Page d'histoire : Edmé Bouchardon Chaumont (Haute-Marne), 29 mai 1698 - Paris, 27 juillet 1762

L’Amour taillant son arc dans la massue d’Hercule
Dit aussi L’Amour qui se fait, avec les armes de Mars, un arc dans la massue d’Hercule.
Placé dans le salon d’Hercule (Versailles en 1750) - Détail du buste
Sculpture d’Edmé Bouchardon (1698-1762) - Paris, musée du Louvre
© RMN / Stéphane Maréchalle

La célébrité de ce sculpteur fut immense à Paris durant le deuxième quart du XVIIIe siècle : aux yeux de nombreux contemporains il incarna la figure du renouveau dans les arts.

Né à Chaumont-en-Bassigny en Haute-Marne, il se forme auprès de son père sculpteur-architecte, puis à Paris dans l’atelier de Guillaume Coustou. Lauréat du Premier prix de sculpture en 1722, il part pour Rome où il arrive en septembre 1723. Il reste neuf ans en Italie, copiant d’après l’antique et les maîtres et exécutant des œuvres qui lui acquièrent, déjà, une grande réputation (copie d’après le Faune antique de la collection Barberini, aujourd’hui au Louvre ; bustes du collectionneur Philip von Stosch au musée de Berlin, du pape Clément XII dans la collection Corsini à Florence, du cardinal de Polignac au musée Bossuet de Meaux). Il revient à Paris fin 1732, précédé par une réputation flatteuse (il est élu à l’Académie romaine de Saint-Luc la veille de son départ). Dès 1733, il est agréé à l’Académie royale, ce qui lui donne le titre de sculpteur du Roi et lui ouvre les portes du Salon, alors au Louvre.

Malgré ces brillants débuts, ce n’est pas l’administration royale qui va en premier l’employer selon son mérite. En 1733 et en 1734, Bouchardon signe plusieurs marchés pour le décor de l’église Saint-Sulpice, notamment les statues en pierre de Tonnerre de la Vierge, de saint Jean et de dix apôtres pour le chœur de l’église (in situ). La monumentalité de ces statues fait grande impression, et les modèles en terre cuite se retrouvent rapidement chez les collectionneurs du temps. Il n’abandonne pas pour autant les commandes privées dont certaines sont des jalons dans l’histoire de la sculpture : le buste à l’antique du marquis de Gouvernet (collection particulière) et le monument funéraire de la duchesse de Lauraguais (disparu, connu par des dessins), qui présente comme unique ornement une figure de la douleur.

De 1739 à 1745, Bouchardon* exécute ce qui est considéré de son vivant comme son chef-d’œuvre : la fontaine de la rue de Grenelle (in situ). Il est responsable de la conception architecturale et du décor sculpté : trois statues en marbre (la ville de Paris, la Seine, la Marne), quatre Génies des Saisons en pierre accompagnés de bas-reliefs de Jeux d’enfants. Il conçoit parallèlement, de 1740 à 1750, une importante statue pour le roi, L’Amour se taillant un arc dans la massue d’Hercule (musée du Louvre), synthèse de références anciennes (l’antique, le XVIe siècle) et d’études d’après nature (neuf dessins au Louvre tournant autour du modèle vivant).

Célébré comme l’artiste ayant le mieux réussi à construire un art moderne délivré des outrances décoratives du style rocaille, membre de l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1745, il reçoit en 1748 la commande la plus prestigieuse pour un sculpteur : celle d’une statue équestre. Il conçoit un monument grandiose à la gloire de Louis XV : le monarque, vêtu à l’antique, conduit au pas sa monture ; la statue s’élève sur un haut piédestal orné de reliefs et de Vertus. Le monument, placé au centre de la place de la Concorde, est fondu à la révolution française (il est connu par une riche iconographie).

« M. Bouchardon a été certainement le plus grand sculpteur et le meilleur dessinateur de son siècle. On lui a l’obligation d’avoir ramené le goût simple et noble de l’antique » (Charles-Nicolas Cochin).

Guilhem Scherf
conservateur en chef au département des sculptures
Paris, musée du Louvre

* Cf. Célébrations nationales 1998, p. 74.

Source: Commemorations Collection 2012

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