Page d'histoire : Loi sur les secteurs sauvegardés 4 août 1962

Figeac, façades de la place Champollion
© Gilles Tordjeman - Ville de Figeac

Nancy, la place Stanislas
© Ville de Nancy

« À l’échelle du pays, l’initiative privée devient secondaire, sinon négligeable. Les problèmes posés par le quartier du Marais, plus encore par celui de la Balance à Avignon, par tant d’autres le montrent » : lorsqu’André Malraux (1) énonce ces certitudes devant les députés, le 23 juillet 1962, il sait que le projet de loi qu’il défend va être adopté.

Promulguée le 4 août 1962, la loi prévoit des plans de sauvegarde et de mise en valeur déterminant le devenir de chaque parcelle susceptible d’être démolie, restaurée ou reconstruite. Elle planifie l’évolution des secteurs où l’on distingue les parties à réhabiliter de parties à rénover dans lesquelles les promoteurs pourront bâtir, y compris dans des zones « présentant un caractère historique, esthétique ou de nature à justifier la conservation, la restauration et la mise en valeur de tout ou partie d’un ensemble d’immeubles ». Le quartier Saint-Jean de Lyon bénéficie de ces dispositions dès 1962 ; elles s’appliquent à Besançon, Sarlat et Saint-Germain-en-Laye en 1964. On dénombre 40 secteurs sauvegardés huit ans après, grâce à des crédits provenant majoritairement du ministère de la Construction mais en fonction de principes définis par le jeune ministère des Affaires culturelles. Pour son fondateur, la sauvegarde d’un quartier ancien, c’est « en préserver l’extérieur et en moderniser l’intérieur », en conservant son style propre mais « pas nécessairement au bénéfice du luxe ».

Grâce à ce que les investisseurs appellent la loi Malraux, perfectionnée en 1977 par des mesures fiscales, plus de cent secteurs sauvegardés existent au début du XXIe siècle ; sont ainsi préservés le quartier du Marais à Paris et nombre de centres anciens d’agglomérations (Bordeaux, Chartres, Montpellier). Signé le 23 décembre 2008, le centième arrêté a bénéficié à Nérac, siège de la cour du futur Henri IV et de son épouse Marguerite de Valois.

Comme l’avait pressenti le conseiller d’État Henry de Ségogne, la loi a donc aussi favorisé la revitalisation de cités anciennes telles Pézenas, Richelieu, Uzès.

André Malraux s’était élevé contre des reconstructions-pastiches aboutissant inévitablement à la contrefaçon ; la série des secteurs sauvegardés s’est donc ajoutée aux châteaux, cathédrales et musées dans lesquels l’écrivainministre voyait « les jalons successifs et fraternels de l’immense rêve éveillé que poursuit la France depuis près de mille ans ». Le temps lui a donné raison et permis qu’effectivement, « dans notre civilisation, l’avenir ne s’oppose pas au passé, il le ressuscite ».

Cf. Célébrations nationales 1986, p. 48 ; 1996, p. 137 ; 2001, p. 56 et 2009

1. C.L. FOULON, André Malraux ministre de l’Irrationnel, Paris, Gallimard, 2010.
X. LAURENT, Grandeur et misère du patrimoine d’André Malraux à Jacques Duhamel, Paris, École nationale des Chartes, 2003.

Charles Louis Foulon
Docteur en études politiques et en histoire

Source: Commemorations Collection 2012

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