Page d'histoire : Parution du Traité sur la tolérance de Voltaire 1763

Les Adieux de Calas à sa famille
Huile sur toile de Jean-Jacques Bestieu (1754 - 1842) - Toulouse, Musée des Augustins
© Photographe Bernard Delorme / Toulouse, Musée des Augustins

Comme son titre complet l’indique, Traité sur la Tolérance à l’occasion de la mort de Jean Calas, Voltaire inscrit dans l’actualité, celle d’un  procès dont il a fait une affaire, son appel en faveur de la tolérance religieuse. Le protestant Jean Calas, un négociant toulousain, avait été accusé du meurtre de son fils, Marc- Antoine, qui aurait voulu, selon la rumeur populaire, se convertir au catholicisme. Il avait été condamné à mort et exécuté, après avoir été torturé (10 mars 1762). Faute de preuve, et alors que l’accusé protestait de son innocence, la présomption de culpabilité avait prévalu, au motif qu’il avait été « vraisemblablement » la cause de la mort de son fils. Au terme d’une enquête, Voltaire acquiert la conviction qu’il s’agit d’un « meurtre juridique » causé par le fanatisme religieux. Il lance une campagne dans l’opinion publique française et européenne, multiplie les factums, énonce l’enjeu de l’affaire dans le Traité sur la Tolérance qui s’ouvre sur une « Histoire abrégée de la mort de Jean Calas ». Ainsi acquiert-il  le statut de justicier des Lumières.

 

Voltaire a déjà consacré bien des pages à  l’intolérance, mais le fanatisme du peuple et de l’Église, les déficiences de la justice, la législation antiprotestante, lui offrent l’occasion d’une « défense et illustration de l’idée de tolérance » en vingt-cinq chapitres. À la différence de ses illustres prédécesseurs, Locke, Bayle, c’est en historien des mœurs qu’il traite la question. Il démontre, preuves à l’appui, que l’intolérance est contraire à l’intérêt des nations. Il trace à cet effet un large panorama des peuples civilisés qui, au cours des siècles, s’en sont abstenus, autant que faire se peut, même s’ils se sont parfois rendus coupables d’erreurs. À la France qui, depuis la révocation de l’Édit de Nantes (1685), se veut toute catholique selon le principe : « Un roi, une foi, une loi », il adresse cette admonestation : « Si vous voulez ressembler à Jésus-Christ, soyez martyrs et non bourreaux ». Dans une « Prière à Dieu », adressée au « Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps », il expose toute la misère de la condition humaine et exhorte les hommes à « se souvenir qu’ils sont frères ». Puis, dans une prosopopée de la Nature, les hommes sont fermement invités à « s’aider les uns les autres à supporter la vie », à ne pas substituer « les misérables fureurs de l’école à la voix de la nature ». L’ouvrage s’achèvera, à partir de 1765, par un « Article nouvellement ajouté » annonçant que la mémoire de Jean Calas est réhabilitée.

 

Pour prouver que l’intolérance est aussi absurde qu’horrible, Voltaire varie les tons et les genres, introduit dans l’exposé un dialogue philosophique, un pamphlet, une fausse relation d’une dispute en Chine. Au service de la cause qu’il défend, il a mobilisé toutes ses capacités d’argumentation, toute son éloquence. C’est le défenseur de Calas que la foule ovationnera à Paris en 1778. Le Traité sur la Tolérance a été un jalon essentiel dans la lente prise de conscience des droits de l’homme.

 

Christiane Mervaud
professeur émérite de l’université de Rouen

Voir Célébrations nationales 1994, p. 101

Source: Commemorations Collection 2013

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