Page d'histoire : François Rabelais. Quart Livre 1552

Portrait présumé de Rabelais exécuté au début du XVIIe siècle
© Bibliothèque interuniversitaire de Montpellier,
faculté de médecine

Lorsque, en 1552, paraît le Quart Livre, son auteur, François Rabelais est célèbre à plus d'un titre. Moine franciscain, prêtre, médecin passionné d'humanisme, éditeur d'ouvrages savants, curieux de tout, il a mis fin à son existence itinérante et l'achève dans le loisir studieux que le cardinal du Bellay offre à son protégé au château de Saint-Maur. Il résignera bientôt deux cures, - où il ne réside pas, - avant de mourir peu après à Paris en 1553.

Ses deux premiers romans, Pantagruel (1532) et Gargantua (1534), ont connu le succès, non sans quelque scandale car, s'il a toujours trouvé des protecteurs puissants, comme les illustres du Bellay, il s'est aussi attiré des ennemis, les catholiques " sorbonnards " aussi bien que Calvin.

Le Tiers Livre (1546) n'est plus signé du pseudonyme d'Alcofribas Nasier, mais du nom de l'auteur, suivi de son titre, " docteur en médecine ". L'ouvrage figure sur le Catalogue des livres censurés quelques semaines après sa publication. Les feux des bûchers se rallument.Rabelais prend le large.

En 1547, il part pour l'Italie dans la suite du cardinal du Bellay et, en passant par Lyon, il remet à son éditeur onze chapitres du Quart Livre, encore inachevé. Cette version, datée de 1548, sera reprise dans la version définitive de 1552. C'est à Odet de Coligny, frère de l'amiral, que Rabelais doit d'obtenir un " privilège " exceptionnel accordé pour dix ans à l'ensemble de son œuvre.

Près de quatre ans séparent les premiers chapitres du Quart Livre des suivants. L'itinéraire des voyageurs partis consulter l'oracle de la Dive Bouteille est devenu une pérégrination d'île en île, plus allégorique que réaliste, où les pantagruélistes rencontrent, sous la forme de leurs habitants monstrueux, les vices et les malheurs de l'Europe contemporaine.

La satire, d'une virulence accrue, s'en prend aux cibles habituelles de Rabelais, et en particulier aux Papimanes, idolâtres adorateurs du " Dieu en terre " (le pape). Ces chapitres avaient été écrits au plus fort de la crise gallicane qui, en 1551, opposa Henri II au pape, et surtout pendant le concile de Trente, dont les réformes pouvaient porter atteinte aux privilèges de l'Église gallicane. Rabelais mettait alors sa plume au service de la politique royale, ce qui lui valut le soutien tacite d'Henri II. La Faculté de théologie ayant dénoncé le Quart Livre au Parlement, celui-ci, avant de trancher, sollicita l'avis du roi, qui se fit attendre… et ne vint pas. Et, quinze jours après, le libraire remit le livre en vente.

 

Madeleine Lazard
professeur émérite à l'université de Paris III

Source: Commemorations Collection 2002

Liens