Page d'histoire : Joseph-Jérôme Lefrançois de Lalande, dit Jérôme (de) Lalande Bourg-en-Bresse, 11 juillet 1732 - Paris, 4 avril 1807

Portrait de l’astronome
par Jean-Honoré Fragonard
huile sur toile, vers 1750
Paris, musée du Petit-Palais
© RMN/Christian Jean/Jean Popovitch

Le fait qu’Houdon et Fragonard aient choisi Lalande comme modèle est symptomatique de l’image qu’il avait au XVIIIe siècle, celle de l’astronome par excellence. Il est en effet difficile de nommer un seul astronome français de ce siècle ayant eu ce rayonnement.

Lalande est un homme d’une énorme capacité de travail, passionné de rigueur et ouvert aux contacts internationaux. Après de brèves études de droit, il s’oriente vers l’astronomie, sous l’influence de Joseph-Nicolas Delisle, professeur au Collège royal (aujourd’hui Collège de France). Il observe à l’Hôtel de Cluny où il loge, et où Delisle a installé un observatoire, les occultations d’Antarès. Il suit également les cours d’astronomie de Pierre-Charles Le Monnier. C’est à Berlin qu’il commence sa carrière scientifique, à Berlin où l’envoie Le Monnier. Il est chargé par l’Académie d’y mesurer la parallaxe de la Lune (1). Associé à Nicolas-Louis Lacaille qui observe depuis le Cap de Bonne-Espérance en Afrique du Sud situé sur la même longitude, il effectue la première détermination précise de la distance de la Lune. Il n’a que 20 ans.

De retour à Paris, il est conscient de l’importance de la détermination des distances dans le système solaire. Après celle de la Lune, il veut déterminer la distance du Soleil. C’est le but des observations des deux passages de Vénus devant le Soleil, en 1761 et 1769. Les astronomes du monde entier les observent en de nombreux sites souvent fort éloignés de l’Europe. Lalande, avec un consensus remarquable, est choisi pour analyser les données ; il publie une valeur de la distance du Soleil à la Terre qui fut longtemps la valeur « standard », très proche des données actuelles, faites avec des instruments beaucoup plus précis.

Les études portant sur le système solaire exigent des mesures de positions stellaires très précises : c’est l’objet du remarquable catalogue des étoiles de Lalande, terminé en 1791, et publié en 1847 en Angleterre par Francis Baily.

Parmi les autres contributions scientifiques de Lalande, il faut signaler la prédiction précise de la date du retour de la comète de Halley (en 1759) qu’il calcule avec Alexis Clairaut et Nicole-Reine Lepeaute et qui met un terme définitif aux débats, très vifs en France, sur le newtonianisme. Toute sa vie, il observe de nombreuses comètes et en détermine les éléments.

Lalande est membre à 20 ans de l’Académie de Berlin, à 21 ans (comme adjoint astronome) de l’Académie des sciences. Au Collège royal, il succède à Delisle : il a 28 ans. À sa réouverture, en 1791, il en devient inspecteur (ce qui équivaut aujourd’hui à l’administrateur). Il y enseigne pendant 46 ans. En 1795, il devient directeur de l’Observatoire de Paris renaissant. Il est aussi secrétaire du Bureau des longitudes, dont la création lui doit beaucoup.

Il a laissé de très nombreuses oeuvres. Rédacteur de la Connaissance des Temps (1760-76), il est l’auteur d’un monumental Traité d’astronomie, et de plusieurs ouvrages de vulgarisation. Il contribue à l’Encyclopédie et s’engage à fond dans le combat humaniste et rationaliste. Franc-maçon, il participe à la fondation du Grand-Orient, puis aux travaux de la loge des Neuf-Soeurs. Son engagement athée lui vaut la vindicte de Napoléon.

Jean-Claude Pecker
membre de l’Institut
professeur au Collège de France

1. Le parallaxe diurne d’un corps du système solaire, la Lune par exemple, est l’angle sous lequel on verrait depuis ce corps, le demi-diamètre de la Terre, ce qui permet de déduire la distance de la Terre à ce corps : il s’agit en somme d’une triangulation.

Source: Commemorations Collection 2007

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