Page d'histoire : Antoine Coypel Paris, 11 avril 1661 - Paris, 7 janvier 1722

La mort de Didon - Huile sur toile
Montpellier, Musée Fabre
© Musée Fabre de Montpellier Agglomération - Photo Frédéric Jaulmes

Fils du peintre Noël Coypel (1628-1707), membre de l’Académie royale de peinture depuis 1659, le jeune Antoine Coypel se forme dans l’atelier paternel du quai de la Mégisserie et à l’Académie de peinture avant d’être autorisé par Colbert à accompagner son père, nommé directeur de l’Académie de France à Rome de 1672 à 1675, bien qu’il n’ait que onze ans à l’époque. C’est donc à Rome qu’Antoine Coypel complète sa formation, copiant d’après l’antique ou d’après les chefs-d’œuvre de la Renaissance (Loges du Vatican par Raphaël, les Carrache du palais Farnèse) au même titre que les élèves titulaires du Prix de Rome. Il remporte un prix de dessin à l’Académie de Saint-Luc, rencontre le Bernin, Carlo Maratta, et fait la connaissance du théoricien d’art Roger de Piles. Après un séjour en Lombardie où il étudie Corrège, Titien et Véronèse, il revient en France, entre à l’Académie royale de peinture en 1681 et débute une brillante carrière. Il exécute un May de Notre-Dame (1680, perdu), peint des décors muraux pour l’église des religieuses de l’Assomption de la rue Saint-Honoré (1681, détruits), travaille pour les capitouls de Toulouse (1684), peint pour la Grande Mademoiselle le pavillon de l’Aurore à Choisy (1685-1686), puis réalise un Apollon et Daphné pour le roi à Trianon (1689, musée du château de Versailles). Dans les années 1690-1692 il se fait le champion des Rubénistes contre les Poussinistes ; son Démocrite (Louvre) est un véritable manifeste rubénien. En même temps, il peint une suite de toiles sur des thèmes tirés de l’Ancien Testament : Esther et Assuérus, Athalie chassée du temple (Louvre), Le sacrifice de Jephté (Dijon), Suzanne (Madrid, Prado), compositions qu’il reprit à la fin de sa vie en cartons de tapisserie pour les Gobelins ; il s’attache à y peindre l’expression des passions, selon les principes de Le Brun, ce qui lui vaut un grand succès. En 1697 il obtient un logement aux Galeries du Louvre. En 1700 il exécute pour le château de Meudon Silène barbouillé de mûres par Eglé (Reims) et Hercule ramenant Alceste des Enfers (Cholet) pour le Grand Dauphin, fils de Louis XIV. En 1701 il peint pour le roi à Versailles Eliézer et Rébecca (1701, Louvre), le Triomphe de Vénus (Louvre) à la Ménagerie et Zéphire et Flore (Louvre) pour Trianon (1702). Il est avec Charles de La Fosse, Jean Jouvenet et les Boullogne le représentant d’une période de transition entre la peinture du siècle de Louis XIV, froide et austère, et une peinture plus légère et souriante, annonciatrice du XVIIIe siècle.

Le grand ouvrage d’Antoine Coypel, malheureusement disparu, est le décor de la galerie d’Énée au Palais-Royal. Si l’hostilité de Jules Hardouin-Mansart l’écarte du chantier des Invalides, Coypel, Premier peintre de Monsieur, duc d’Orléans, frère unique du roi Louis XIV, est protégé par son fils Philippe, futur Régent, qui lui confie le décor de la grande galerie du Palais-Royal, longue de quarante-six mètres. Le thème de l’histoire d’Énée est préféré à celle d’Hercule ou d’Apollon. Coypel passe l’hiver et l’été 1702 à faire les esquisses, priant les plus belles personnes de la Cour de vouloir bien prêter leurs traits aux déesses qu’il devait représenter. Il achève le morceau central du plafond, L’assemblée des dieux, à l’automne 1703 ; l’ensemble du plafond est terminé en 1705. Le plafond est formé d’une grande percée centrale environnée de médaillons et de trompe-l’œil, pour lesquels Coypel eut comme collaborateur Philippe Meusnier, un peintre d’architecture. Autour de cette percée centrale, les voussures présentaient six tableaux aux retombées de la voûte. L’ensemble est aujourd’hui détruit, mais les dessins mis au carreau par Coypel pour l’agrandissement sur la paroi sont conservés au musée du Louvre et l’esquisse peinte est au musée d’Angers. Ce premier décor de la galerie d’Énée était considéré alors comme complet ; seuls des trumeaux de glace devaient séparer les fenêtres et se faire face. Dès 1706 Coypel entreprit de faire graver la galerie d’Énée. L’ensemble s’inspirait de Pierre de Cortone et du baroque romain, mais les nymphes et les déesses aux minois souriants relevaient d’une peinture plaisante, légère, dite alors « de petit goût ».

Ce n’est que dix ans plus tard, à la fin de sa carrière, que Coypel revint au Palais-Royal pour compléter le décor de la galerie d’Énée. Entre 1715 et 1717, le duc d’Orléans, devenu Régent, commanda à Antoine -Coypel de grandes peintures pour orner la partie basse de la galerie. Coypel peignit alors sept grands tableaux sur l’histoire d’Énée, en cohérence avec le thème du plafond et des voussures, mais l’esprit de ces peintures était très différent de la première campagne : autant le décor initial du plafond, peuplé de nudités féminines traitées dans des tonalités claires, était représentatif du « petit goût », autant le décor mural plus tardif, animé de scènes guerrières et dramatiques, relevait du « grand goût ».

Antoine Coypel, après avoir été l’initiateur d’une peinture souriante et claire au tournant du XVIIIe siècle, était devenu dix ans plus tard grâce à l’appui de son mécène le Régent Philippe duc d’Orléans, garde des -Dessins du Roi en 1710, directeur de l’Académie de peinture et sculpture en 1714, Premier peintre du Roi en 1715, il fut anobli en 1717. Couvert d’honneurs et de responsabilités prestigieuses, ayant reconstitué entre ses mains presque tous les pouvoirs de Charles Le Brun, il tenait alors à se faire le défenseur de la peinture et se sentait le garant des valeurs traditionnelles de l’art. Cependant, Coypel fit alors des essais de couleurs nouvelles, plus austères, plus froides, mais brillantes. Malheureusement, il utilisa des matériaux de mauvaise qualité, qui noircirent et s’écaillèrent rapidement, gâtant complètement les tableaux qu’il peignit pour le chœur de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris et ceux des murs de la galerie d’Énée. De ce fait, la plupart de ces tableaux, en mauvais état, furent déposés et, se trouvant à Saint-Cloud dès 1778, furent réunis aux collections nationales. Parmi ces sept grandes toiles, deux furent déposées en 1803 au musée Fabre de Montpellier : Énée et Anchise et La mort de Didon ; une autre, Énée et Achate apparaissant dans le temple à Didon, fut déposée par le Louvre au musée d’Arras en 1938. Enfin, les quatre dernières, La descente d’Énée aux Enfers, Jupiter apparaissant à Énée, Les funérailles de Pallas et La mort de Turnus, entrées au musée du Louvre à la Révolution, y furent conservées en bien mauvais état en raison des essais de couleurs nouvelles faits par Coypel.

Un de ses grands chantiers fut la décoration de la voûte de la chapelle de Versailles (1709, dessins préparatoires au Louvre) où Coypel travailla aux côtés de La Fosse et de Jouvenet. Antoine Coypel est aussi et peut-être surtout un remarquable dessinateur, utilisant la technique des trois crayons chère à Rubens puis à son contemporain Watteau (ses études, conservées au Louvre avec tout son fonds d’atelier, sont admirables). C’est aussi un théoricien d’art : peintre lettré, qui n’hésitait pas à faire traduire des textes antiques pour en tirer de nouveaux thèmes picturaux, il publia en 1721 ses conférences à l’Académie de peinture.

Nicole Garnier-Pelle
conservateur général du patrimoine
chargée du musée Condé à Chantilly

Source: Commemorations Collection 2011

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