Page d'histoire : Alain-Fournier La Chapelle-d'Angillon (Cher), 3 octobre 1886 - Saint-Remy-la-Calonne (Meuse), 22 septembre 1914

Un an après la publication du Grand Meaulnes, la disparition de son auteur sur le front de Lorraine, peu après la mort de Charles Péguy, fait la une de la presse parisienne et berrichonne, annoncée par de grands noms de la littérature : Paul Fort, Julien Benda célèbrent le héros de vingt-huit ans, Hugues Lapaire, dans La Dépêche du Berry, le compare à Frantz de Galais commandant « le grand jeu ». Claudel et Romain Rolland enquêtent auprès de la Croix-Rouge.

Lieutenant de réserve, mobilisé le 2 août 1914, Alain-Fournier est « parti content », comme son ami Péguy, comme des centaines de milliers d’autres jeunes Français ; de Cambo au Pays Basque, il a rejoint sa garnison à Mirande (Gers) et, affecté au 288e régiment d’infanterie de réserve, il a quitté Auch pour le front de Lorraine. Avec sa compagnie, la 23e, il participe entre le 24 août et le 8 septembre, à trois batailles très meurtrières autour de Verdun.

Le 22 septembre, un détachement composé de deux compagnies – la 22e, commandée par le lieutenant Marien et la 23e, commandée par le lieutenant Fournier – reçoit l’ordre d’effectuer une reconnaissance offensive vers les Hauts de Meuse, envahis par l’ennemi. D’après le témoignage du sergent Baqué, Fournier parvient jusqu’à la Tranchée de Calonne où il est rejoint par le capitaine de Gramont qui prend la direction des opérations et décide d’attaquer l’ennemi. Voulant rejoindre la 22e compagnie de Marien qui s’est trouvée face à un poste de secours allemand et a échangé des coups de feu, les Français sont pris à revers par des grenadiers prussiens, dissimulés dans un fossé à la lisière du bois de Saint-Rémy. Combat confus, débandade d’une partie du détachement ; l’avant-garde est décimée par la mitraille. Trois officiers (dont Alain-Fournier) et dix-huit de leurs hommes sont tués ou mortellement blessés.

Le Journal des marches et opérations du 288e R.I. les portera « disparus au combat de Saint-Remy, au cours des journées du 21 au 30 septembre ». Nous disposons aujourd’hui de nombreux documents sur ce bref épisode d’une bataille très violente, récits tant français qu’allemands, les uns très officiels, d’autres plus personnels, parfois contradictoires.

Disparition si totale qu’en dépit des recherches menées sur le terrain après la guerre, par son ami et beau-frère, Jacques Rivière, les restes d’Alain-Fournier ne seront retrouvés que soixante-dix-sept ans plus tard, avec ceux de ses vingt compagnons d’armes. Le lieutenant Henri Fournier avait été officiellement déclaré « mort pour la France » en juin 1920, puis décoré de la Croix de guerre avec palme, enfin nommé chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume.

La découverte de ses restes, il y a maintenant vingt-trois ans, fait grand bruit dans la presse, déclenchant des calomnies aussi perverses qu’infondées. À partir de 1977, Michel Algrain et ses collaborateurs ont en effet repris des recherches. Finalement, c’est le 2 mai 1991 que Jean Louis découvre, dans le Bois de Saint-Rémy, au-dessus de la vallée du Longeau, une excavation où les corps des vingt et un hommes, originaires pour la plupart du Gers, ont été enterrés à fleur de terre dans une fosse commune creusée par les Allemands ; il les identifie aussitôt par des débris d’uniformes et par un galon de lieutenant. Une fouille minutieuse de la sépulture, puis un examen scientifique en laboratoire de tous les ossements feront justice de la plupart des accusations hâtives. En 1992, ces « morts pour la France » ont été réinhumés solennellement dans la nécropole nationale de Saint-Remy-la-Calonne (Meuse).

Michel Baranger
ancien secrétaire de l’association des amis
de Jacques Rivière et d’Alain-Fournier

Source: Commemorations Collection 2014

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