Page d'histoire : Blaise Pascal, Traité du Triangle arithmétique 1654

Le triangle arithmétique
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L’histoire des œuvres de Pascal (1623 - 1662), à commencer par celle des fameuses Pensées (publiées posthumes en 1670), abonde en complications et en surprises. De ce fait, le Traité du Triangle arithmétique fournit un excellent exemple. Il parut avec la date de 1665, trois ans après la mort de l’auteur, par les soins de sa famille, sous forme d’un mince volume in-4°. Mais il suffit d’examiner les exemplaires subsistants pour constater que seuls quelques feuillets initiaux ont été imprimés alors, dont la page de titre et la figure du triangle. Le corps de l’ouvrage avait été mis sous presse du vivant de Pascal, et tous les exemplaires étaient disponibles dès l’été 1654, époque à laquelle Fermat en reçut un. Ce dernier fut certainement le seul informé. Pourquoi le silence qui suivit ? Sans doute à cause de la grande conversion que connut Pascal au temps du Mémorial (23 novembre 1654)  et qui le conduisit, par humilité, à un abandon prolongé des sciences.

Mais ce n’est pas tout. Le volume imprimé en 1654 présente de curieuses disparates. Non seulement le Traité du Triangle arithmétique, accompagné de quelques applications, n’en constitue qu’une première partie, une seconde étant formée par plusieurs autres petits traités mathématiques, mais, tandis que la première partie et le début de la seconde sont rédigés en français, c’est en latin que se présente la suite. Or parmi les livres que recueillirent les héritiers de Pascal se découvre une autre version imprimée de l’ouvrage, toute en latin, et commençant par un Triangulus arithmeticus (sans les applications). Il y a donc eu deux rédactions et deux impressions successives de l’ouvrage, dont on peut assurer qu’elles se sont fait suite à quelques semaines de distance. Jusqu’au bout, Pascal n’a cessé de remanier et de compléter son ouvrage, sans reculer devant le manque d’unité qui en résultait, et aboutissant finalement à ses plus belles découvertes.

Ces découvertes sont du domaine de cette discipline nouvelle que Pascal appelait brillamment « géométrie du hasard ». Les premiers problèmes qu’elle eut à résoudre concernaient le calcul des chances dans les jeux de hasard. C’est de là que devait naître le calcul des probabilités, dont Pascal peut passer pour le fondateur. Il est significatif qu’il se soit appuyé, pour traiter ces problèmes, sur la figure, déjà connue, mais encore mal exploitée, du triangle arithmétique, associant les ressources de l’arithmétique et de la géométrie, qui fait merveilleusement valoir le caractère concret de son génie.

 

Jean Mesnard
membre de l’Institut
professeur émérite à l’université de Paris IV – Sorbonne

Source: Commemorations Collection 2004

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