Page d'histoire : Mère Angélique Arnauld Paris, 8 septembre 1591 - Paris, 6 août 1661

Portrait de la mère Angélique Arnaud et de sa sœur la mère Agnès Arnauld (1593-1671)
Huile sur toile d’après Jean-Baptiste de Champaigne (XVIIe siècle)
Magny-les-Hameaux, Musée de Port-Royal des Champs
© RMN / Hervé Lewandowski

À Port-Royal de Paris, le 6 août 1661 disparaît, à près de soixante-dix ans, Marie-Angélique de Sainte-Madeleine, dite Mère Angélique Arnauld, au terme de soixante-deux ans de vie monastique. Cette femme, d’une famille de grands robins, connut une existence exceptionnelle pour son temps.

Le milieu auquel elle appartenait lui a vite trouvé une charge de coadjutrice à l’abbaye de Port-Royal des Champs (vallée de Chevreuse), à laquelle elle s’est préparée par son noviciat et ses vœux (octobre 1600). Et dès ses onze ans, elle est intronisée comme abbesse (1602). Cette enfance lui pèse lourdement car elle se sent très mal à l’aise dans cette position, menant une vie fort peu dévote, songeant même à fuir à La Rochelle en 1607.

C’est alors que, pendant le carême 1608, elle traverse une véritable conversion qui lui fait changer radicalement de vie, au point de refaire ses vœux solennels devant l’abbé de Clairvaux le 7 mai 1610. Dès lors, elle introduit la réforme monastique dans la maison religieuse qu’elle dirige, rétablissant la règle de saint Benoît (jeûne, abstinence, silence, clôture et communauté de biens).

À cette occasion, mère Angélique rencontre la plupart des pionniers français de la réforme catholique : François de Sales (1619), Jeanne de Chantal (1620) et l’abbé de Saint-Cyran (1623). Puis, toute sa vitalité de jeune abbesse se met au service de la cause de la réforme, à Port-Royal d’abord, puis dans de nombreuses abbayes de France septentrionale.

Atteignant la quarantaine, mère Angélique, tour à tour maîtresse des novices (1638-1642) et abbesse élue pendant trois mandats successifs (1642-1654), règne sur Port-Royal. Cette longue période révèle ses talents d’organisatrice avec la réhabilitation et l’extension de Port-Royal des Champs pour accueillir une partie de la communauté de Paris (une centaine de religieuses). C’est aussi la période où elle dirige ses religieuses, des ecclésiastiques extérieurs et de nombreuses « belles amies ». Elle écrit beaucoup de lettres, d’entretiens, de conférences à l’usage de sa communauté et elle discute longuement avec tous les « solitaires » qui préparent d’importants travaux.

Une fois déchargée de ses fonctions, elle continue d’être, pour Port-Royal, une sorte d’ange tutélaire, attentive aux affrontements théologiques menés par les intellectuels du courant et aux pressions exercées sur la communauté et ses amis. À sa mort, à Port-Royal de Paris, le 6 août 1661, sa dépouille est inhumée sous les dalles du chœur de l’abbaye, puis son cœur est religieusement déposé à l’abbaye des Champs.

Cette moniale au destin sans pareil n’est entrée que tardivement dans l’histoire, car elle est devenue dès le XVIIIe siècle, du fait des hagiographies et des caricatures, à la fois une sainte et un monstre. La toute récente étude de sa correspondance, de plus de mille lettres, révèle une femme de combat pleinement engagée dans la vie et les débats de son temps, une religieuse passionnée de Dieu, placée au cœur de l’original courant janséniste.

Marie-José Michel
professeur d’histoire moderne
université Paris 13, CRESC (EA 2356)

Voir aussi le recueil des Célébrations nationales 2009

Source: Commemorations Collection 2011

Liens