Page d'histoire : Parution des Nouvelles inventions de Philibert De L'Orme Paris, 1561

Philibert de l’Orme, L’Allégorie du bon architecte

Les Nouvelles inventions pour bien bastir et a petits frais sont le premier ouvrage publié par Philibert De L’Orme, en 1561, à Paris chez Frédéric Morel. C’est aussi le premier traité d’architecture -technique publié en France et en français par un architecte français. La mort d’Henri II, en 1559, laissa De L’Orme en disgrâce, mais lui procura sans doute les loisirs qui lui permirent de commencer la rédaction d’un vaste traité qu’il entendait consacrer à l’ensemble des parties de l’architecture. Les Nouvelles Inventions ne sont qu’une partie de cet ouvrage, dont il affirme à plusieurs reprises qu’elles doivent prendre place dans une Architecture dont le « premier tome » ne paraîtra qu’en 1567.

De L’Orme traite ici de l’utilisation du bois sans pour autant rédiger un livre de charpenterie. Son propos, plus limité et plus original, concerne uniquement une technique nouvelle consistant à remplacer poutres et solives par des assemblages de petites pièces de bois réunies dans des structures portantes, toitures ou planchers, à la manière des pierres dans une voûte. Cette invention présente des avantages incontestables. Écologique avant l’heure, elle permet d’exploiter des pièces de bois ordinaires, voire du bois de chauffage, car, dit-il, les grands arbres commencent à se faire rares. Pratique, elle rend les combles plus utilisables, car elle rend superflus les éléments tels que les poinçons et les fiches qui occupent l’espace dans les charpentes habituelles. Économique, elle facilite l’entretien car il est plus aisé et moins coûteux de remplacer un petit élément défaillant que de refaire toute une toiture. Enfin, le système d’assemblage fondé sur l’addition de pièces standardisées permet selon l’auteur de couvrir des portées inimaginables avec les procédés ordinaires : De L’Orme évoque la possibilité de jeter de grands ponts d’une seule arche longue de près de 400 mètres ! Il imagine des projets audacieux, une grande « basilique » royale ou un couvent pour les religieuses de Montmartre, qui anticipent les réalisations métalliques du XIXe siècle, ou celles qui au XXe utiliseront le bois lamellé-collé. Il ne s’agit pourtant pas d’utopie. Plusieurs bâtiments qu’il a construits ont été couverts grâce à sa technique, à Anet, à Fontainebleau, à La Muette de Saint-Germain. Il n’en reste rien, mais la « charpente à la Philibert De L’Orme » n’en a pas moins connu un réel succès, en France (il en existe quelques exemples, entre autres au château de Bonnemare à Fleury-sur-Andelle, dans l’Eure) et  jusqu’aux États-Unis, où Thomas Jefferson fut un ardent défenseur du procédé.

Rééditées en 1576 par les libraires Jérôme de Marnef et Guillaume Cavellat, les Nouvelles Inventions devinrent les livres X et XI des éditions complètes de l’Architecture de Philibert De L’Orme, publiées en 1626 (Paris, Regnaud II Chaudière) et 1648 (Rouen, David Ferrand).

 

Yves Pauwels
professeur d’histoire de l’art moderne
membre de l’Institut universitaire de France

Source: Commemorations Collection 2011

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