Page d'histoire : Philippe Desportes Chartres, 1546 - Bonport (Eure), 5 octobre 1606

Médaillon sculpté par Mathieu Jacquet pour le tombeau
de Philippe Desportes dans le chœur de l’église de l’abbaye de Bonport
Paris, musée du Louvre
© RMN / Thierry Ollivier

Originaire de Chartres, issu d’une famille de notables, Philippe Desportes fit de solides études et entra à la cour dans un emploi subalterne de -secrétaire, protégé par Claude de L’Aubespine et les Villeroy. Introduit dans le monde des lettres dès 1567, il fréquenta le salon de la comtesse de Retz, et publia en 1573 ses Premières Œuvres, dédiées au roi de Pologne, le duc d’Anjou, futur Henri III, à qui il lia sa fortune. Familier du prince, qu’il suivit en Pologne, il profita de sa faveur lors de son retour en France. Membre de l’académie du Palais et de l’oratoire de Vincennes, Desportes obtint en 1582 deux importants bénéfices ecclésiastiques, les abbayes de Notre-Dame de Josaphat et de Tiron, dans le diocèse de Chartres, et il reçut les ordres mineurs; l’année suivante, il fut pourvu d’un canonicat à Chartres et d’un autre à la Sainte-Chapelle de Paris. Proche de l’amiral de Joyeuse, dont il fut le conseiller, Desportes quitta la cour en 1587 et semble s’être progressivement éloigné du roi, peut-être déçu de n’avoir pu obtenir le « très grand bénéfice » qu’il convoitait.

Au cours de la Ligue, il était à Rouen auprès du marquis de Villars, dont il négocia le ralliement à Henri IV, alors que son frère Thibaut, sieur de Bévilliers, en 1592, accompagnait à Rome l’évêque de Lisieux pour traiter de la conversion du roi. S’il ne reçut pas l’archevêché de Bordeaux, Desportes fut pourvu de -l’abbaye de Bonport en récompense de ses services. La paix revenue, il retrouva sa place à la cour, se partageant entre Paris et sa belle demeure de Vanves, au milieu de ses livres, recevant l’hommage de tous les poètes de son temps. Il mourut en 1606, faisant de son frère le légataire de sa fortune et de sa riche bibliothèque, dispersée après 1623.

Pourtant réduite au recueil des pièces amoureuses des Premières Œuvres et à un volume de poésies spirituelles — la savante traduction des Psaumes et vingt sonnets chrétiens, sans doute son chef-d’œuvre —, la poésie de Desportes connut un succès considérable, en France, mais aussi dans les Pays-Bas et -surtout en Écosse, attesté par près d’une cinquantaine d’éditions entre 1573 et 1629, et qu’amplifiait la mise en musique de pièces en vers parfaitement -adaptées au genre nouveau de l’air de cour.

Ce succès, qui allait bien au-delà de la faveur dont Desportes bénéficiait auprès des grands, couronnait la quasi perfection d’une œuvre lyrique patiemment reprise pendant plus de trente ans, objet d’un lent travail de polissage, de variation et d’amplification, sur une matière somme toute très grêle, en partie imitée des néo-pétrarquistes italiens. Il illustrait aussi un parfait accord entre le poète et son temps. Au milieu des fureurs des guerres civiles et religieuses, le poète disait un idéal d’harmonie et la maîtrise des passions. Desportes sut rompre avec la « fureur » d’un haut style passionné hérité de Ronsard, pour retrouver Marot et du Bellay, et revenir, par un travail méthodique sur la métrique, la prosodie et la syntaxe, à la douceur et à la raison, les qualités que célébraient les apologistes de la langue française.

 

Jean Balsamo
professeur à l’université de Reims

Source: Commemorations Collection 2006

Thèmes :

poésie

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