Page d'histoire : Paul Robert Orléansville (auj. Chlef en Algérie), 19 octobre 1910 - Mougins (Alpes-Maritimes), 11 août 1980

C’est le 19 octobre 1910, à Orléansville, dans une Algérie alors composée de trois départements français, que Paul Charles Jules Robert est né. Il était le fils d’un personnage influent, Joseph Robert, possesseur d’une vaste exploitation agrumicole et membre de cette « délégation financière » qui jouait à Alger le rôle d’assemblée défendant les intérêts des Français d’Algérie.

Brillant étudiant en droit, promis à un avenir politique et économique de grand notable, Paul Robert fut porté par ses condisciples au rôle de président d’« Alger étudiant ». Soucieux de son avenir de chef d’entreprise, son père l’emmena visiter la Mecque des producteurs d’agrumes, la Californie. Mais le destin veillait et le jeune homme revint en Algérie, puis se maria et s’établit à Paris, en 1933.

Il compose alors une thèse sur les Agrumes dans le monde, suivant en apparence la voie paternelle, mais ce travail est aussi pour lui la révélation des difficultés de la traduction et de la terminologie. Si l’on ajoute qu’en 1939, il est mobilisé dans le service du chiffre, on observe que les mystères du langage ont envahi l’espace qu’on croyait réservé aux projets d’avenir tracés par sa famille.

En effet, Paul Robert, qui échappe au régime de Vichy en regagnant Alger, en 1941, va rapidement, malgré les circonstances, se lancer dans l’aventure du dictionnaire. Une parenthèse parisienne, de 1945 à 1951, lui permet de fixer ses idées. L’académicien Georges Duhamel le pousse à se mettre sous le patronage de Littré ; il fonde donc en 1951 une petite société d’édition, qui va vivre, grâce à sa part d’héritage, à un actionnariat d’amis et surtout à des souscriptions, de manière à financer le « Dictionnaire alphabétique et analogique » – précieuse innovation – « de la langue française ».

Rédigé à Alger, au Maroc, puis en France, l’ouvrage est peu à peu confié à des collaborateurs passionnés, notamment A. Rey, Josette Rey-Debove et H. Cottez qui, Paul Robert étant de plus en plus requis par la gestion délicate de son entreprise, vont donner à l’ouvrage son aspect définitif. Les six volumes paraissent en 1964, et de nombreux autres dictionnaires suivirent, dont le Petit Robert, qui rendit prospère l’entreprise, dont Paul Robert se fit le porte-parole, au nom de la langue française qu’il célébra en de nombreuses conférences. Confiant à ses principaux collaborateurs les travaux qui aboutirent aux éditions et déclinaisons des dictionnaires qui portent son nom, il rédigea une ample autobiographie (éditée par Robert Laffont en 1980). Mais la maladie qui l’emporta cette même année ne lui laissa que le temps de confier le sort des éditions qu’il avait fondées aux soins d’un grand groupe et, sur le plan intellectuel, aux deux lexicographes qui l’avaient accompagné tout au long de son aventure.

Paul Robert a un rôle majeur dans l’histoire des dictionnaires français. Il créa un nouveau type de dictionnaire de la langue, type abandonné depuis 1900 au profit du modèle encyclopédique, grâce à l’« analogie », et ouvrit la voie d’une représentation plus ouverte du discours littéraire et de l’expression française en tous domaines, à travers la célébration de la langue.

Alain Rey
conseiller éditorial des dictionnaires Le Robert
docteur honoris causa de l’université de Montréal

Source: Commemorations Collection 2010

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Rey, Alain

Thèmes :

Dictionnaire

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