Page d'histoire : Pierre Messmer Vincennes (Val-de-Marne), 20 mars 1916 - Paris, 29 août 2007

Remise des insignes de grand officier de la Légion d’honneur
à Pierre Messmer par Valéry Giscard d’Estaing, le 23 octobre 1974.
© Archives nationales / Service photographique de la présidence de la République

À gauche, Pierre Messmer, à droite, Valéry Giscard d’Estaing.

Petit-fils d’un paysan devenu cocher des omnibus hippomobiles de Paris après avoir opté pour la France en 1870, Pierre Messmer est remarqua ble entre tous par sa fi délité au général Charles de Gaulle et son ardeur au service de la France.

La fidélité au Général de Gaulle

Dès le 17 juin 1940, Messmer entre en Résistance. Il quitte Marseille en détournant un navire et rejoint de Gaulle à Londres. Le 26 mai 1941, à l’issue de la campagne d’Érythrée, où il s’illustre avec la 13e DBLE (demi-brigade de Légion étrangère), de Gaulle le décore de la croix de la Libération.

Quand de Gaulle a besoin en février 1960 d’un ministre des Armées d’une loyauté et d’un courage à toute épreuve, il appelle Messmer qui l’aidera à sortir du bourbier algérien sans que l’autorité de l’État ne vacille sous les coups de boutoir d’une partie de l’armée tiraillée entre obéissance à la République et respect des serments prêtés au creux des bivouacs. Ce sera la dissolution des premiers régiments étrangers de parachutistes, du 14e et du 18e RCP (régiments de chasseurs parachutistes), mais aussi la tragédie des supplétifs.

C’est sur ce roc à l’écart des intrigues du parti gaulliste que s’appuie à son tour Georges Pompidou dans la seconde phase de son mandat en le nommant Premier ministre. Par un émouvant cheminement de l’histoire, Messmer décède en août 2007 alors qu’il est chancelier de l’ordre de la Libération.

Le service de la France

Ancien de l’ENFOM (1), Messmer acquiert pendant la guerre la conviction que l’empire colonial est fini. Directeur de cabinet du haut-commissaire de la République en Indochine, il dit tout haut que l’Indochine sera pour la IVe République ce que le Mexique a été pour le Second Empire. Administrateur du Cercle de l’Adrar (2), gouverneur de la Mauritanie puis de la Côte-d’Ivoire, haut-commissaire de la République du Cameroun, haut-commissaire en Afrique-Équatoriale française et enfin haut-commissaire en Afrique-Occidentale française, Messmer y accompagne partout le développement économique, le progrès de l’enseignement et l’apprentissage du français, la France ne pouvant rester un grand pays que si sa langue est parlée hors de ses frontières.

Comme ministre des Armées de de Gaulle de 1960 à 1969, il met en oeuvre la force de frappe voulue par le président de la République, accompagne la réorganisation de l’armée après le retrait de la France du commandement intégré de l’OTAN, lance le Redoutable, premier sous-marin nucléaire lanceur d’engins. Les deux lois de programmation militaire qu’il fait voter, comme la troisième qu’il aura préparée, sont l’occasion d’une modernisation rapide de l’armée et d’une reconversion de l’industrie de l’armement.

Comme Premier ministre, entre 1972 et 1974, d’un Pompidou affaibli, il prend la décision de lancer la construction de seize centrales nucléaires pour assurer l’indépendance énergétique du pays, après le choc pétrolier de 1973. Il poursuit la politique de modernisation des exploitations rurales pour faire de la France une puissance agricole. Il soutient la recherche scientifique et la création d’industries de pointe. Il inaugure le boulevard périphérique de Paris, l’aéroport de Roissy – Charles-de-Gaulle, lance le programme du TGV Paris-Lyon, décide de la production des premiers Airbus, du Concorde, signe l’accord de création de l’Agence spatiale européenne, du lanceur Ariane. On lui doit encore l’institution du médiateur, le renforcement de la sécurité routière, la loi Royer de protection du commerce rural et de centre-ville.

Il faut aussi évoquer l’engagement de Messmer au service de la Lorraine, de sa ville de Sarrebourg. Comme en Afrique, il y pratique « son devoir chrétien et républicain de fraternité » en essayant, tout simplement, sans tambour ni trompette, d’améliorer la vie de ceux qu’il administre. Académicien, c’est avec un même sens de la confraternité et un désintéressement exemplaire qu’il contribue au rayonnement des Académies et de l’Institut de France. Pierre Messmer a résumé sa vie en écrivant dans ses mémoires, Après tant de batailles… : « La dignité d’un homme ne tient pas aux grades qu’il a atteints, aux distinctions qu’il a reçues, aux fonctions qu’il a remplies, à son intelligence ou à sa richesse, mais à l’usage qu’il a fait de sa liberté. »

Éric Peuchot
maître de conférences des facultés de droit
Centre Maurice Hauriou – université Paris-Descartes
membre-fondateur du Fonds de dotation Pierre Messmer

1. Ecole nationale de France d'outre-mer

2. Au sud-ouest de l'Algérie

Source: Commemorations Collection 2016

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