Page d'histoire : Attribution du prix Nobel de physique à Alfred Kastler 1966

Nous fêtons cette année le cinquantenaire du prix Nobel d’Alfred Kastler, professeur de physique à l’École normale supérieure à Paris (ENS), pour son invention en 1951 du « pompage optique ». Il s’agit d’une méthode permettant de modifi er les états des atomes en les irradiant avec une lumière polarisée circulairement et ajustée en longueur d’onde. La modification de l’état atomique est mise en évidence en analysant la lumière réémise par les atomes. Le professeur Kastler comparait sa méthode à celle d’une pompe qui puise de l’eau dans un premier réservoir (représentant le niveau atomique initial) pour la reverser dans un autre réservoir (le niveau atomique final).

La première expérience vérifi ant ces prévisions a été réalisée à l’ENS au cours de l’été 1952 par le chercheur du CNRS Jean Brossel (qui deviendra rapidement professeur) avec l’aide d’un étudiant stagiaire Jacques Winter. J’ai eu la chance de travailler sur cette expérience dès l’année suivante. Cette nouvelle méthode d’investigation a permis d’obtenir un grand nombre de renseignements sur les propriétés des atomes, avec des expériences relativement simples et peu coûteuses. Elle se développa rapidement dans plusieurs laboratoires, dont celui de Kastler et Brossel, ouvrant de nombreuses perspectives et permettant d’importants progrès en physique atomique. C’est la raison pour laquelle le jury Nobel attribua son prix 1966 au professeur Kastler.

Je souhaite souligner aussi qu’Alfred Kastler était un homme exceptionnel en raison des qualités de coeur qui l’ont conduit à s’engager généreusement dans les combats humanistes de la vie sociale et politique. Il s’est ainsi exprimé à travers une cinquantaine d’articles dans les journaux pour la défense des droits de l’homme (en particulier les scientifiques exclus de leurs laboratoires par leur gouvernement), contre les armes nucléaires, pour l’énergie nucléaire civile ou encore pour la solidarité envers le tiers-monde.

Le Laboratoire de spectroscopie hertzienne de Kastler et Brossel a changé de nom en 2003 après le décès du professeur Brossel : il est devenu le Laboratoire Kastler Brossel et a veillé à garder la même qualité scientifique, comme en témoignent les prix Nobel du professeur Claude Cohen-Tannoudji en 1997 et du professeur Serge Haroche en 2012.

 

Bernard Cagnac
ancien professeur du Laboratoire Kastler Brossel
et de l’université Pierre et Marie Curie

 

Source: Commemorations Collection 2016

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