Page d'histoire : Expédition de Samuel de Champlain jusqu'au site de Montréal Juin 1615

Scène de danse huronne, estampe tirée de Voyages
et découvertures faites en la Nouvelle France depuis l’année 1615,
jusques à la fin de l’année 1618, NL15308.
© Bibliothèque et Archives Canada

Le 24 avril 1615, l’explorateur saintongeais, Samuel de Champlain, quitte Honfleur. Il entame son huitième voyage pour le Canada. Deux mois plus tard, le voici sur le site, à cette époque inhabité, de Montréal. Son but pour l’année 1615 : découvrir et cartographier le réseau hydrographique central de l’Amérique du Nord dont les Amérindiens lui ont décrit les grandes lignes.

La première tentative d’exploration de l’intérieur du pays datait de 1535. Jacques Cartier avait remonté la partie navigable du Saint-Laurent jusqu’au point où les rapides du fleuve avaient bloqué ses canots bretons trop pesants. L’expédition avait alors tourné court. L’endroit, dominé par une colline, avait séduit l’explorateur qui l’avait baptisé Montréal (mont Royal).

C’est cette exploration que Champlain souhaite poursuivre depuis plusieurs années en remontant le Saint-Laurent, au-delà des rapides, vers les Grands Lacs. L’échec d’une précédente tentative, basée sur les indications peu fiables d’un coureur des bois, l’a convaincu. Cette fois-ci, en 1615, il se fera guider par les Amérindiens.

Comme tous les géographes de son temps, Champlain est persuadé que le continent américain présente au nord les mêmes caractéristiques qu’au sud : un effilement conduisant à un détroit. Le Saint-Laurent mène, selon lui, à une zone centrale de partage des eaux d’où sortirait un fleuve menant au Pacifique. Champlain rêve de découvrir cette route fluviale à travers le continent, pour l’ouvrir aux Français.

« Le sieur de Champlain prétend trouver le passage de la mer du sud pour aller à la Chine et aux Indes orientales par le moyen du fleuve Saint- Laurent, qui traverse les terres de la dite Nouvelle-France, et sort icelui fleuve d’un lac contenant environ trois cents lieues, duquel lac sort un fleuve, lequel entre dans la dite mer du Sud, suivant la relation faite au dit sieur de Champlain par quantité de peuples, ses amis au dit pays. »

Les Hurons, qui se nomment eux-mêmes « Wendat », forment une population sédentaire d’agriculteurs-chasseurs. Ils habitent la baie Géorgienne au bord du lac Huron. Ils descendent chaque année jusqu’au site de Montréal pour y vendre leurs fourrures aux marchands qui remontent le fleuve à leur rencontre.

Champlain les a déjà rencontrés lors de précédents voyages et leur a promis son aide à plusieurs reprises. Leur commerce est en effet menacé par les raids incessants des Iroquois le long de leur route commerciale du lac Huron à l’île de Montréal. L’explorateur sait qu’il pourrait en contrepartie s’en faire des alliés tant pour l’exploration que pour la future colonisation du pays.

Pour soutenir son projet, Champlain s’est, par ailleurs, ménagé des appuis religieux. Il se rend à l’île de Montréal en compagnie de pères récollets qui souhaitent partir en mission auprès des Hurons.

La prise de contact se déroule sous les meilleurs auspices. « Nous arrivâmes à la rivière des Prairies, cinq lieues au-dessous du sault Saint-Louis, où étaient descendus les Sauvages. Je ne dirai point le contentement que reçurent nos Pères Religieux, non seulement en voyant l’étendue d’un si grand fleuve, rempli de plusieurs belles îles entouré d’un pays de côtes assez fertiles. Mais aussi pour y voir grande quantité d’hommes forts et robustes qui montrent n’avoir point l’esprit tant sauvage, comme les moeurs, qu’ils se l’étaient représenté, comme eux-mêmes le confessaient, et ce seulement faute d’être cultivés […]. »

Cette rencontre de 1615 est décisive. Après une ultime concertation avec le représentant de la compagnie qui détient le monopole de la traite des fourrures et les missionnaires, Champlain s’engage au nom de la France à faire alliance avec les Hurons. Comme gage de bonne foi, il mènera à leurs côtés une campagne d’intimidation en attaquant un important village iroquois. Ce sera également la première exploration européenne de la région des Grands Lacs.

« [Nous] avisâmes qu’il était très nécessaire de les assister tant pour les obliger davantage à nous aimer, que pour moyenner la facilité de mes entreprises et découvertures qui ne pouvaient se faire en apparence que par leur moyen et aussi que cela leur serait comme un acheminement, et préparation pour venir au christianisme, en faveur de quoi je me résolus d’y aller reconnaître leurs pays et les assister en leur guerre.»

Durant cette année 1615, Champlain reconnaît et cartographie les lacs Huron, Ontario et Érié et se fait décrire le lac Supérieur. Il mène une action guerrière victorieuse contre les Iroquois qui impose durablement la France comme l’alliée européenne des Hurons. Ceux-ci ainsi que les tribus qui leur sont alliées pourront désormais, et pour un quart de siècle, acheminer sans crainte leurs fourrures jusqu’à Montréal.

Champlain, les Récollets, puis les Jésuites ont longuement décrit ces peuples amis dans leurs relations de voyages. Ils pensaient que le site de Montréal serait le lieu idéal pour approfondir le contact avec les Amérindiens qui y descendaient tous les ans pour la traite des fourrures. Ils souhaitaient les amener à la religion en leur proposant, lors de leur campement saisonnier, hébergement, nourriture, soins médicaux et instruction.

C’est dans ce contexte que Jérôme Le Royer de La Dauversière, receveur des tailles de la Flèche et mystique, trouve en 1635 son inspiration. Grâce au soutien du parti dévot de la cour de France, il réussit à créer en 1639 la Société de Notre-Dame-de-Montréal pour la conversion des Sauvages de Nouvelle-France. Le 8 mai 1642, après trois ans d’efforts, un petit groupe de pionniers fervents, envoyés par la Société de Notre-Dame de Montréal, débarque dans l’île de Montréal pour fonder Ville-Marie. Cette ville missionnaire, créée pour se rapprocher des Amérindiens, deviendra au fil des ans la métropole actuelle de Montréal.

Caroline Montel-Glénisson
historienne

Voir Célébrations nationales 2003 et 2008

Source: Commemorations Collection 2015

Liens