire et de science politique de l'université d'Adélaïde (Australie)), "La bataille de la Somme", in La Première Guerre mondiale tome 1. Combats, Paris, Fayard, 2013, sous la direction de Jay Winter, p. 116-125 (extrait republié par la mission du Centenaire le 1er juillet 2014 sur son site web).

Source: Commemorations Collection 2016

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